Malgré la crise du système judiciaire, pas de hausse marquée du budget

Une somme de 50 millions de dollars est allouée pour rendre la justice plus efficace, sans plus de détails.
Catherine Legault archives Le Devoir Une somme de 50 millions de dollars est allouée pour rendre la justice plus efficace, sans plus de détails.

Alors que les retards continuent de s’accumuler dans les palais de justice et que des causes sont reportées faute de personnel, la part du budget québécois alloué à la Justice ne reflète pas la gravité de la crise qui sévit, déplore le Barreau du Québec.

Après la couverture médiatique soutenue l’automne dernier des problèmes qui minent le système judiciaire, les sommes qui lui ont été allouées n’ont à peu près pas fait parler d’elles mardi lors du dépôt du budget provincial.

Le Barreau du Québec avait demandé que le budget de la Justice soit carrément doublé.

Or, la réalité n’a pas rencontré cet espoir : le budget est plutôt passé de 1,25 milliard à 1,32 milliard — une hausse de 72,8 millions, ou 5,8 %.

Il s’agit là d’une augmentation modeste qui ne peut combler les « besoins criants » du système judiciaire, a déploré la bâtonnière du Québec, Me Catherine Claveau, en entrevue avec Le Devoir. « Ce sous-financement risque d’avoir des effets directs importants sur les services à la population », indique le Barreau, en exprimant sa déception.

L’automne dernier, alors que la Coalition avenir Québec cherchait à se faire réélire, le Barreau l’avait interpellée : Me Claveau dénonçait un système judiciaire « sur le bord du précipice » et avertissait le gouvernement de « risques alarmants de dérapage ».

Quelques mois plus tard, la situation « ne s’est pas améliorée, c’est certain », dit-elle.

Des causes ne peuvent pas avancer parce que le dossier ne se rend pas dans la salle de cour, par manque de personnel, a-t-elle rapporté, ajoutant qu’il n’y a pas assez de constables spéciaux dans les palais de justice, ce qui fait craindre pour la sécurité des citoyens. Elle avait déjà donné ces deux exemples de bris de services, parmi bien d’autres, pour illustrer les difficultés : l’an dernier, un juge s’est excusé auprès d’une aînée de 87 ans victime d’un violent vol qualifié, après avoir été obligé de reporter le procès de l’accusé en raison du manque de greffières — ce qui forçait la dame à retourner une autre fois au palais de justice. Et ce cas : un citoyen a attendu plus de trois ans avant de pouvoir se présenter aux petites créances pour une histoire de facture non payée.

L’attente est devenue intenable dans bien des domaines, note la bâtonnière : en matière de protection de la jeunesse, il est impensable de devoir attendre des mois avant qu’une décision ne soit prise pour le retrait ou non d’un enfant de sa famille, signale-t-elle : « C’est catastrophique. »

Dans le budget, on ne trouve aucune mention explicite d’embauche de personnel pour faire rouler les salles de cour plus rondement, ni de nomination de juges supplémentaires.

Pourtant, le sort des causes criminelles a beaucoup retenu l’attention récemment, la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, ayant réduit le nombre de jours lors desquels ses juges vont siéger. Elle a réclamé la nomination de 41 juges pour atténuer l’effet de sa décision.

En vidéo | En coulisse du nouveau budget de Québec avec le ministre Eric Girard

Dans le budget de mardi, une somme de 50 millions de dollars est toutefois destinée à rendre la justice plus efficace — sans plus de détails. Où ira cet argent ? Ce poste budgétaire pourrait effectivement inclure l’embauche de personnel et l’ajout de magistrats, mais le cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette n’a pas confirmé mercredi à quoi servirait cette somme, se contentant de dire que des annonces seraient faites sous peu.

Par ailleurs, le gouvernement injecte 40,5 millions de dollars sur 5 ans pour rendre la médiation obligatoire et l’arbitrage automatique pour certaines causes aux petites créances, dans l’objectif de réduire l’attente pour les citoyens. Cette somme servira donc à la mise en oeuvre du projet de loi 8, tout récemment adopté. Il s’agit d’une mesure d’accès à la justice, demandée par des acteurs du milieu juridique.

Un autre investissement réjouit le Barreau tout comme le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale : il s’agit des 20,5 millions sur 5 ans voués à faciliter le parcours judiciaire des victimes notamment par le maintien du financement des postes des procureurs de la Couronne qui oeuvrent en matière de violences sexuelles et conjugales.

Me Claveau salue tout particulièrement les sommes accordées à la protection de la jeunesse, vu les besoins qui sont « urgents et nombreux », dit-elle. Avec des investissements substantiels accordés pour rendre accessibles les services sociaux d’accompagnement des parents et la déjudiciarisation pour leurs enfants, Québec accorde une place importante à la protection des jeunes vulnérables. « C’est de l’argent en amont et c’est tant mieux », conclut-elle.



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