Québec se débarrasse du serment au roi

Petite révolution à l’Assemblée nationale. Le projet de loi caquiste visant à rendre facultatif le serment au roi a été adopté vendredi, ce qui permettra aux élus du Parti québécois (PQ) de revenir au Salon bleu dès la fin du mois de janvier.
En donnant leur soutien unanime au projet de loi 4 « visant à reconnaître le serment prévu par la Loi sur l’Assemblée nationale comme seul serment obligatoire pour y siéger », les députés québécois ont posé un « geste d’affirmation nationale, de modernité », a lancé le ministre responsable des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge.
« Au Québec, nous sommes des démocrates, nous ne sommes pas un peuple de monarchistes », a-t-il souligné dans un discours précédant le vote final.
La nouvelle loi inscrit dans la Loi constitutionnelle de 1867 un article qui stipule que les élus n’ont l’obligation de prêter allégeance qu’au peuple québécois — et non pas au monarque du Canada — pour exercer leurs fonctions. Les trois députés péquistes, qui n’ont rendu que ce premier serment, pourront donc siéger le 31 janvier prochain, date de reprise des travaux.
« C’est un [beau] moment, je pense, pour l’Assemblée nationale, pour le Québec. Au-delà du fait que, personnellement, on est soulagés et très contents de pouvoir siéger », a affirmé vendredi le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, quelques minutes après avoir signé dans les bureaux du secrétaire général de l’Assemblée nationale, en compagnie de ses collègues, les papiers officialisant leur assermentation comme députés.
Les députés du PQ ont officiellement été assermentés. Paul St-Pierre Plamondon affirme que leur droit de siéger est « irrévocable _, même si la loi devait être invalidée.#polqc pic.twitter.com/LbxKhEA6rO
— François Carabin (@f_carabin) December 9, 2022
Contestations judiciaires en vue ?
Si tous les groupes parlementaires ont donné leur appui à cette modification législative, le leader parlementaire du Parti libéral, Monsef Derraji, a lancé un avertissement au ministre Roberge vendredi : « Nous nous sommes engagés depuis le début à collaborer pour que ce projet de loi soit adopté. […] Sur le fond, nous sommes d’accord qu’il est temps de passer à autre chose. Toutefois, nous déplorons l’approche juridique du gouvernement d’amender unilatéralement la Constitution sans consultations. »
M. Derraji a par ailleurs soulevé que « le gouvernement n’est pas à l’abri de contestations judiciaires ». « Nous lui souhaitons que les avis juridiques qu’il a reçus soient solides », a-t-il dit. Mardi, dans les pages du Devoir, deux experts soulevaient des doutes sur la constitutionnalité de la méthode utilisée par Québec pour mettre fin au serment d’allégeance à la Couronne.
Contactée par Le Devoir vendredi, la Ligue monarchiste du Canada a affirmé avoir « toujours préféré une approche basée sur l’éducation pour faire la promotion de la monarchie canadienne ». « Cela dit, notre souhait est que la loi soit contestée », a écrit le porte-parole pour le Québec du regroupement, Karim Al-Dahdah.
L’avocat Julius Grey conteste actuellement devant les tribunaux la loi 96, qui réforme la Charte de la langue française et qui utilise la même méthode que la loi 4 pour modifier la Loi constitutionnelle de 1867. Interrogé vendredi sur ses intentions d’entamer des poursuites, il a toutefois dit n’avoir aucune raison de le faire. « Dans la pratique du droit, je pense que les gens sont de plus en plus déraisonnables. Quelqu’un va poursuivre pour rien. Personne ne va perdre son emploi, personne ne sera lésé [avec l’abandon du serment] », a-t-il soutenu à l’autre bout du fil.
Que la loi soit invalidée ou non, les députés du PQ pourront siéger, a assuré vendredi Paul St-Pierre Plamondon. « En signant officiellement le registre qui confirme que nous sommes députés à part entière […], le secrétaire général nous confirme que, de manière irrévocable, nous sommes désormais bienvenus au Salon bleu. C’est ce qu’il vient de nous dire », a-t-il affirmé en mêlée de presse.
Dans un geste presque jamais vu à l’Assemblée nationale, la présidente Nathalie Roy avait interdit la semaine dernière aux trois élus péquistes de faire leur entrée au Salon bleu. Ces derniers étaient depuis en attente de l’avancement du projet de loi caquiste, qui aura finalement été adopté en 12 minutes vendredi.