Des baisses d’impôt pour les Québécois malgré l’incertitude économique
Dans un contexte d’incertitude économique, le gouvernement caquiste de François Legault a accordé mardi aux contribuables québécois 1,7 milliard de dollars de baisses d’impôt annuelles, après s’être fixé un nouvel objectif pour la réduction de la dette de l’État.
En déposant son budget pour l’année 2023-2024, le ministre des Finances, Eric Girard, a déclaré qu’il réduirait le fardeau fiscal des Québécois, comme promis par la Coalition avenir Québec (CAQ) durant la dernière campagne électorale.
Cette baisse des impôts est financée par une réduction des versements au Fonds des générations, créé en 2006 pour diminuer la dette du Québec.
Pour financer cette mesure qui coûtera 1,7 milliard, les versements seront réduits en moyenne à 2,6 milliards par année au cours des cinq prochains exercices budgétaires. Sans la ponction servant à la réduction des impôts, les revenus consacrés au Fonds des générations auraient été de 3,9 milliards en 2023-2024 et de 5,4 milliards en 2027-2028.
« Je pense qu’on a trouvé le bon compromis, a déclaré mardi M. Girard, lors d’une conférence de presse. Si nous n’avions pas fait de baisses d’impôt, nous aurions réduit la dette nette de 7,5 % en 10 ans, alors que là, on va le faire en 15 ans. Il y a des bénéfices parce qu’on va réduire le fardeau fiscal des Québécois. »
Après avoir atteint ses cibles en matière de diminution de l’endettement, M. Girard s’est fixé un nouvel objectif, soit réduire la dette nette à 30 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2038. Au 31 mars, la dette nette québécoise s’élèvera à 206,8 milliards, soit 37,4 % du PIB.
M. Girard a affirmé que 4,6 millions des 6 millions d’adultes québécois bénéficieraient d’une réduction d’impôt à partir du prochain exercice fiscal, qui commence le 1er avril.
Les deux premiers paliers d’imposition, qui concernent les revenus allant jusqu’à 98 450 $, sont réduits d’un point de pourcentage. L’économie fiscale maximale sera de 814 $ pour les salaires les plus élevés, tandis qu’elle sera de 210 $ pour une personne dont le revenu annuel est de 40 000 $.
M. Girard s’est défendu de favoriser les Québécois les mieux nantis avec des baisses d’impôt. Il a rappelé la bonification de l’aide aux aînés de 70 ans et plus accordée en décembre.
« C’est une mesure extrêmement importante qui va toucher un million de personnes », a fait valoir le ministre en soulignant également l’octroi de nouvelles sommes pour l’aide au logement annoncées mardi.
Un stimulus qui arrive à point
Le ministre des Finances croit que le « stimulus » des baisses d’impôt arrivera à point, à partir de juillet, au moment où l’économie québécoise pourrait frayer dans les eaux d’une récession.
M. Girard maintient d’ailleurs que le Québec est exposé à un risque de 50 % de croissance économique négative au cours du prochain exercice.
« La faiblesse de l’économie est prévue aux deuxième et troisième trimestres de 2023 », a-t-il circonscrit.
Le plan budgétaire met tout de même en avant un scénario de référence qui table sur une croissance économique de 0,6 % cette année et de 1,4 % l’année prochaine.
« Les prévisions économiques, ça fluctue », a cependant concédé M. Girard.
L’incertitude actuelle se traduit dans son budget par un autre scénario qui avance deux hypothèses, soit une récession accompagnée d’une baisse de 0,8 % du PIB en 2023-2024, ou une croissance plus forte que prévu, soit 2 %, de l’économie québécoise.
Mardi, M. Girard a fait référence à la panique bancaire qui a fait chanceler deux banques américaines et une banque suisse au cours des derniers jours, pour illustrer le contexte actuel.
« Depuis 10 jours, il y a de l’instabilité au niveau des marchés financiers, ce qui fait que le scénario plus faible est plus probable que le scénario haussier », a-t-il dit.
Après la flambée du coût de la vie des derniers mois, le plan budgétaire prévoit un retour graduel à la normale, avec un taux d’inflation de 3,5 % en 2023 et de 2,2 % en 2024.
Équilibre budgétaire
Le ministre Girard a affirmé que des provisions financières assureraient l’atteinte de l’équilibre budgétaire d’ici 2027-2028, comme prévu, peu importe le scénario qui se réalisera.
Le chemin pour y arriver varie légèrement. Par exemple, plutôt qu’un déficit budgétaire de 6,5 milliards prévu dans le budget de 2022-2023, le document déposé mardi révise ce montant à 5 milliards compte tenu des revenus supérieurs des derniers mois.
Le solde budgétaire négatif de 2,3 milliards en 2023-2024, estimé en décembre 2022, a été creusé à 4 milliards, en raison des mesures annoncées mardi dans le budget.
Outre la baisse d’impôt, le plan du gouvernement prévoit l’injection de 1 milliard dans le réseau de soins de santé, pour pérenniser notamment les centres de vaccination et de dépistage mis en place durant la pandémie, qui pourraient offrir des services de prélèvements.
Une somme supplémentaire de 740 millions servira aussi l’année prochaine à promouvoir la culture et la langue française, à favoriser l’abordabilité du logement et à fournir des services de garde.
Les dépenses en santé continuent de trôner en tête des portefeuilles ministériels. Elles s’élèveront à 59 milliards en 2023-2024, en hausse de 7,7 % par rapport à l’année précédente. L’éducation suit avec un budget prévu de 20 milliards, soit 6 % de plus que durant l’exercice précédent.
Pour en savoir plus
Au total, les dépenses prévues pour l’ensemble des portefeuilles ministériels, au cours de l’exercice qui commencera le 1er avril prochain, sont de 138,4 milliards, en progression de 1,2 %.
Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, est celui qui recevra la hausse la plus généreuse, soit 12,3 % de plus dans son portefeuille ministériel. Le superministre disposera d’un budget de 3,7 milliards de dollars, qui le positionne entre celui des Affaires municipales, de 4,5 milliards, et celui de l’Environnement, de 2,3 milliards.
Lunettes roses
Le porte-parole libéral en matière de finances, Fred Beauchemin, a accusé le gouvernement de « voir la vie en rose » avec sa prévision de hausse du PIB de 0,6 % cette année, qui contraste avec la lecture plus pessimiste d’analystes du secteur privé.
M. Beauchemin a parlé de la faillite de la Silicon Valley Bank aux États-Unis et de la reprise de Credit Suisse, qui, selon lui, sont des signes avant-coureurs d’un resserrement du crédit qui n’épargnera pas le Québec.
« Ça réussit à resserrer les conditions bancaires, ce qui nous amène encore plus sérieusement vers un ralentissement économique », a-t-il dit.
Avec Laurianne Croteau