Un douzième député pour Québec solidaire

Les militants solidaires rassemblés à l’intérieur de l’entrepôt de Brasseur de Montréal ont éclaté de joie peu après 21 h. Pour cause : ils ont fait tomber le château fort libéral de Saint-Henri–Sainte-Anne à la faveur de l’élection partielle de lundi.
L’avocat spécialisé en immigration Guillaume Cliche-Rivard, qui portait les couleurs du parti de gauche, deviendra le douzième député solidaire à l’Assemblée nationale.
« On a gagné. On a gagné », ont scandé les sympathisants de Québec solidaire au terme d’une longue campagne où ils ont déployé tous les efforts pour faire « sortir le vote ».
La deuxième fois aura été la bonne pour Guillaume Cliche-Rivard, qui avait tenté de se faire élire dans la circonscription du sud-ouest de Montréal le 3 octobre dernier, en vain.
Québec solidaire a obtenu 44,5 % des votes, comparativement à 29 % pour le Parti libéral du Québec (PLQ), 11,4 % pour le Parti québécois (PQ), 9,4 % pour la Coalition avenir Québec (CAQ) et 2,7 % pour le Parti conservateur du Québec.
Dominique Anglade — qui a quitté la chefferie libérale le 7 novembre dernier, puis son siège de députée le 1er décembre dernier — représentait les électeurs de Saint-Henri–Sainte-Anne depuis 2015. Le PLQ, lui, depuis quelque 35 ans.
Guillaume Cliche-Rivard a fait son entrée sous les applaudissements et les cris de joie de dizaines de sympathisants. « J’ai travaillé vraiment fort », a-t-il soufflé à l’oreille du député de Rosemont, Vincent Marissal tout en suivant les pas des porte-paroles Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé jusqu’à une petite scène.
« J’ai hâte qu’il questionne la ministre de l’Immigration [Christine Fréchette] », a lancé Mme Massé, ravie par la « victoire […] écrasante » de sa formation politique.
En appuyant l’« espoir » et le « changement » proposé par QS, les électeurs de Saint-Henri–Sainte-Anne ont « tourné la page » de « 35 ans de domination libérale », a poursuivi Gabriel Nadeau-Dubois, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. À ses yeux, « la question de l’urne » de l’élection partielle devait montrer « qui est la meilleure opposition » au gouvernement de François Legault. « Non, tout le Québec n’est pas caquiste », a-t-il souligné devant des militants en liesse.
Le nouveau député élu Guillaume Cliche-Rivard a promis de « ne laisser tomber personne ». « Le travail ne fait que commencer », a-t-il spécifié tout en promettant de faire entendre une « voix forte » pour l’« inclusion » et la « justice sociale » à l’Assemblée nationale.
Dure défaite
De son côté, le libéral Christopher Baenninger aura échoué à garder la circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne dans le giron du PLQ. La déception se lisait sur les visages des militants réunis à la brasserie Memento, à quelques kilomètres à l’ouest des installations de Brasseur de Montréal.
M. Baenninger a dit qu’il ne s’agissait pas des résultats auxquels il s’attendait. « J’ai donné mon 110 % dans cette campagne avec l’équipe et les militants du Parti libéral du Québec », a-t-il affirmé dans une déclaration écrite transmise au Devoir.
L’entrepreneur social s’est dit néanmoins fier du travail de terrain accompli et a félicité M. Cliche-Rivard.
Le PLQ a connu une défaite historique aux dernières élections québécoises, en récoltant 14,37 % du vote populaire et en faisant élire 21 députés. Il compte désormais 19 députés.
Aux commandes de l’agrégateur de sondages Qc125, Philippe J. Fournier a écrit lundi soir sur Twitter que le PLQ était « cuit » comme force politique. « Le PLQ comme force politique au Québec, 1867-2023 RIP », a-t-il gazouillé, tout en précisant que « le PLQ ne mourra pas » pour autant.
Optimisme prudent
Les solidaires affichaient un optimisme prudent tout au long de la soirée, puisqu’ils ignoraient l’origine des premiers bulletins de vote dépouillés.
« S’ils proviennent de Griffintown, c’est très bon. S’ils proviennent de Saint-Henri, c’est moins bon », a résumé un organisateur, les yeux rivés sur un écran.
À quelques pas, Siham et Gabrielle se sont fait une accolade à l’annonce de résultats préliminaires. « On aura donné tout ce qu’on pouvait », a souligné la « bénévole à temps plein Siham », qui était vêtue d’un coton ouaté aux couleurs du parti politique de gauche. « J’ai espoir », a poursuivi Gabrielle, à ses côtés.
Ses espoirs n’ont pas été déçus.
La péquiste, Andréanne Fiola, qui a terminé la course au troisième rang, a soutenu que les résultats étaient signe que son parti est en progression. Le 3 octobre dernier, le PQ avait terminé quatrième, derrière la CAQ, dans Saint-Henri–Sainte-Anne. « On peut voir qu’on a le vent dans le dos », a-t-elle dit, enthousiaste, lors d’une entrevue téléphonique.
La femme de 23 ans se targue d’avoir pris le pouls de la population durant sa campagne. « Il y a tellement de gens qui se sont ouverts à nous sur leur situation au niveau de la crise du logement, du coût de la vie, du français qui est en déclin, de leur espoir envers l’indépendance », a-t-elle ajouté, après avoir passé sa soirée électorale en compagnie notamment de son chef, Paul St-Pierre Plamondon, à la Brasserie Côte St-Paul.
Sur Twitter, le premier ministre François Legault a félicité le vainqueur, ainsi que les autres candidats, à commencer par le caquiste Victor Pelletier.
Au bout du fil, M. Pelletier a affirmé être fier de la campagne électorale qu’il a menée. « Évidemment, ce n’est peut-être pas les résultats qu’on a souhaités, mais en tout cas, je ne pourrais pas être plus fier de tout ce qu’on a fait avec nos bénévoles », a dit le président de la Commission Relève de la CAQ au Devoir.
Le 3 octobre dernier, les caquistes avaient terminé troisièmes dans Saint-Henri–Sainte-Anne, avec 17,7 % des voix. Lundi, ils ont terminé quatrièmes avec 9,5 % des voix.
L’homme de 21 ans assure vouloir poursuivre son implication en politique. « Je pense que c’est important qu’on ait des jeunes qui s’impliquent en politique et qui sont passionnés par le Québec », dit-il.
Joint par téléphone, le conservateur Lucien Koty a dit être déçu des résultats, car il espérait que sa formation politique fasse meilleure figure dans cette circonscription qu’à l’automne dernier. Au moment où ces lignes étaient écrites, le Parti conservateur du Québec était cinquième, comme aux élections générales du 3 octobre dernier.
« Les gens de Saint-Henri–Sainte-Anne ont fait leur choix aussi, il faut respecter ça », a affirmé le consultant en technologie de l’information, qui passait la soirée dans les Entrepôts Dominion.