Le ministère de l’Environnement gonfle, Charette suit

Sur la voie de la transition verte, le gouvernement de François Legault opte pour la continuité. Son ministre de l’Environnement, Benoit Charette, reste en poste, mais se voit confier une nouvelle branche de la lutte contre les changements climatiques : la Faune et les Parcs.
Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) confirme ainsi ses intentions de scinder un ministère longtemps qualifié d’antithétique par les groupes de pression, celui de la Forêt, de la Faune et des Parcs. Il ne rassure toutefois pas le milieu, principalement insatisfait du travail accompli par M. Charette en environnement lors du dernier mandat.
Comme ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, M. Charette aura la responsabilité de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec. « De loin, c’étaient les dossiers que je souhaitais conserver, a dit le principal intéressé au moment de rencontrer les médias après son assermentation. On a [entrepris] un travail important au cours des dernières années, mais en étant conscients qu’il reste encore beaucoup, beaucoup à faire. »
Si le gouvernement a pour objectif d’atteindre la carboneutralité en 2050, il n’a réussi depuis 1990 à amenuiser ses émissions polluantes que de 2,7 %. La cible intermédiaire d’une baisse de 37,5 % des GES en 2030 par rapport au niveau de 1990 est elle aussi bien loin. Quant au plan vert du gouvernement caquiste, il ne prévoit que la moitié des mesures nécessaires à l’atteinte des objectifs climatiques du Québec.
« Projet commun »
Dans son discours postassermentation du Conseil des ministres, le premier ministre François Legault a sonné la charge : il faut « décarboner le Québec », a-t-il dit. « Il faut que ce soit un projet commun », a-t-il lancé, tout en relatant que ses deux garçons se faisaient un devoir de lui rappeler régulièrement l’importance de la lutte contre les changements climatiques.
« Vous ne pouvez pas savoir, le vendredi soir, comment qu’on jase d’environnement. »
En marge de la création d’un poste de « superministre » de l’Économie et de l’Énergie, Benoit Charette a vanté jeudi les bienfaits de l’hydroélectricité dans la transition verte. « [Ça] sera une des clés pour, justement, décarboner notre industrie. »
L’électrification des parcs automobile et industriel occupe une part importante des intentions vertes du gouvernement caquiste. Elle ne peut pas être la seule priorité, a affirmé en entrevue avec Le Devoir le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau.
« La question, ce n’est pas tant : est-ce que c’est [M. Charette] la bonne personne, ou c’est un autre ? C’est : est-ce que le gouvernement actuel est prêt à accélérer la cadence pour atteindre les cibles de 2030 ? Jusqu’à preuve du contraire, la réponse, c’est non, parce qu’il n’a montré aucune volonté de mettre en oeuvre les éléments [nécessaires] », a-t-il dit. Le professeur cite en exemple l’« écofiscalité, l’aménagement du territoire et le transport en commun ».
À ce sujet, le ministre Charette maintient la ligne dure : taxer l’achat ou l’utilisation de véhicules polluants ne fait pas partie du programme gouvernemental, même si on ne compte plus le nombre d’organismes qui le demandent. « Notre but n’est pas d’alourdir le fardeau fiscal des Québécois. En fait, c’est tout le contraire. […] Donc, ce n’est pas une avenue qu’on envisage à ce moment-ci », a-t-il expliqué.
Jeudi, tant Québec solidaire que le Parti québécois se sont inquiétés du message que lance le retour de M. Charette au ministère de l’Environnement. « Rappelons-nous […] que monsieur Charette a échoué à présenter un plan de réduction des GES permettant d’atteindre les cibles du Québec », a lancé le co-porte-parole solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. « Dans le cas de l’environnement, avec la CAQ, ça ne pourra pas se limiter à l’expression “continuons” », a ajouté le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, en référence au slogan de campagne caquiste.
Selon le responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, Patrick Bonin, M. Charette est loin d’avoir été « à la hauteur » durant le premier mandat caquiste. « [Le remplacer] aurait été une bonne occasion de démontrer que des changements radicaux sont nécessaires dans l’approche gouvernementale », a-t-il soutenu à l’autre bout du fil.
Deux nouveaux chapeaux
Comme ministre de la Faune et des Parcs, M. Charette hérite de l’épineux dossier de la protection du caribou forestier et du caribou montagnard. Il devra aussi mener de front le projet du Québec de protéger 30 % de son territoire d’ici 2030.
Les groupes environnementaux ont salué la décision de faire passer les dossiers de la faune et des parcs dans le giron du ministère de l’Environnement. « Cette réorganisation pose les bases d’une action gouvernementale plus efficace, notamment en matière de protection des espèces menacées », a fait valoir le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec, Alain Branchaud.
« Si le gouvernement du Québec souhaite maintenir son leadership en matière de conservation et atteindre la nouvelle cible de protection de 30 % des écosystèmes, il devra augmenter l’influence du ministère de l’Environnement dans les décisions gouvernementales et déterminer les budgets en conséquence », a ajouté M. Branchaud.
À son retour au Parlement, M. Charette ne devrait pas patienter très longtemps avant de déposer un projet de loi visant à rehausser les redevances sur l’eau. Il s’était engagé à le faire rapidement en juin dernier. La rentrée parlementaire est prévue le 29 novembre.
Avec Alexandre Shields