Quatre partis, quatre candidats autochtones: Maïtée Labrecque-Saganash

Parmi ses nombreux tatouages, Maïtée Labrecque-Saganash a le mot sensitive, soit sensible en anglais, tracé près de son coeur.
« Je suis très empathique, parce que je n’ai pas eu une vie facile, alors je suis capable de me mettre à la place de quelqu’un d’autre », explique la candidate de Québec solidaire dans la circonscription d’Ungava, dans sa modeste demeure.
Nous sommes dans la communauté crie de Waswanipi, dans le Nord-du-Québec, qui compte environ 2000 habitants. On y trouve des rangées d’habitations semblables, des bâtiments institutionnels et éducatifs, une caisse Desjardins, un dépanneur et une station-service. À plus d’une centaine de kilomètres à la ronde, il n’y a que la forêt boréale.
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C’est ici que la fille de l’ancien député fédéral cri Roméo Saganash, née d’une mère québécoise, veut continuer de résider, même si elle est élue à l’Assemblée nationale. Elle a vécu à Québec, à Montréal et dans d’autres communautés autochtones, mais c’est à Waswanipi que sa qualité de vie est la meilleure.
« J’ai mon bateau pour aller à la pêche. Mon camp de chasse est à 45 minutes d’ici. Et surtout, on se connaît tous. »
Près du salon, la femme de 27 ans a érigé un petit espace sacré avec des photos de sa grand-mère, aujourd’hui décédée. C’est son aïeule qui, en quelque sorte, l’a aidée à remonter à la surface quand elle a touché le fond. Car Maïtée Labrecque-Saganash n’a pas échappé à la consommation d’alcool et de drogue dès sa préadolescence, pour tenter d’oublier certains traumatismes. Alors qu’elle étudiait à l’université en science politique, elle s’est retrouvée sans domicile fixe. « Tu es sur le divan de tes amis et tu te sens comme un boulet », se rappelle-t-elle.
À cette époque, elle s’impliquait déjà dans la défense des droits autochtones et publiait des chroniques dans le journal Métro. « J’étais en colère, et c’était ce qui me gardait en vie, mon seul moteur pour avancer », se souvient la militante.
À 22 ans, Maïtée se rend à Mistissini pour aider sa tante et son mari à prendre soin de sa grand-mère. « Ils étaient fondamentalement heureux que je sois là, sans rien attendre de moi, raconte-t-elle avec émotion. Je m’endormais avec ma grand-mère qui parlait dans son sommeil, et la première chose que je faisais le matin était de lui donner un bec. Ça m’a tellement apporté de stabilité et de paix, que du monde m’aime juste parce qu’ils m’aiment. »
Sa colère s’est transformée en bienveillance. Elle travaille en communications pour le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James et siège au Conseil des commissaires du Cree School Board. Elle tient à ce que son parcours soit une inspiration pour les jeunes qui vivent des épreuves semblables aux siennes.
Son ambition d’ouvrir les portes de l’Assemblée nationale est liée à son désir d’y faire entrer plus d’altruisme. C’est pour faire en sorte que les membres de communautés éloignées aient accès à des soins de santé adéquats ; que personne ne soit condamné à l’itinérance en raison du manque de logements ; que les jeunes de sa région aient des possibilités d’études et d’emplois dans divers domaines ; que les gens de la Baie-James aient accès à du transport collectif.
« Ça fait des dizaines d’années qu’on se tape des réformes et des mesures d’austérité, et ça ne fonctionne pas. Est-ce qu’on peut ramener la notion d’humanité dans ce qu’on fait ? Ce serait le temps d’essayer. »