Le travail de Pauline Marois pour la laïcité lui vaut un prix international

Pauline Marois recevra mercredi le Prix international de la laïcité des mains de l’ex-président français François Hollande pour ses « années d’engagement indéfectible […] en faveur de la laïcité » — de la déconfessionnalisation des écoles publiques à la charte des valeurs québécoise.

L’ex-ministre et première ministre québécoise se verra attribuer cette distinction, remise annuellement depuis 16 ans par le Comité Laïcité République (CLR), à l’hôtel de ville de Paris vers 18 h — heure de l’Hexagone.

Mme Marois était en concurrence directe avec le ministre de la Coalition avenir Québec (CAQ) Simon Jolin-Barrette, lui aussi nommé parmi les finalistes du prix. Le travail de l’ex-première ministre péquiste pour la « déconfessionnalisation du système scolaire » et pour le « désengagement de la mainmise de la religion » et le dépôt de la charte des valeurs sous son gouvernement lui ont permis de se distinguer, indique le président du CLR, Gilbert Abergel, en entrevue avec Le Devoir.

Dans le dossier de presse fourni par le CLR, la fiche descriptive de Mme Marois fait référence à une « charte de la laïcité de l’État, loi adoptée par l’Assemblée nationale en juin 2019 ». Or, la « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement », déposée en 2013 sous le gouvernement Marois et surnommée « charte des valeurs », diffère de la « Loi sur la laïcité de l’État », ou « loi 21 », adoptée sous bâillon par le gouvernement de la CAQ en 2019.

« Vous avez raison », a convenu M. Abergel à l’autre bout du fil lorsque mis au courant de l’erreur. Mais ce léger impair a quelque chose de révélateur, souligne en entrevue l’ex-première ministre Pauline Marois, qui prend « tout à fait » une part du crédit pour la loi 21 caquiste. « C’est notre situation de [gouvernement] minoritaire qui a fait en sorte qu’on n’a pas pu adopter la [charte], a-t-elle dit depuis Paris. Si on n’avait pas pris cette initiative, est-ce que ceux qui ont suivi l’auraient prise ? »

Mme Marois s’enorgueillit d’ailleurs d’avoir signé la préface de l’ouvrage La laïcité : le choix du Québec. Regards pluridisciplinaires sur la Loi sur la laïcité de l’État, lequel a été imaginé par le ministre Jolin-Barrette l’an dernier. « Oui, je prends du crédit. Honnêtement. Et je ne me gêne pas pour le dire », lance-t-elle.

Interdits, les signes religieux

 

C’est l’ex-ministre péquiste Bernard Drainville — désormais ministre pour la Coalition avenir Québec — qui avait déposé en novembre 2013 le projet de loi surnommé depuis « charte des valeurs ». Celui-ci visait notamment à interdire à tous les employés de l’État de porter tout « objet marquant ostensiblement une appartenance religieuse ».

La charte, qui a mené à d’importantes consultations générales auprès de la population québécoise, n’a jamais été adoptée. En 2014, Pauline Marois mordait la poussière aux élections et le Parti libéral de Philippe Couillard, fermement opposé au projet de loi, était élu. Mme Marois maintient cependant que, « malgré tout ce qu’en ont dit les gens, [la charte bénéficiait d’un] appui considérable ».

« Ça s’est avéré d’ailleurs, parce que François Legault a présenté la loi 21 avec Simon Jolin-Barrette, et on a vu comment ils ont été appuyés à cet égard-là », affirme-t-elle.

Au printemps 2019, le gouvernement caquiste de François Legault faisait adopter sa loi sous bâillon. Celle-ci s’appuyait généralement sur les mêmes principes, soit l’interdiction pour les membres de la fonction publique de porter un signe religieux au travail.

Depuis, elle a dû subir le test des tribunaux. La Cour supérieure du Québec l’a partiellement invalidée en 2021 ; la Cour d’appel du Québec se penche cette semaine sur de nouvelles contestations. Mme Marois n’ose pas « présumer du jugement », mais elle estime que, « légalement, on devrait être capables de passer au travers de cette contestation ».

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a salué mardi le « courage » dont avait fait montre Mme Marois en « ouvr[ant] le débat sur la laïcité de l’État ». « Elle était profondément convaincue, avec raison, de la nécessité d’assurer une séparation claire entre l’État et la religion. C’est sa persévérance et son calme qui auront permis à ce principe de devenir une réalité dans la société québécoise », a-t-il dit dans une déclaration écrite.

Anglade a le soutien de Marois

Dominique Anglade est la dernière victime du « sport extrême » qu’est la politique, selon l’ex-élue péquiste Pauline Marois, qui a elle aussi dû quitter son siège de cheffe à la suite d’une campagne électorale, en 2014. Au lendemain du départ de Mme Anglade de la direction du Parti libéral du Québec, Mme Marois a déploré le deux poids, deux mesures subi par les politiciennes québécoises. L’ex-première ministre du Québec est, comme la cheffe libérale sortante, la seule femme à avoir occupé le poste de leader de sa formation politique. « Je pense que la politique est plus dure pour les femmes. On ne nous pardonne pas grand-chose », a-t-elle dit.



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