Bonnardel souhaite encadrer les interpellations policières aléatoires

Si le projet de loi 14 est adopté, il donnera deux mois au ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, pour transmettre aux corps policiers des directives « concernant les interpellations policières, y compris les interceptions routières ».
Karoline Boucher La Presse canadienne Si le projet de loi 14 est adopté, il donnera deux mois au ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, pour transmettre aux corps policiers des directives « concernant les interpellations policières, y compris les interceptions routières ».

Plutôt que d’interdire les interpellations aléatoires, le gouvernement de François Legault entend fixer des « lignes directrices » pour les encadrer et soumettre les corps policiers à un suivi serré. Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a concrétisé ses intentions dans un projet de loi déposé mercredi.

Si le projet de loi 14 « modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la Loi visant à aider à retrouver des personnes disparues » est adopté, il donnera deux mois au ministre de la Sécurité publique pour produire des directives « concernant les interpellations policières, y compris les interceptions routières ». Les corps policiers auront ensuite l’obligation de publier annuellement un rapport faisant le portrait des interpellations effectuées au cours des douze mois précédents.

L’objectif, « c’est d’être capable de colliger les informations sur le pourquoi [des] interceptions », a résumé le ministre Bonnardel après le dépôt de son texte de loi au Salon bleu.

Quoiqu’il n’y ait « pas de racisme érigé en système » dans les services de police du Québec, « il peut y avoir des cas de profilage venant de la part de certains membres », a affirmé l’élu de la Coalition avenir Québec mercredi. Il inscrira donc dans ses lignes directrices aux corps de police l’obligation d’éradiquer les interpellations « avec motif discriminatoire ».

« Il faut […] être très clair pour dire qu’être noir dans une voiture, ce n’est pas un motif [d’interception] », a affirmé son collègue Christopher Skeete, qui est responsable de la Lutte contre le racisme. « C’est de dire explicitement que ce n’est pas acceptable et d’y attacher des sanctions. »

Jugement de la Cour

En octobre dernier, un juge de la Cour supérieure du Québec ordonnait dans une décision la fin des interpellations aléatoires. Cette pratique, qualifiée dans le jugement de « forme sournoise de racisme », est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, affirmait-il.

Dans un rapport signé en 2020, des ministres et des élus du gouvernement de la Coalition avenir Québec — dont M. Skeete — avaient également écrit que « les interpellations policières peuvent être perçues comme du harcèlement et une forme de racisme ». Ce document, contenant 25 recommandations, demandait la fin des « interpellations policières aléatoires ».

Le gouvernement a depuis fait volte-face. Les interpellations sont un « outil » pour les corps policiers, a affirmé François Bonnardel l’an dernier, au moment de faire appel de la décision de la Cour. Ce n’est pas « un abandon du principe », a ajouté Christopher Skeete mercredi. « On vient interdire les interpellations aléatoires pour des motifs discriminatoires, ce qui est essentiellement le problème », a-t-il dit.

[Quoiqu'il n'y ait] pas de racisme érigé en système [dans les services de police du Québec], il peut y avoir des cas de profilage venant de la part de certains membres

 

Le projet de loi est « loin d’être à la hauteur », a déploré mercredi la Ligue des droits et libertés. « L’interpellation est une pratique arbitraire qui doit être interdite partout au Québec, et non encadrée tel que [le] prévoit le gouvernement », a souligné l’organisme dans un communiqué de presse.

Le projet de loi 14 prévoit plus de formation continue pour les policiers en matière de lutte contre le racisme pour limiter le nombre d’interpellations discriminatoires. Il prévoit aussi la transformation du Comité de déontologie policière en tribunal administratif et la mise sur pied d’un processus de conciliation entre les personnes qui se disent victimes de discrimination et les policiers visés par une plainte.

Le texte de loi caquiste est la nouvelle version d’un projet de loi déposé dans la dernière législature par la ministre Geneviève Guilbault, qui était alors à la Sécurité publique. En plus des mesures sur les interpellations, il inclut de nouveaux pouvoirs pour les policiers dans l’éventualité d’une disparition. Si le projet de loi est adopté, par exemple, il leur permettra d’obtenir une ordonnance d’un juge afin d’accéder aux renseignements téléphoniques d’une personne disparue — des données GPS, notamment.

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