Être ministre, un privilège «temporaire» et «exceptionnel»

Marguerite Blais invite Maïté Blanchette Vézina, qui a été portée à la tête du ministère des Ressources naturelles et des Forêts, à prendre soin des élus « déçus » qui n’ont pas eu sa chance d’être nommés au Conseil des ministres.
Capture d’écran Marguerite Blais invite Maïté Blanchette Vézina, qui a été portée à la tête du ministère des Ressources naturelles et des Forêts, à prendre soin des élus « déçus » qui n’ont pas eu sa chance d’être nommés au Conseil des ministres.

À l’orée de la 43législature, Le Devoir a invité des députés sortants à donner quelques conseils à des recrues afin de les aider à ne pas se perdre dans les dédales du monde politique. Cinquième et dernier passage de témoin, entre Marguerite Blais et Maïté Blanchette Vézina.

« Le titre de ministre nous est prêté temporairement, c’est un privilège, c’est exceptionnel », dit l’ancienne élue d’abord libérale, puis caquiste Marguerite Blais à Maïté Blanchette Vézina, qui a été portée à la tête du ministère des Ressources naturelles et des Forêts le 20 octobre dernier.

Mme Blais se remémore une suggestion que lui a faite le premier ministre de l’époque, Jean Charest, à ses débuts en politique sous la bannière libérale, en 2007. « On est au Conseil des ministres, et il dit : “J’ai un conseil à vous donner ; mon conseil, c’est de garder votre permis de conduire” », raconte-t-elle, avant d’éclater de rire. Traduction : le poste de ministre, qui vient avec un véhicule de fonction, n’est « pas acquis », affirme l’ancienne ministre responsable des Aînés, qui a fait un retour en politique en 2018 avec la Coalition avenir Québec (CAQ).

Au cours de l’échange virtuel, l’ex-politicienne de 72 ans admet d’emblée être « mal à l’aise » de transmettre ses connaissances à l’avocate en droit des affaires et ancienne mairesse de Sainte-Luce, dans le Bas-Saint-Laurent. « Je suis qui, moi, pour donner des conseils à quelqu’un d’autre ? » Mais rapidement, Marguerite Blais enchaîne anecdotes et recommandations destinées à la nouvelle élue caquiste dans Rimouski.

Elle invite Mme Blanchette Vézina à prendre soin des élus « déçus » qui n’ont pas eu sa chance d’être nommés au Conseil des ministres. Au caucus, « c’est très important de s’asseoir avec les députés et non pas d’être assis autour de la même table, les ministres ensemble. Je ne sais pas pourquoi, les gens ont une tendance à faire ça, mais je ne pense pas que c’est la bonne façon de faire. »

La femme de 37 ans écoute attentivement les propos de celle qui a siégé à l’Assemblée nationale de 2007 à 2015 et 2018 à 2022. La recrue dit percevoir le travail au Salon bleu du parlement comme étant « très solennel et précieux ».

Ne pas être dans sa « bulle »

Si les travaux à l’Assemblée nationale sont très importants, il faut s’assurer de demeurer à l’affût de la réalité sur le terrain, souligne Marguerite Blais. « Ne pas être dans notre bulle, ça, c’est important. »

« Merci de me le dire », répond Mme Blanchette Vézina. Cette dernière a bien l’intention de suivre cette recommandation à la lettre afin de ne pas se faire « emporter » par la vie politique et oublier « ce qui est important ».

Le rythme de travail des ministres qui sillonnent le Québec est effréné, dit Mme Blais. « Il y a un mythe : les gens pensent qu’on est toujours dans les grands restaurants “fancy”. On n’a pas le temps d’aller dans les restaurants. Finalement, c’est Tim Hortons. »

« Ou Subway », renchérit Mme Blanchette Vézina. La plupart du temps, la nouvelle députée mange « quatre ou cinq bouchées » d’un repas de cafétéria avant d’être happée par le travail. « Il y a toujours quelque chose. »

C’est très important de s’asseoir avec les députés et non pas d’être assis autour de la même table, les ministres ensemble. Je ne sais pas pourquoi, les gens ont une tendance à faire ça, mais je ne pense pas que c’est la bonne façon de faire.

 

« Comment faites-vous, Maïté, pour avoir autant de temps à me parler ce matin ? » lance alors à la blague Mme Blais à la ministre, qui est aussi responsable des régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.

L’élue rétorque en riant que l’échange a été mis à son agenda comme du « temps pour réfléchir » après les dernières semaines « très chargées ». Si elle s’occupe normalement des dossiers de circonscription les lundis matin, son équipe a accepté qu’elle participe à la rencontre. « Parler d’autres choses, ça me fait du bien aussi. »

« Protéger » la famille

Comme conseil suivant, Marguerite Blais rappelle d’un ton sérieux que la famille est « très très importante » et qu’il faut « la protéger ». « Je connais un politicien qui a été ministre pendant quatre ans et il ne s’est pas occupé de sa femme. Au bout de quatre ans, quand il est revenu au bercail, sa femme a dit : “C’est de valeur, j’ai appris pendant quatre ans à vivre toute seule, et là, bien, j’ai fait ce choix.” Il a perdu sa femme. »

Nul besoin de travailler jusqu’aux petites heures du matin pour être une bonne députée, ajoute la détentrice d’un postdoctorat en communication. « Il faut que tu prennes le temps de dormir, il faut que tu prennes le temps de prendre soin de toi, de prendre soin de ta famille », dit-elle, avant de mettre sur ses genoux sa chienne Rubis, un yorkshire qui pèse trois livres et demi.

Maïté Blanchette Vézina mentionne avoir un golden retriever, dénommé Fraser, qu’elle ne peut pas tenir dans ses bras. Lorsqu’elle rentre chez elle à Rimouski, habituellement les jeudis soir, son compagnon poilu l’attend devant la fenêtre, raconte-t-elle.

Le plus souvent elle peut être auprès de sa famille, le mieux elle se porte, affirme-t-elle. Quand elle est dans sa ville, elle tient d’ailleurs à faire son épicerie et « rester la maman » de ses deux enfants de 6 et 8 ans.

À la toute fin de l’échange, Mme Blais passe du vouvoiement au tutoiement pour s’adresser à la ministre. « Ma belle Maïté, je n’ai pas eu la chance de te rencontrer, mais je te souhaite tout le bonheur possible, dit-elle, avant de mimer un coeur avec ses mains. Et profite de ces moments magiques de vie en politique pour faire du bien. »

Car la politique partisane « où l’on se chicane » n’est pas la tasse de thé de l’ex-élue. Mais en étant ministre, la recrue pourra « changer la vie des citoyens » en déposant des projets de loi et des plans d’action, précise-t-elle. « Je compte m’y attarder avec tout mon coeur », répond Maïté Blanchette Vézina.

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