Le troisième lien a des airs de «projet fantôme», selon l'opposition

Le tunnel Québec-Lévis a beau être inscrit dans le budget du Québec, il n’est pas plus qu’un « projet fantôme », a affirmé l’opposition à l’Assemblée nationale mercredi, alors même que François Legault refusait de détailler davantage sa promesse controversée.
Le gouvernement Legault a évité de chiffrer les impacts financiers de son projet de tunnel dans le Plan québécois des infrastructures déposé mardi à Québec. Le projet y apparaît de nouveau, mais sous l’onglet « en planification », et aucune somme n’est associée à sa réalisation. La raison, selon le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien : détailler davantage les coûts anticipés pourrait nuire au processus d’appels d’offres.
Or, l’absence d’engagements clairs de la Coalition avenir Québec (CAQ) par rapport au troisième lien laisse entrevoir un abandon imminent, a analysé mercredi le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay.
« Je suis un peu tanné de parler d’un projet fantôme », a-t-il lancé, au lendemain du dépôt du budget. « On dépense tellement de temps, d’énergie, de salive, d’encre, de temps radio, de temps TV sur un projet […] qui n’existe même pas dans le budget, pour lequel il n’y a même pas d’étude, puis qui n’est pas justifié. »
Gabriel Nadeau-Dubois non plus n’est « pas sûr qu’on va voir ça de notre vivant ». « Mon côté optimiste me tend à penser qu’un moment donné, la réalité va rattraper la CAQ, la réalité environnementale, la réalité technique d’un énorme projet, d’un projet pharaonique comme celui-là », a affirmé le co-porte-parole de Québec solidaire.
Après avoir affirmé que le tunnel irait de l’avant, peu importe les résultats des évaluations environnementales, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a tempéré son appui au projet la semaine dernière, en affirmant qu’il en parlera « quand le projet sera ficelé ». « Ce n’est pas le cas », a-t-il dit.
« On va regarder l’étude »
Les études sur l’achalandage d’un potentiel troisième lien, promises pour le début de l’année, n’ont pas encore été publiées. Le premier ministre François Legault les attendait pour le mois de mars, mais elles se font toujours attendre. Interrogé mercredi sur les chances que le tunnel voie le jour, il a de nouveau laissé planer le doute. « Écoutez, on va regarder l’étude d’achalandage, puis on va vous revenir avec des données », s’est-il contenté de dire.
Relancé sur la possibilité que le troisième lien ne soit utilisé que par du transport collectif, comme le proposait le Parti québécois en campagne électorale, M. Legault a répété qu’il attendrait la publication des études.
« C’est un geste politique. De toute évidence, il n’y a pas d’intention. Quand on n’est même pas capable de projeter dans le temps un projet […] qui a pris autant d’espace médiatique que celui-là, c’est qu’on n’a pas l’intention de procéder », a soutenu le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, lors d’un point de presse à l’hôtel du Parlement.
« Donc, je les encourage à continuer à ne pas le budgéter. »
Abordé à l’entrée d’une séance du Conseil des ministres, Jonatan Julien a rétorqué que « tous les projets de plus d’un milliard [de dollars] qui sont en planification et non en réalisation, comme le tramway [de Québec], comme le troisième lien […], le chiffre n’apparaît pas ».
Durant la campagne électorale, le député de Lévis, Bernard Drainville — alors candidat caquiste — s’était vivement porté à la défense du projet lors d’une conférence de presse. « Ce sont des véhicules électriques qui vont le prendre, de plus en plus [le tunnel]. Fait que lâchez-moi avec les GES [gaz à effet de serre] ! » avait-il dit.
Sauf que le gouvernement caquiste n’a pas mis à jour sa vision du tunnel Québec-Lévis depuis avril 2022, quand il a annoncé la réalisation d’un « bitube » estimé à 6,5 milliards de dollars. Aux dernières nouvelles, le troisième lien comptera six voies. Certaines d’entre elles seront réservées au transport collectif, mais seulement aux heures de pointe. Aucun plan officiel n’a encore été rendu public.