Airbnb fait des vagues à l’Assemblée nationale

Pressé de questions par des députés d’opposition, le premier ministre du Québec, François Legault, a pris l’engagement mardi de faire adopter d’ici l’été un projet de loi visant à s’attaquer aux locations illégales sur les plateformes de type Airbnb.
Après avoir critiqué en matinée le « laxisme » du gouvernement Legault dans l’encadrement des plateformes de location à court terme, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, est revenu à la charge en après-midi à la période des questions à l’Assemblée nationale.
« Ça n’a pas d’allure, le Far West qu’on voit actuellement à Montréal et dans bien d’autres villes. C’est mauvais pour les propriétaires. C’est mauvais pour les locataires. Et c’est dangereux », a souligné M. Nadeau-Dubois au Salon bleu.
Depuis qu’un incendie a ravagé jeudi dernier un immeuble patrimonial du Vieux-Montréal où des logements étaient loués illégalement sur des plateformes de type Airbnb, le débat entourant l’encadrement de celles-ci a repris de plus belle.
Je pense qu’avec la collaboration des oppositions, on peut faire ça d’ici la fin de la session parlementaire
À compter du 25 mars, les Québécois de la majorité des villes du Québec pourront louer leur résidence principale sur Airbnb. Pour mieux s’attaquer au phénomène des locations illégales sur les plateformes de ce type, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, s’est engagée lundi à travailler sur un projet de loi qui obligerait les auteurs des annonces sur Airbnb à inclure un numéro d’enregistrement à la Corporation de l’industrie touristique du Québec. Une photo du certificat obtenu, authentifiant qu’un logement respecte les règles en vigueur pour être loué à court terme, devra aussi être incluse dans les annonces publiées sur ce type de plateformes.
Québec solidaire a toutefois insisté mardi sur le fait que le temps presse pour serrer la vis à Airbnb. Gabriel Nadeau-Dubois a ainsi présenté mardi une motion pressant Québec de s’engager à adopter ce projet de loi d’ici la fin de la session parlementaire afin de « rendre responsable Airbnb des annonces illégales qui sont publiées sur son site ».
Questionné sur son appui à cette demande, le premier ministre a été catégorique : « La réponse est oui. Je pense qu’on a fait des efforts et je pense qu’on doit aller plus loin, qu’on doit rendre responsables les sites. » La motion a ensuite été adoptée à l’unanimité peu après 15 h, de même qu’une autre, similaire, présentée par le Parti québécois.
« Je pense qu’avec la collaboration des oppositions, on peut faire ça d’ici la fin de la session parlementaire », a poursuivi M. Legault. En matinée, M. Nadeau-Dubois a rappelé que Québec solidaire avait présenté en 2017 un projet de loi visant à rendre les plateformes de type Airbnb responsables du contenu qu’elles affichent et passibles de sanctions. Le projet avait toutefois été ignoré par le gouvernement libéral alors en poste.
Fini les passe-droits pour Airbnb! En plus d’adopter notre motion, François Legault l’a confirmé haut et fort au salon bleu: il modifiera la loi encadrant Airbnb comme les solidaires le demandent depuis 5 ans déjà. Bien heureux de ce changement de position du gouvernement. #polqc
— Gabriel Nadeau-Dubois (@GNadeauDubois) March 21, 2023
Le rôle des villes
La députée libérale Virginie Dufour est pour sa part revenue sur les propos de la ministre Caroline Proulx, qui a pressé les municipalités qui ont adopté des règlements de zonage qui restreignent les secteurs où des locations à court terme sont permises de les faire respecter. Or, selon le site Inside Airbnb, 92,5 % des quelque 13 900 appartements montréalais offerts sur Airbnb seraient illégaux, puisqu’ils ne détiendraient aucun certificat d’occupation fourni par la Ville ou le gouvernement.
« Ce que la ministre dit aux municipalités, c’est “arrangez-vous”. Mais j’aimerais rappeler que tout transfert de responsabilités du gouvernement vers la Ville, bien ça doit venir avec les sommes nécessaires pour y arriver », a souligné Mme Dufour. Cette dernière a alors proposé que les quelque 5 millions de dollars récoltés par Revenu Québec entre le 1er avril 2022 et le 28 février 2023 en lien avec des infractions à laLoi sur l’hébergement touristique soient redistribués aux municipalités de la province.
En réaction, la ministre Caroline Proulx a rappelé que l’intégration dans la Loi sur l’hébergement touristique d’une clause permettant aux municipalités de réglementer les zones où les locations à court terme sont permises sur leur territoire a été effectuée à leur demande. « Maintenant, elles doivent appliquer le zonage qu’elles ont décidé de mettre en place concernant l’hébergement de courte durée sur leur territoire, dans les villes ainsi que dans les arrondissements de Montréal », a fait valoir Mme Proulx.
À cet égard, la Ville de Montréal a annoncé mardi qu’elle mettrait sur pied d’ici juin une équipe d’inspecteurs qui sera chargée de trouver et de sanctionner les locations touristiques non conformes dans trois arrondissements, soit Ville-Marie, Le Plateau-Mont-Royal et Le Sud-Ouest. Une mesure insuffisante, selon le parti d’opposition Ensemble Montréal.
« Après les derniers événements, c’est un non-sens que Projet Montréal ne déploie pas cette escouade à la grandeur de la métropole », a déclaré le porte-parole d’Ensemble Montréal en matière de développement économique, Julien Hénault-Ratelle. « Encore une fois, l’administration Plante travaille en vase clos et délaisse sa responsabilité d’encadrer de façon équitable des hébergements touristiques en location à court terme sur l’ensemble de son territoire », a-t-il poursuivi dans une déclaration écrite.
Un bâtiment problématique ?
Le premier ministre François Legault s’est d’ailleurs questionné mardi sur l’état dans lequel se trouvait l’établissement patrimonial qui a été incendié dans le Vieux-Montréal jeudi dernier. En entrevue au Devoir, d’anciens locataires ont dénoncé le mauvais entretien du bâtiment. Le Service de sécurité incendie de Montréal a pour sa part soulevé la possibilité dans les derniers jours que ce bâtiment ne fût pas muni de détecteurs de fumée, ce qu’a nié le propriétaire Emile-Haim Benamor par le biais de son avocat, Alexandre Bergevin.
« Que ce soit des Québécois ou des visiteurs qui étaient dans ce bâtiment-là, s’il y a des normes qui n’étaient pas suffisantes, c’est grave », a déclaré M. Legault mardi, au moment où les policiers de Montréal ont extirpé une deuxième victime des décombres de l’édifice.
« Il y a des questions qu’on peut se poser sur le bâtiment lui-même, a aussi souligné la ministre Caroline Proulx. Est-ce que le système d’alarme était opérationnel ? Est-ce que les détecteurs de fumée étaient en opération ? […] Est-ce qu’il y avait des sorties de secours ? »
De nouveaux détails sur l’avancement de l’enquête policière en cours dans cette affaire seront donnés mercredi matin aux médias dans le cadre d’un point de presse.