Legault veut plus de privé en santé

Les services qui seront offerts dans ces établissements privés « à mi-chemin » entre des GMF et l’hôpital » seront remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), a assuré le chef caquiste, François Legault.
Ryan Remiorz La Presse canadienne Les services qui seront offerts dans ces établissements privés « à mi-chemin » entre des GMF et l’hôpital » seront remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), a assuré le chef caquiste, François Legault.

La Coalition avenir Québec (CAQ) mise sur la construction de « mini hôpitaux » ou de « gros GMF » privés pour accroître l’accès aux soins de santé.

Le parti politique de François Legault promet de lancer un appel de propositions en vue de la construction de deux « centres médicaux privés » : un premier dans l’est de Montréal où l’hôpital Maisonneuve-Rosemont est surchargé, ainsi qu’un à Québec où l’Hôpital Saint-François d’Assise et l’Hôpital de l’Enfant-Jésus sont débordés.

Les services qui seront offerts dans ces établissements privés, « à mi-chemin » entre des Groupes de médecine de famille (GMF) et l’hôpital, seront remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), a assuré le chef caquiste, François Legault, lors d’un saut dans l’arrondissement montréalais d’Anjou samedi avant-midi. « Pour nous le privé, ça doit être gratuit pour les patients. Donc, c’est certain qu’en bout de ligne, c’est le gouvernement qui va payer », a-t-il répété comme un mantra devant les journalistes rassemblés dans la bibliothèque Jean-Corbeil, qui a été ouverte plus tôt pour l’occasion.

À l’heure actuelle, environ 20 % des soins de santé sont donnés par le secteur privé, selon le premier ministre. « L’engagement électoral qu’on prend aujourd’hui, c’est d’en faire deux. Si la réponse est bonne et on est capable de les implanter rapidement, bien c’est sûr qu’on va vouloir en faire d’autres, a indiqué le candidat dans La Prairie, Christian Dubé, qui a dit tirer son inspiration du modèle de santé danois. Peut-être qu’à terme, il y en aura une dizaine de ces centres médicaux. »

Chaque centre médical privé renfermera notamment un GMF ouvert sept jours sur sept, 12 heures sur 24 (8 h à 20 h) et un « petit hôpital » comprenant des urgences ouvertes 24 heures sur 24 en mesure de traiter des urgences mineures comme des fractures, des infections, des réactions allergiques mineures, des gastro-entérites, ainsi que trois à cinq salles permettant de réaliser des chirurgies d’un jour, une pharmacie, un centre de prélèvement, de l’imagerie médicale, et, au besoin, des services de réadaptation, de santé mentale.

Le ministère de la Santé s’attendra à voir « le plus possible de prise en charge publique » dans les centres médicaux privés, a expliqué M. Dubé, l’un des candidats caquistes les plus en vue. Pour s’en assurer, il établira « des barèmes très très clairs » de chirurgies payées par la RAMQ à accomplir, a-t-il ajouté. « On a besoin de leur donner du volume. On est capables d’avoir des coûts très compétitifs. »

Les médecins ne pourront pas, après avoir atteint les cibles du ministère, poser des actes privés dans un centre médical privé à la sauce caquiste. «Ce sera totalement exclu. […] Nous, on veut un privé qui est gratuit pour les patients, puis on ne veut pas que ce soit une mixité comme certains le proposent», a précisé M. Legault plus tard dans la journée.

Le gouvernement caquiste calquerait le modèle de financement des centres médicaux privés sur celui des quelque 400 GMF répartis sur le territoire québécois, a expliqué M. Dubé, précisant du même souffle que le ministère de la Santé couvre en partie les « frais fixes » des GMF.Un professionnel d’un centre médical privé ne recevra de la part de l’État québécois ni plus ni moins pour un acte que ce qui est offert à un professionnel d’un hôpital par exemple. « L’idée, c’est de dire au privé : innover ! Innover dans votre efficacité. Innover dans la façon d’organiser les horaires, la façon de donner les services », a affirmé M. Legault, tout en précisant que « la qualité des soins va [y] être surveillée ».

Aborder un « sujet un peu délicat »

Le chef caquiste a convenu qu’il abordait un « sujet un peu délicat au Québec » : la place du privé dans l’offre de soins de santé. Cela dit, « si on veut améliorer notre réseau de la santé, on ne peut pas faire toujours la même recette, puis espérer qu’on va avoir un gâteau qui est différent. Il fait avoir une nouvelle recette », a soutenu le premier ministre en campagne.

« Il y a des personnes qui pensent que le mot “privé”, c’est comme si on parlait du Diable, qui ne veulent rien entendre avec le mot “privé”. Il y en a d’autres qui proposent un système à deux vitesses où les riches pourraient se payer des assurances, puis avoir des services que les plus pauvres ne sont pas capables de se payer », a fait valoir M. Legault, tout en décrivant la CAQ comme un parti politique « modéré », « pragmatique, pas dogmatique », ni de gauche ni de droite.

Plus ou moins de privé

 

La cheffe libérale, Dominique Anglade, croit que le recours au privé devrait se limiter aux chirurgies dont il faut accélérer l’accès. «Moi, ce que je vois du gouvernement de la CAQ par rapport à la santé, c’est toute leur obsession par rapport à la bureaucratie, pas par rapport aux soins aux patients», a-t-elle dit.

Le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, se désole de voir tout l’« amour dogmatique » qu’a François Legault « pour le privé ». « Dans ce cas-là, l’amour le rend aveugle. Le privé en santé, si ça marchait, on le saurait. Parce qu’il n’y en a jamais eu autant dans notre système de santé et il y en a de plus en plus dans les dernières années. Les agences privées de placement, est-ce que ça fonctionne ? Non. Les CHSLD privés, est-ce que ça fonctionne ? Non », a-t-il fait valoir, lors d’un arrêt à Rimouski.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, est persuadé que le plan de la CAQ « va rendre les conditions dans le public encore plus difficiles ». « L’assiette fiscale pour financer les services publics en santé va encore diminuer et simultanément, on va donner les endroits les plus lucratifs et les plus simples à opérer au privé, ce qui va mettre énormément de pression sur le système public », a-t-il déclaré en marge d’une annonce à Québec samedi avant-midi. « Ce qu’il faut faire, c’est [de] réinvestir et garder le service public comme un employeur de choix. »

De passage en Mauricie, à Sainte-Anne-de-la-Pérade, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, a dit souhaiter que tous les partis politiques se prononcent en faveur d’un système privé en santé. «Le mot en “p” n’est plus tabou au Québec», a-t-il dit, dans la foulée de l’annonce de François Legault. «Depuis que le PCQ a parlé [du privé en santé vendredi,] en conférence de presse, ça n’a pas pris 24 heures pour que la CAQ, toujours en réaction à ce qu’on fait, sorte de son mutisme», a-t-il ajouté.

Avec Alexandre Robillard, François Carabin, Isabelle Porter et Florence Morin-Martel

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