Le «beau problème» de François Legault

Mercredi après-midi, des élus attendaient encore un coup de fil pour connaître leur sort.
Le premier ministre François Legault dévoilera le produit de ses délibérations des derniers jours, jeudi, avec son nouveau Conseil des ministres.
Après l’assermentation de ses 89 députés, mardi, il a répété que le « beau problème » qu’il anticipait avant les élections, avec un potentiel d’aspirants ministres aussi élevé, demeurait tout aussi entier, à l’approche de l’heure décisive.
Dans une réunion qui a précédé la cérémonie, M. Legault a expliqué aux membres de son caucus qu’il était placé devant « des choix déchirants », selon ce qu’un député a expliqué au Devoir.
Impossible de savoir, toutefois, si le chef caquiste irait jusqu’à reprendre les mots de son prédécesseur péquiste René Lévesque, qui, dans ses mémoires, décrivait la composition d’un Conseil des ministres comme une tâche « baroque » aux airs de « châtiment du ciel ».
« Rien de plus facile au départ que de fabriquer un cabinet. Les premiers noms s’alignent tout seuls. Mais qui fait quoi ? Et qui d’autre encore pour faire le reste ? Voilà le casse-tête », exposait-il dans son livre Attendez que je me rappelle.
Chose certaine, le processus est demeuré relativement hermétique, au-delà des évidences qui s’imposent. Durant la campagne électorale, M. Legault a déjà reconfirmé dans ses fonctions le ministre de la Santé, Christian Dubé. Il serait aussi surprenant que le ministre des Finances, Eric Girard, et son collègue de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, soient mutés.
Attente du coup de fil
Mercredi après-midi, des élus attendaient encore un coup de fil pour connaître leur sort. Ils s’empressaient de répondre dès la première sonnerie de leur appareil gardé vraisemblablement très près d’eux.
Parmi le personnel politique, certains avaient été avertis qu’ils ne sauraient rien de leur affectation avant l’annonce de la composition du nouveau Conseil des ministres. D’autres ont eu le loisir de refuser des offres.
À l’Assemblée nationale, mercredi, la moindre apparition d’un ministre ou député caquiste était l’objet de conjectures.
Pierre Fitzgibbon, Sonia Bélanger et Sylvie d’Amours ont tour à tour nourri les spéculations après avoir été vus sur la colline.
La taille du Conseil des ministres augmentera vraisemblablement de 26 à 29 sièges sans compter celui de M. Legault. Il est possible que des ministres délégués seront titularisés ou que M. Legault choisira de redécouper des ministères pour distribuer les responsabilités.
Dans les officines, plusieurs élus étaient d’avis que la quasi-totalité des ministres nommés en 2018 conserveront leur poste. Le nombre de nouveaux venus, élus le 3 octobre, pourrait osciller entre un et six ou sept. De l’avis de plusieurs, l’ex-ministre péquiste Bernard Drainville sera assurément du nombre.
Un observateur très expérimenté en gestion de caucus, qui a préféré ne pas être identifié, a souligné que M. Legault est en position de force grâce à sa réélection, ce qui limite beaucoup la marge de négociation de ceux à qui il propose un poste de ministre.
Le défi du prochain mandat sera le maintien de la cohésion, et pour ce faire, M. Legault devra être très à l’écoute de son caucus afin de répondre rapidement à toute insatisfaction, a indiqué cet observateur.
Salves de l’opposition
Mercredi, l’opposition n’a pas attendu la formation du Conseil des ministres pour asséner quelques coups aux troupes caquistes.
Le chef conservateur Éric Duhaime a demandé au gouvernement de « couper dans les dépenses » comme les « familles du Québec » et de réduire le nombre de postes ministériels.
« Je sais qu’il y a plus de bouches à nourrir cette année, que la CAQ a plus de députés, mais je ne pense pas que c’est une bonne excuse pour justifier qu’ils donnent des limousines à du monde pour qu’ils se ferment la boîte pendant quatre ans. »
Pendant la campagne électorale, Éric Duhaime s’était engagé à limiter à 20 personnes le Conseil des ministres s’il était élu.
M. Duhaime table justement sur la déception d’aspirants ministres pour convaincre au moins des caquistes de se joindre à son parti, comme il l’avait fait pour Claire Samson dans le passé.
Du côté de Québec solidaire, le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois s’est engagé, en cette « année du climat », à ce que son parti talonne sans relâche le gouvernement Legault pour que le Québec atteigne ses objectifs climatiques.
Dans un discours prononcé en conclusion de la cérémonie d’assermentation des députés solidaires, il a rappelé l’importance des prochains mois, après avoir insisté tout au long de la campagne électorale sur le fait que le prochain mandat serait celui de la « dernière chance ».
« On a assez joué avec le feu. La prochaine année doit être, ici, l’année du climat », a-t-il dit.
Avec onze députés solidaires sur les banquettes du Salon bleu, François Legault ne bénéficiera pas d’un « chèque en blanc », a ajouté M. Nadeau-Dubois. « Québec solidaire va être une opposition constructive, une opposition combative, toujours prête à collaborer pour faire avancer le Québec et toujours prête à se battre quand la CAQ va vouloir nous faire reculer », a-t-il affirmé.
Avec Isabelle Porter et François Carabin