Le DGEQ balaie la demande d’enquête de Marwah Rizqy
Le directeur général des élections du Québec (DGEQ), Pierre Reid, n’ouvrira pas d’enquête sur les résultats des dernières élections québécoises dans la section de vote 144 de la circonscription de Saint-Laurent. C’est la députée libérale Marwah Rizqy qui en avait fait la demande mercredi, à la suite d’une enquête publiée dans Le Devoir qui révèle des irrégularités dans le décompte des voix dans un secteur du Vieux-Saint-Laurent.
« Les seuls éléments soulevés dans le reportage ne permettent pas l’ouverture d’une enquête pour une possible contravention à la Loi électorale visant une ou des personnes », a écrit le porte-parole d’Élections Québec, Gabriel Sauvé-Lesiège, par courriel au Devoir. Selon la loi, le DGEQ « peut refuser de faire ou de poursuivre une enquête lorsqu’il estime que la demande est frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi, ou qu’elle n’est pas nécessaire eu égard aux circonstances ».
Selon les résultats diffusés par Élections Québec, 82 citoyens ont voté pour Bloc Montréal — son meilleur score au Québec — dans la section de vote 144, comparativement à quatre citoyens pour le Parti libéral du Québec (PLQ). Or, une quinzaine d’électeurs rencontrés par Le Devoir sur la place Rodolphe-Bédard, dans les rues Crevier, Hartenstein, Boudrias et Buchanan, et sur un segment du boulevard Marcel-Laurin jurent, main sur le coeur, avoir appuyé la candidate du PLQ, Marwah Rizqy.
Si c’est une erreur, il faut qu’on apprenne de cette erreur.
Qui plus est, le PLQ a obtenu à peine 2,2 % des voix dans la section 144, mais a recueilli 31 % des voix (section 110) à 64 % des voix (section 149) dans les sections de vote voisines, toujours selon Élections Québec.
« On aimerait tous ça savoir ce qui s’est passé », a déclaré le chef libéral intérimaire, Marc Tanguay, lors d’un point de presse mercredi soir.
Le DGEQ précise qu’il pourrait faire enquête « si de nouveaux faits [lui] étaient soumis » et peut-être même intenter des poursuites pénales si une preuve suffisante lui est apportée.
« Chaque vote compte »
« Si c’est une erreur, il faut qu’on apprenne de cette erreur, affirmait Marwah Rizqy en entrevue au Devoir mercredi matin. J’ai remporté mes élections dans Saint-Laurent avec une majorité assez importante, mais ce n’est pas dans toutes les circonscriptions que ça se décide avec une majorité aussi importante. »
Dans sa lettre envoyée au DGEQ, la députée de Saint-Laurent souligne que « chaque vote compte » et que « les voix exprimées par les citoyens doivent être correctement comptabilisées, il en va de la confiance de nos institutions ».
La députée a été élue avec plus de 10 000 voix d’avance sur son principal adversaire. Le gain potentiel de quelques dizaines de votes n’aurait aucun impact sur la composition de l’Assemblée nationale. Elle ne compte ainsi pas contester les résultats ou demander un nouveau dépouillement, puisque « la conclusion recherchée doit être l’annulation de l’élection ».
« Je serais excessivement mal à l’aise de requérir le temps d’un juge, d’un greffier et d’un avocat alors que nos tribunaux sont débordés, ajoute-t-elle en entrevue. Ce sont des frais qui seraient payés par les contribuables. Il y a quand même d’autres pouvoirs qui sont dévolus au directeur général des élections, qui, lui, d’office, peut enquêter. Ce serait plus rapide si Pierre Reid décidait, par acquit de conscience, de lui-même faire les vérifications nécessaires. »
Joint par téléphone, le fondateur de Bloc Montréal, Balarama Holness, affirme que le PLQ devrait faire preuve de plus d’humilité. « Le parti a eu une campagne difficile, il a obtenu le pire résultat de son histoire. » M. Holness estime que le DGEQ est « excessivement rigoureux » et croit que les résultats officiels demeureront les mêmes. Il rappelle par ailleurs que le parti municipal qu’il a aussi fondé, Mouvement Montréal, a remporté plusieurs sections de vote aux élections de 2021, sans que ce soit contesté.
Réactions à l’Assemblée nationale
Le porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois croit qu’Élections Québec rate une belle occasion de dissiper tout doute sur le décompte des voix effectué lors du dernier scrutin. « Nous, on aurait souhaité quand même savoir ce qui s’est passé dans cette section de vote là. On est dans une époque où toutes sortes de théories circulent sur les résultats électoraux, l’intégrité des résultats électoraux, je pense qu’il ne faut laisser aucune zone d’ombre », a-t-il fait valoir dans le hall de l’hôtel du Parlement mercredi soir.
En début de journée, le député solidaire de Rosemont, Vincent Marissal, demandait à Élections Québec de « jeter un coup d’oeil » aux résultats de la section de vote 144. « Si tout un quartier dit “j’ai voté libéral”, puis qu’il n’y a pas de vote libéral, bien, je pense qu’on peut, minimalement, vérifier », avait-il fait valoir.
Les résultats hors du commun dans la section de vote 144, « ça devrait inquiéter la députée » Marwah Rizqy, est d’avis l’élu péquiste de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé. En 2018, Élections Québec indiquait que tous les électeurs de la section de vote 61 de la circonscription de Gaspé avaient appuyé le candidat libéral, Alexandre Boulay, a-t-il rappelé. Or, la candidate péquiste, Méganne Perry Mélançon, et des membres de sa famille habitaient dans cette section de vote. Ils se demandaient eux aussi où leur vote était passé. « Puis, finalement, ça avait été mal compté. Alors, je ne présume de rien, mais [l’article du Devoir] m’a intéressé », a poursuivi M. Bérubé.
Avec Alexandre Robitaille
et Florence Morin-Martel