La réduction des GES du Québec est sans importance pour le climat mondial, selon le Parti conservateur

Le Parti conservateur du Québec est le seul à se lancer dans la présente campagne électorale sans promettre de respecter une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le programme de la formation d’Éric Duhaime qualifie d’ailleurs le poids climatique du Québec de « minuscule », tout en insistant sur celui, beaucoup plus imposant, de la Chine. Un discours nuisible dans le contexte de la crise du climat, estiment les experts consultés par Le Devoir.
La plateforme mise en avant par le Parti conservateur du Québec (PCQ) dénonce sans détour les « cibles irréalistes » de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec, tout en s’opposant à l’idée de « réductions drastiques » des émissions, comme le recommande le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
La formation conservatrice promet du même souffle « une nouvelle approche plus réaliste et logique composée de mesures concrètes, innovantes et structurantes ». Parmi celles-ci, le PCQ s’engage à « électrifier progressivement les transports et à en assurer le financement en exploitant nos hydrocarbures ». Cette transition énergétique des véhicules s’appuierait essentiellement sur l’exploitation du gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent.
Pas de cible
Contrairement aux autres formations politiques dans la course, le parti d’Éric Duhaime n’a toutefois pas fixé de cible de réduction des GES. « Nous sommes conscients de l’importance de réduire notre empreinte écologique et des défis qui attendent la prochaine génération. C’est pourquoi nous avons proposé des pistes de solutions pragmatiques et réalisables pour diminuer les gaz à effet de serre à l’échelle planétaire, mais nous avons décidé de ne pas chiffrer cette réduction », fait valoir l’attaché de presse du PCQ, Cédric Lapointe, dans une réponse transmise par courriel.
Le parti estime de toute façon que la réduction des GES du Québec « n’aurait pratiquement aucun effet sur le climat », en évaluant la « proportion minuscule » des émissions de la province à 0,18 % du total planétaire. Le PCQ pointe plutôt du doigt la Chine en insistant sur la hausse continue des émissions de GES de cette puissance industrielle. « La Chine annule la totalité des objectifs de réduction du Québec sur 30 ans en seulement 11 journées et demie », peut-on lire dans la plateforme conservatrice.
La Chine est effectivement le premier émetteur de GES au monde, avec environ 30 % du bilan total. Ses émissions ont atteint 11,9 milliards de tonnes en 2021, selon l’Agence internationale de l’énergie. Il s’agissait d’une croissance par rapport à 2019 et à 2020, années lors desquelles les émissions se situaient à 10 milliards de tonnes.
Il faut cependant nuancer le portrait, selon Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal. « Par habitant, la Chine émet moins que le Québec. Ceux qui pensent que la responsabilité individuelle doit être importante dans la gestion d’un gouvernement devraient se pencher sur cette réalité et constater qu’à une échelle individuelle, le Québec a plus de responsabilité, d’autant plus qu’environ 20 % des émissions chinoises sont liées à ses exportations. Par nos achats, nous avons délocalisé des émissions en Chine, en délocalisant la production là-bas. »
À l’heure actuelle, les émissions annuelles par habitant atteignent par ailleurs 7,6 tonnes en Chine, selon la Banque mondiale. Au Québec, elles s’élèvent plutôt à 9,9 tonnes. Et les experts du climat estiment que pour respecter l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, soit limiter les dérèglements du climat à +1,5 °C, il faudrait les plafonner à deux tonnes, au maximum.
Responsabilité historique
« Le “oui mais la Chine’’ est la réplique préférée de ceux qui souhaitent esquiver leur responsabilité climatique en blâmant les autres États », déplore la directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada, Caroline Brouillette.
Cette rhétorique ne tient plus la route lorsqu’on prend en compte les « émissions historiques », dit-elle, en citant l’organisme Carbon Brief, spécialisé dans l’information climatique. Celui-ci a produit en 2021 une analyse qui permet de mieux comprendre quels pays sont « historiquement responsables » du réchauffement climatique.
Dans le cadre d’une comparaison « per capita » des émissions historiques, les Canadiens apparaissent au premier rang mondial, avec des émissions de 1751 tonnes de GES par habitant, en supposant que les émissions historiques sont assumées par la population actuelle. La Chine, ajoute Mme Brouillette, « ne se classe même pas parmi les 20 premiers pays ».
Dans ce contexte, Caroline Brouillette et Hugo Séguin, qui est fellow au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, insistent sur la nécessité de plutôt rehausser l’ambition climatique du Québec après le scrutin du 3 octobre. « Nous sommes dans une crise climatique et je ne vois pas comment un parti politique pourrait nous dire qu’il prend cette question au sérieux tout en s’engageant à en faire moins. Au contraire, on cherche à en faire le plus possible », insiste M. Séguin. Le Réseau action climat Canada, qui regroupe plusieurs organisations environnementales, évalue toutefois que la « juste part » du Québec requiert une réduction d’au moins 65 % ses émissions de GES.
Agir pour le climat permettrait également d’améliorer notre situation économique, insiste Pierre-Olivier Pineau. « Le Canada, et le Québec par inclusion, est le pays avec la pire productivité énergétique des pays de l’OCDE. Nous générons moins de richesse par unité d’énergie que tous les autres pays développés. Il y a donc moyen de réduire notre consommation d’énergie, de réduire nos émissions et de nous enrichir. »
« Ceux qui veulent ralentir le déclin des émissions de GES ne sont pas uniquement irresponsables d’un point de vue environnemental, mais aussi économique. Ils veulent maintenir notre inefficacité et ralentir notre prospérité », conclut-il.
Cibles variables
La Coalition Avenir Québec s’est engagée à réduire les émissions de GES du Québec de 37,5 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990. Le Parti libéral promet de rehausser cette cible à 45 %, tout comme le Parti québécois. Québec solidaire propose pour sa part un objectif de réduction de 55 %.