Les émissions d’arsenic de la fonderie Horne ne sont «pas tolérables», dit le Dr Boileau

Le Dr Luc Boileau a évité de préciser ce que serait un seuil acceptable d’émissions d’arsenic.
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne Le Dr Luc Boileau a évité de préciser ce que serait un seuil acceptable d’émissions d’arsenic.

Maintenir le niveau actuel des émissions d’arsenic de la fonderie Horne « n’est pas tolérable », vu les impacts sur la santé de cet agent cancérigène, a dit le directeur national de santé publique, le Dr Luc Boileau, lors d’un point de presse mercredi à Rouyn-Noranda. Elles doivent être abaissées à « des niveaux acceptables », a-t-il soutenu.

Si l’entreprise Glencore ne diminue pas la quantité d’arsenic et de cadmium qu’elle émet dans l’air, la population de Rouyn-Noranda pourrait développer jusqu’à 14 cancers du poumon de plus sur une période de 70 ans, selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) dévoilé mercredi.

Selon le document, maintenir le niveau d’arsenic de 2018 — 165 nanogrammes par mètre cube — causerait de 13 à 554 cas supplémentaires de cancer du poumon par million d’habitants. Ramené à l’échelle du périmètre urbain de Rouyn-Noranda, on parle donc de 1 à 14 cas de plus. Ce scénario est calculé en fonction d’une exposition aux émissions de la fonderie 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Les ramener à la norme provinciale, fixée à 3 ng/m3, permettrait de réduire de 48 % le risque de cancer du poumon lié à l’arsenic, selon l’étude de l’INSPQ. À l’heure actuelle, la fonderie Horne a le droit d’émettre jusqu’à 100 ng/m3 d’arsenic en vertu d’un permis spécial.

Une nouvelle norme attendue

 

Le Dr Luc Boileau a évité de préciser ce que serait un seuil acceptable d’émissions d’arsenic. C’est le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques qui devra le déterminer, dit-il, en émettant un nouveau certificat d’attestation de conformité à Glencore l’automne prochain. Ce permis doit être renouvelé tous les cinq ans.

Le « timing est excellent » et permettra de formuler une attestation « beaucoup plus sévère et ambitieuse », a lancé en mêlée de presse le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette. Il a évoqué la possibilité d’un taux de 30 ng/m3, tout en rappelant qu’établir une telle norme est un travail fait en collaboration avec la Santé publique.

À terme, « il faut atteindre » la norme québécoise de 3 ng/m3, a convenu le ministre Charette. Ce dernier estime que les gouvernements passés n’ont pas eu « d’exigences assez élevées » à l’égard de la fonderie Horne.

Selon le Dr Boileau, il faut éviter « autant que faire se peut » les émissions d’arsenic « sans pour autant fermer l’entreprise ». La manière forte pourrait par contre rester « une option, tout dépendant de quels niveaux [la fonderie] sera capable d’atteindre », a-t-il fait valoir.

Le premier ministre François Legault avait aussi évoqué mardi la possibilité de fermer l’usine si elle ne s’engageait pas à réduire l’exposition de la population de Rouyn-Noranda à l’arsenic. Il s’était aussi dit prêt à aider financièrement Glencore à y parvenir.

Dans un communiqué, la fonderie Horne a dit s’engager « à réduire davantage ses émissions atmosphériques ». L’entreprise effectue actuellement « un processus de transformation majeure de ses installations », écrit-on. Parmi les initiatives en cours, elle mentionne l’aménagement d’une zone de transition entre la fonderie et le quartier Notre-Dame, situé à proximité.

« Aucun plan d’action concret »

La Dre Marie-Pier Lemieux, qui exerce à Rouyn-Noranda, déplore que le Dr Boileau n’ait pas établi de cibles claires des émissions d’arsenic. « Il a dit qu’il fallait les réduire, mais on est restés dans le flou, se désole la médecin de famille. On n’est pas dans le concret. »

La Dre Lemieux aurait souhaité voir le Dr Boileau affirmer « qu’il fallait revenir à la norme [québécoise] et que c’était la chose sécuritaire à faire ». « Ce qu’il n’a visiblement pas fait », dit-elle.

La fin de semaine dernière, la Dre Lemieux et une cinquantaine de médecins ont cosigné une lettre ouverte exigeant qu’on impose « sans délai » les mêmes normes d’émissions à la fonderie Horne qu’ailleurs au Québec.

La députée solidaire de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien, a dit ne pas être rassurée « du tout » par les propos tenus mercredi par le directeur national de santé publique. « Aucun plan d’action concret n’a été présenté pour réduire rapidement les émissions d’arsenic dans l’air de Rouyn-Noranda », a-t-elle souligné.

Mme Lessard-Therrien juge d’ailleurs « déplorable » le fait que le Dr Boileau « a refusé de prendre position clairement pour que la fonderie soit soumise à la norme de 3 ng/m3 appliquée partout ailleurs au Québec ».

Une « entente-cadre » entre Glencore et Québec ?

La multinationale Glencore compte 20 lobbyistes inscrits au registre québécois. L’un des mandats de ces représentants est notamment de décrocher une aide financière de Québec pour épauler la modernisation de la fonderie Horne.
 

Dans un courriel au Devoir, Glencore explique que des discussions sont en cours avec Québec pour mettre en place une « entente-cadre » sur la modernisation de ses infrastructures. « Cependant, il est trop tôt à ce stade-ci pour parler d’une éventuelle participation financière », spécifie l’entreprise. Elle ne précise pas si des subventions publiques seront nécessaires pour « réduire au plus bas taux possible » les émissions de la fonderie vieille de 95 ans.
 

Par ailleurs, selon ses mandats de lobbying, Glencore souhaite être un partenaire de la « transition énergétique » du Québec. Au Devoir, elle a notamment souligné l’importance de la fonderie de cuivre de Rouyn-Noranda — la seule au Canada — pour la filière québécoise des batteries. « Nos activités de transformation du cuivre et de recyclage des métaux issus d’appareils électroniques désuets (comme le cuivre, l’or, l’argent, le platine et le palladium) permettront d’assurer un approvisionnement local et plus sûr de matériaux essentiels à la réalisation de cette transition », énonce la multinationale.

Alexis Riopel et Alexandre Shields



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