Legault critiqué pour ses propos sur l’immigration et la «cohésion nationale»

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a essuyé les critiques de ses adversaires lundi en raison de ses propos de la veille sur le risque que feraient courir certaines cibles d’immigration à la « cohésion nationale » québécoise.
« C’est de la petite politique », a déploré la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ), Dominique Anglade, de passage à Laval. « C’est petit, c’est mesquin, c’est minable. » M. Legault cherche à diviser la population de « manière délibérée », a-t-elle ajouté plus tard.
« Entretenir la peur de l’autre, c’est ce que [François Legault] fait en disant : la personne […], elle n’est pas exactement pareille comme toi, alors peut-être que tu devrais t’en méfier », a dit Mme Anglade, sans toutefois préciser à qui elle estime que le chef caquiste s’adresse.
Si les libéraux sont élus le 3 octobre prochain, ils souhaitent accueillir 70 000 nouveaux arrivants au Québec la première année, puis adapter ce nombre en fonction des besoins des régions dans les années suivantes. Leur bonne intégration nécessite d’ailleurs des investissements en francisation et une régionalisation de l’immigration, selon Dominique Anglade.
Les seuils d’immigration proposés par le PLQ et par Québec solidaire (QS) risquent de nuire à la « cohésion nationale », qui passe par la défense de la langue, avait affirmé François Legault lors d’un passage à Drummondville dimanche. « C’est comme mathématique », a dit le chef caquiste en mêlée de presse. « Si on veut arrêter le déclin pendant un certain temps, il faut mieux intégrer les nouveaux arrivants en français. »
De son côté, la CAQ souhaite maintenir les cibles d’immigration du Québec à 50 000 personnes par année, dont un maximum de 10 000 immigrants non francophones.
Lundi, le chef caquiste a réagi aux attaques de son adversaire libérale en l’attaquant à son tour. « Mme Anglade est négative jour après jour. On dirait qu’elle ne se rend pas compte que les Québécois n’aiment pas ça », a noté François Legault.
« Mal placé » et « exagéré »
Le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, a pour sa part fait valoir que M. Legault était « très mal placé pour parler des menaces à la cohésion sociale ». En marge d’un point de presse tenu dans la capitale, il a rappelé les excuses faites par le chef caquiste sur le même sujet la semaine dernière. François Legault avait alors affirmé ne pas avoir « voulu associer l’immigration à la violence ».
Depuis Chibougamau, le co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, a déploré que M. Legault soit « toujours négatif » à ce sujet. Il a « toujours un ton pas le fun. Toujours, il nous parle de menaces. Ç’a toujours l’air d’être un problème pour lui, l’immigration », a-t-il déploré. Les Québécois forment « un peuple accueillant » et ont envie d’entendre parler d’immigration de « manière positive », estime M. Nadeau-Dubois.
Devant la multiplication des déclarations, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a quant à lui voulu s’élever au-dessus de la mêlée. « J’aimerais lancer un appel au calme. Les Québécois ne doivent pas se faire confisquer un débat qui est fondamental sur l’avenir du français et sur l’immigration par des déclarations qui sont exagérées et outrancières. »
Le chef péquiste a invité ses adversaires à mettre de côté les formules chocs au profit des questions de fond. « C’est facile de faire la une en traitant ses adversaires de minables. Ou de retenir toute l’attention médiatique en parlant de menaces, de peur, ou en associant la violence à l’immigration. C’est trop facile. » M. St-Pierre Plamondon a aussi assuré qu’il entendait suivre ses propres conseils. « Nous conserverons en tout temps un ton qui est constructif et qui favorise un débat sur les politiques publiques et non pas un concours de superlatifs et de qui retient le plus l’attention », a-t-il promis.
Appel au calme de Legault
François Legault a par ailleurs lancé à son tour un appel au calme lundi, après la diffusion d’un reportage de TVA qui expose les gestes d’intimidation dont son candidat dans Arthabaska, Éric Lefebvre, a été la cible la semaine dernière. « Il faut que tous les chefs lancent un appel au calme et dénoncent cette intimidation. Les cinq doivent le faire clairement. »
Joint par Le Devoir, Éric Lefebvre s’est remémoré l’incident de jeudi dernier, survenu devant sa résidence de Victoriaville, qui est située à l’extrémité d’une impasse. « Il y a un convoi qui est débarqué chez nous, entre 20 et 30 véhicules, qui klaxonnaient et qui avaient des systèmes sonores amplifiés. » Ce tintamarre était entrecoupé des cris de « liberté », de « fuck Legault » et de « fuck Lefebvre ».
« Il y a une ligne qui a été dépassée, qui est inacceptable », déplore celui qui était whip en chef de la CAQ au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale. « C’est pour ça que je me lève pour dénoncer haut et fort l’intimidation qui a été faite. »
Éric Lefebvre dit ne jamais avoir vécu une campagne aussi houleuse, y compris lors de ses expériences en politique municipale et fédérale. « Je n’ai jamais, jamais senti de l’agressivité comme on peut en retrouver cette année. J’ai eu trois ou quatre gestes d’intimidation depuis le [déclenchement des élections], ce que je n’ai jamais vécu en sept campagnes. »
Le député sortant refuse d’associer ces manifestants à une mouvance politique en particulier. « Je vais laisser les gens faire les déductions qu’il se doit. Moi, aujourd’hui, la dénonciation que je fais, c’est qu’il y a des conséquences », a précisé M. Lefebvre. « Ma belle-fille âgée de 16 ans est déficiente intellectuelle. Ce soir-là, elle a fait une crise d’angoisse comme elle n’en avait pas fait depuis huit ou neuf ans. »
Lundi, M. Legault n’a pas écarté un lien entre les manifestants et le slogan « Libres chez nous » du Parti conservateur du Québec. « Les gens criaient “liberté”, a-t-il dit. Je m’excuse, mais ce n’est pas ça, la liberté. »
Au moment où ces lignes étaient écrites, le PCQ n’avait pas rendu nos appels.
Avec Marco Bélair-Cirino