La vie après la défaite politique

Émilise Lessard-Therrien, Saul Polo, Méganne Perry Mélançon et Richard Campeau ont perdu leur siège lors des élections du 3 octobre dernier.
Montage Le Devoir Émilise Lessard-Therrien, Saul Polo, Méganne Perry Mélançon et Richard Campeau ont perdu leur siège lors des élections du 3 octobre dernier.

Ils ont quitté leur poste de député à regret, après avoir perdu aux élections québécoises du 3 octobre dernier. Quatre mois plus tard, Le Devoir s’est entretenu avec quatre d’entre eux qui se sont relevés de leur défaite.

Émilise Lessard-Therrien,
ex-députée solidaire de Rouyn-Noranda–Témiscamingue

« Les deux semaines qui ont suivi les élections ont probablement été les plus difficiles de ma vie », dit Mme Lessard-Therrien, qui a terminé au deuxième rang, derrière son adversaire caquiste Daniel Bernard.

Malgré sa défaite, la femme de 31 ans assure vouloir se représenter aux élections provinciales de 2026. « Mon feu ne s’est pas éteint le soir du 3 octobre », dit celle qui a été députée de 2018 à 2022 et qui participe à l’entrevue virtuelle depuis chez elle, à Duhamel-Ouest, en Abitibi-Témiscamingue.

À défaut de pouvoir débattre au Salon bleu de l’Assemblée nationale, l’ancienne députée utilise ses talents d’oratrice dans le cadre d’un contrat d’enseignement d’art dramatique au secondaire. « On dit souvent que la période de questions à l’Assemblée nationale, c’est un peu du théâtre, du spectacle, soulève la détentrice d’un baccalauréat individualisé en enseignement au secondaire. Je me suis dit : on va prendre ça au mot et on va en faire une vraie expérience en art dramatique. »

Reste que la politique lui manque. « Ne pas avoir le sentiment de pouvoir aider ou faire avancer des causes comme avant et de faire partie de la solution, ça, c’est encore difficile au quotidien », souligne Mme Lessard-Therrien, une pointe d’émotion dans la voix.

La mère de deux fillettes, âgées de deux ans et de cinq ans, a été projetée à l’avant-scène médiatique l’été dernier pour avoir dénoncé les impacts des émissions d’arsenic de la fonderie Horne à Rouyn-Noranda, un dossier qu’elle connaît bien. « Je me suis retrouvée propulsée dans les médias nationaux, à en faire plus que jamais dans tout mon mandat. »

Ce moment a été déterminant dans sa vie. « Ça donne beaucoup plus d’assurance, beaucoup plus de confiance. Je m’amusais à dire à mes anciens collègues députés que la fille qui est sortie du parlement en juin 2022 [à la fin de la session parlementaire] n’est pas la même que celle qui serait rentrée en octobre 2022. C’est un peu dommage. »

Richard Campeau,
ex-député caquiste de Bourget

Le caquiste Richard Campeau a perdu dans la circonscription montréalaise de Camille-Laurin (anciennement nommée Bourget) face au chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon. Le désistement de la candidate solidaire, après qu’elle eut été surprise à dérober un dépliant du Parti québécois, a sans doute pu donner un coup de pouce au péquiste.

Depuis sa défaite, celui qui a été député de 2018 à 2022 en a profité pour entamer un projet qu’il avait en tête depuis longtemps : écrire un roman policier. Il ignore si ce livre paraîtra un jour. « Il faut convaincre un éditeur et, pour le convaincre, il faut donner quelque chose qui soit potable. Je sais que je peux bien écrire, je suis très bon en français. Mais est-ce que je peux être intéressant pour un lecteur durant quatre à cinq cents pages ? Je ne le sais pas », dit l’homme de 68 ans, qui participe à l’appel depuis La Havane, à Cuba.

Hormis les romans policiers dont il est friand, M. Campeau suit toujours avec assiduité les médias, pour rester bien au fait de l’actualité québécoise. L’ingénieur de formation a même regardé la période de questions de l’Assemblée nationale à l’automne dernier, admet-il en riant.

Ce qui lui manque le plus en politique est la proximité avec les citoyens et les organismes communautaires, précise-t-il. « Mais il faut faire avec et ne pas se morfondre trop longtemps », s’empresse-t-il d’ajouter.

Il ignore s’il se portera candidat aux prochaines élections québécoises. « Je n’ai vraiment pas d’idée pour le moment, c’est trop loin. » Il ne compte toutefois pas retourner travailler comme ingénieur chimiste. « Ça ne me tente plus », dit-il, avant de clore la discussion par quelques mots en espagnol.

Saul Polo,
ex-député libéral de Laval-des-Rapides

Après sa défaite, Saul Polo a eu besoin de décrocher de la politique et de prendre du temps pour se ressourcer. « J’avais une fatigue accumulée et j’avais besoin de faire le vide », raconte avec un air détendu l’ancien élu libéral, dont la circonscription lavalloise a été emportée par la vague caquiste.

La dernière année a été très intense, relate celui qui a été député de 2014 à 2022. Sa précampagne électorale a débuté dès le mois de juin, à la fin de la session parlementaire. « Avec les bénévoles, on a cogné à presque 16 000 portes sur une période d’environ trois mois et demi. » Quand il pense à ses deux mandats, M. Polo a le sentiment du devoir accompli.

Il a profité des derniers mois pour reprendre avec assiduité son entraînement physique au parc du Mont-Royal, qu’il surnomme son terrain de jeu. « C’était compliqué de jongler avec mes entraînements personnels et le rythme effréné d’une précampagne et d’une campagne électorale. »

Envisage-t-il de se présenter aux prochaines élections québécoises ? « Non. 2026 est très loin, répond celui qui a été président du Parti libéral du Québec de 2012 à 2014. Puis honnêtement, je préfère laisser le parti se renouveler et continuer son introspection. » La formation politique a subi une défaite historique le 3 octobre dernier, avec seulement 21 candidats d’élus et 14,37 % du suffrage populaire.

Toutefois, pas question de mettre une croix sur la politique pour l’instant. « Je suis trop jeune, fait valoir l’homme de 47 ans. Mais disons qu’à court-moyen terme, je vais prendre du temps pour moi. » Le père d’un adolescent de 14 ans a indiqué qu’il devrait recommencer à travailler dans quelques semaines, mais il n’a pas donné de détails.

Méganne Perry Mélançon,
ex-députée péquiste de Gaspé

Quatre mois après sa défaite contre le caquiste Stéphane Sainte-Croix, l’ancienne députée péquiste de Gaspé estime s’être assez reposée. Méganne Perry Mélançon est d’ailleurs de retour en politique depuis la semaine dernière, mais cette fois à titre de porte-parole nationale du Parti québécois. Afin d’épauler les trois élus péquistes, elle représentera la formation politique dans les événements publics et auprès des médias à Montréal et dans les régions.

Ce poste créé sur mesure pour elle n’est pas un prix de consolation pour sa défaite, mais plutôt un privilège, assure la femme de 32 ans. « Je ne reviens pas avec une amertume ou un sentiment de revanche. J’ai envie de rester dans ce domaine parce qu’il me passionne et parce que je suis jeune et que je pense que je suis encore capable de revenir en force », dit avec enthousiasme celle qui a été députée de 2018 à 2022.

Mme Perry Mélançon aspire à se présenter comme candidate aux prochaines élections. Sa défaite du 3 octobre dernier ne lui en a pas enlevé l’envie. « Ça fait partie de la game. On est redevables envers les citoyens, et c’est eux qui ont le dernier mot. » Elle raconte avoir cheminé après cette épreuve. « C’est dans la défaite qu’on apprend à se connaître plus et qu’on reçoit aussi le plus de sympathie et de reconnaissance pour ce qui a été fait. »

Au cours des derniers mois, la Gaspésienne a pu savourer le plaisir de partir une journée entière en raquettes ou de passer en revue les rabais dans les circulaires. « Ce sont de petites choses comme ça, qu’on ne se permet pas beaucoup quand on travaille dans le public. » « J’en ai profité. Mais c’est long avant que tu en profites [après une telle défaite] », dit-elle.

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