Les propos de Legault «empêchent» Anglade de dormir
Pour la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ), Dominique Anglade, ce sont les propos « inadmissibles » du chef caquiste, François Legault, qui la tiennent éveillée la nuit, et non la position qu’occupe son parti dans les sondages.
« Ce qui m’empêche de dormir, c’est de voir à quel point on est en train de rentrer dans un mur, et qu’on ait François Legault en face de nous qui continue à tenir des propos qui sont inadmissibles », lance Mme Anglade en entrevue éditoriale avec Le Devoir.
Énergique, et réclamant du chocolat, aliment qu’elle adore, Dominique Anglade mène une campagne électorale « toujours à l’offensive », comme au début, affirme-t-elle, vêtue d’un costume bleu royal. « Il y a un bon niveau d’énergie, on ne mène pas une campagne camomille. »
La cheffe libérale est catégorique : il faut rassembler et cesser de diviser la population. « Quand je dis rassembler, c’est rassembler tout le monde : francophones, anglophones, allophones. On est tous Québécois à la fin de la journée. »
À NOTER
À l’aube des élections, Le Devoir a invité les chefs à s’asseoir à sa table éditoriale pour défendre le programme de leur parti. Ils ont tous accepté notre invitation. L’ordre de publication des entrevues a été déterminé en fonction des disponibilités des chefs de parti. Dominique Anglade est la quatrième à avoir pu participer à ces tables éditoriales.
Pendant une heure, elle s’en est prise à François Legault, qui est « toujours en train de diviser les Québécois les uns contre les autres », selon elle. « Les immigrants contre les non-immigrants, la violence, la menace », a souligné celle qui était cheffe de l’opposition officielle au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Il y a environ deux semaines, le chef caquiste s’est excusé en disant ne pas avoir voulu associer l’immigration à la violence. Il avait laissé entendre qu’une mauvaise intégration des immigrants pourrait comporter des risques pour le climat pacifique au Québec.
Dominique Anglade refuse de baisser les bras, même si elle a « vu les chiffres » du dernier sondage Léger. Paru mardi, il place les libéraux à égalité avec Québec solidaire et le Parti conservateur du Québec, avec 16 % des intentions de vote. La CAQ caracole en tête avec 38 % des appuis.
Ce qui en ressort, selon la cheffe du PLQ, c’est plutôt le pourcentage des Québécois qui « ne veulent pas de François Legault ». « C’est lui qui est le premier ministre [sortant] […] Et il y a 62 % des gens qui disent : “Ce n’est pas le premier ministre que je veux avoir.” »
Ne pas « baisser les bras »
Dominique Anglade dit être « plus découragée que le jour d’avant » chaque fois que M. Legault fait une annonce en santé durant la campagne électorale. Plutôt que d’ajouter « de la bureaucratie », il est nécessaire de donner de bons soins aux patients, dit-elle.
Mme Anglade promet d’offrir, si elle est portée au pouvoir, un médecin de famille à tous les Québécois. « On ne peut pas baisser les bras », dit-elle. Pour ce faire, elle compte notamment miser sur la reconnaissance des diplômes et former plus de ces professionnels de la santé et mieux les répartir.
Voyez l'intégralité de l'entrevue dans la vidéo ci-dessous
Dans l’accès aux médecins de famille, le PLQ souhaite donner la priorité aux « plus vulnérables », soit les gens vivant avec des maladies chroniques ou un trouble de santé mentale.
D’ailleurs, « la santé mentale devrait être égale à la santé physique » en ce qui concerne le niveau priorité, selon la politicienne. Ainsi, un gouvernement libéral instaurerait un service de psychothérapie public gratuit dont les coûts s’élèveraient à 450 millions de dollars d’ici 2027. Jusqu’à 15 séances de consultation seraient offertes par an.
Mme Anglade déplore « l’hémorragie » que connaît le système public. À son avis, il faut utiliser le privé « là où c’est utile » afin de désengorger le réseau de la santé.
La cheffe du PLQ souhaite améliorer les conditions des travailleurs, notamment en éliminant à terme les heures supplémentaires — appelé « temps supplémentaire obligatoire ». Il s’agit d’une demande récurrente des infirmières. Cette mesure contribuerait à attirer plus de professionnels dans le réseau de la santé, estime-t-elle.
« Plus de pouvoirs » aux régions
Pour régler la pénurie de main-d’oeuvre au Québec, une partie de la solution est l’immigration, selon le PLQ. Si elle est portée au pouvoir, la formation accueillerait 70 000 nouveaux arrivants la première année, puis modulerait le nombre en fonction des besoins des régions dans les années suivantes.
Mais pour faire en sorte que les immigrants demeurent en région, « tout le monde doit être impliqué », explique-t-elle. « Tu ne vas pas forcer quelqu’un qui ne veut pas rester quelque part à rester [là] », fait valoir la cheffe libérale.
La clé est plutôt de créer un environnement accueillant où les gens se sentent davantage intégrés, selon elle.
Il est nécessaire de donner « plus de pouvoirs aux régions » en matière d’immigration, souligne Dominique Anglade. Il faut s’asseoir avec les élus et les acteurs régionaux afin qu’ils puissent définir leurs besoins, dit-elle.
La pénurie de main-d’oeuvre est un « frein immense » à la croissance économique du Québec, mais elle « hypothèque » aussi l’avenir « de nos enfants », déplore Mme Anglade. « Je vois mes enfants aller à l’école au quotidien et je vois mes enfants qui vivent le fait qu’un enseignant tombe au combat. »
Du « chemin à faire »
La cheffe souligne qu’en politique, mais pas seulement dans ce secteur, il y a encore « du chemin à faire » en ce qui concerne la place des femmes.
« Je le sais, comme femme, une mère de trois enfants : la charge mentale, je la vis, affirme-t-elle. Je suis capable de la comparer à celle de mon chum, je suis capable de la comparer à celle de tous les gens que je fréquente. »
La première femme à la tête du PLQ, qui occupe cette fonction depuis mai 2020, estime que « c’est plus difficile » pour toutes les femmes qui travaillent, peu importe la fonction.
Le rôle des femmes dans la société est trop peu abordé, selon elle. « Combien de politiciens en parlent aujourd’hui depuis le début de la campagne ? […] Pas si souvent que ça », conclut-elle.