Québec solidaire pourrait «imposer» des candidatures féminines

Les militants de Québec solidaire (QS) se sont prononcés : pour rétablir la parité dans son caucus de députés, le parti pourrait « imposer » qu’une femme soit candidate dans une circonscription électorale.
L’idée est de présenter davantage de femmes dans des circonscriptions « prenables ». Une dizaine d’associations locales avaient déposé une proposition en ce sens en vue du conseil national solidaire, qui se déroule cette fin de semaine à Montréal. Les co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé, n’avaient pas voulu préciser s’ils appuieraient ou non cette idée.
Après un débat d’une trentaine de minutes durant lequel des arguments de démocratie interne et de féminisme se sont entrechoqués, samedi, la proposition a finalement obtenu un appui majoritaire des délégués. L’exécutif national fera donc en sorte que « des moyens soient développés et adoptés dans une instance […] future pour imposer des candidatures féminines dans des circonscriptions spécifiques dans l’objectif de maximiser la possibilité d’obtenir un caucus paritaire ». Les impacts pour le parti, où les candidatures font habituellement l’objet de votes des membres locaux, sont potentiellement majeurs.
Non paritaire depuis octobre
À l’heure actuelle, quatre des onze députés de la formation de gauche sont des femmes, soit 36 % du caucus. C’est bien loin de la parité parfaite du dernier mandat — cinq femmes, cinq hommes —, et le groupe pourrait davantage s’éloigner de la zone paritaire si l’avocat Guillaume Cliche-Rivard remporte le scrutin complémentaire dans Saint-Henri–Sainte-Anne le mois prochain.
En janvier, l’ex-députée solidaire Catherine Dorion s’était dite « attristée » par la non-parité du caucus de son ancien parti. Au moment de quitter la politique, elle avait appuyé la candidature de la militante Madeleine Cloutier dans la course à l’investiture de la circonscription de Taschereau. Mais c’est l’environnementaliste Étienne Grandmont, appuyé en partie par le national, qui l’avait emporté.
Débats
Les militants solidaires ont tout fait sauf exprimer une opinion unanime samedi lorsqu’appelés à débattre de parité. Au micro, la déléguée de Taschereau, Rébecca Breton, a tenu à préciser que l’objectif n’était pas de « forcer des candidatures », mais d’« imposer le genre ». Elle a dénoncé le manque de candidates dans les circonscriptions où QS entendait faire des gains.
« À Québec, le portrait était assez frappant pendant les élections : on avait trois hommes dans les trois circonscriptions les plus gagnables [Jean-Lesage, Jean-Talon et Taschereau] », a-t-elle dit. « Québec solidaire, sans les femmes, ce n’est rien. »
La déléguée Béatrice Fillion, qui milite dans Mercier, a dit craindre les dérives d’« imposer » des candidatures. « C’est très délicat pour moi. Vraiment à cause du mot “imposer”. Je suis très soucieuse d’une démocratie interne », a-t-elle affirmé. Le militant de Notre-Dame-de-Grâce Didier Chelin a lui aussi invité ses collègues à battre la proposition, qui réduit d’après lui, affaiblit, le pouvoir démocratique des instances locales.
« Qui voudrait-on pour nous représenter, pensons-y, Michel Chartrand ou Margaret Thatcher ? Bien, moi, j’aimerais mieux Michel Chartrand », a-t-il lancé. Une affirmation accueillie par plusieurs grommellements dans la salle.
Selon le délégué Raphaël Simard, de Vanier–Les Rivières, « les biais sexistes qu’on a nous empêchent de prendre des décisions seulement sur les idées ». « C’est en effet assez fort comme mesure, mais disons que c’est nécessaire », a-t-il dit.
« Il faut qu’on arrête de justifier la perte de la parité sur la liberté de vote des associations », a ajouté Rébecca Breton.
Comment ?
Accosté samedi après-midi, le député Étienne Grandmont, qui l’avait emporté contre une femme dans la course solidaire de Taschereau, a dit avoir voté en faveur de la proposition visant à imposer des candidatures féminines. « Je ne me sens pas visé », a-t-il dit.
En conférence de presse après le vote samedi, Manon Massé a convenu qu’il faudrait du temps pour réfléchir au meilleur mécanisme pour concrétiser cette proposition. « C’est sûr que de se dire qu’on va imposer des candidatures, c’est une des pistes. Mais l’objectif, c’est de trouver d’autres outils qu’on pourrait mettre dans notre coffre. Parce que la valeur démocratique à Québec solidaire est fondamentale, mais la valeur de la parité est tout aussi fondamentale », a-t-elle souligné.
Les solidaires attendront une instance nationale future pour déterminer les meilleurs moyens pour répondre aux exigences de leurs membres. « C’est un chantier, qu’on ouvre », a dit Mme Massé.
En plus d’adopter des propositions sur la parité, les délégués solidaires se sont engagés samedi à amorcer une grande tournée des régions du Québec, afin d’aller à la rencontre des électeurs et de reconnecter.