Le sous-ministre adjoint à la santé Horacio Arruda a soutenu mercredi qu’il n’a jamais eu l’intention de cacher des données montrant qu’un plus grand nombre de cancers du poumon sont détectés à Rouyn-Noranda, où se trouve une fonderie de cuivre émettant de l’arsenic dans l’air.

M. Arruda a expliqué lors d’une conférence de presse qu’il avait décidé en 2019 de reporter la publication de ces informations parce qu’il les jugeait incomplètes, alors qu’il était directeur national de santé publique.

« J’ai l’impression qu’on monte en épingle la situation, a-t-il dit en se défendant d’accuser quiconque. Je n’ai pas caché des choses à la population. »

En revenant sur les raisons qui l’ont mené à reporter la publication de l’annexe 6 d’un rapport où la situation était exposée, M. Arruda a jugé qu’il n’a rien à se reprocher. Il s’est justifié en expliquant que les données retirées, finalement publiées en mai dernier, concernaient les cas de cancer chez les adultes alors que le document portait sur l’exposition des enfants à l’arsenic, un cancérigène.

« Je suis quelqu’un qui s’excuse facilement, mais ici, je ne considère pas que j’ai commis de faute par rapport à ça, a-t-il plaidé. Avoir laissé l’annexe 6 sans une analyse plus poussée, au moment où on a sorti l’étude de biosurveillance, aurait généré plus d’inquiétude. »

Selon le sous-ministre adjoint, qui a quitté ses fonctions de directeur national de santé publique en début d’année, les causes de l’écart montrant plus de cancers du poumon chez les adultes de Rouyn-Noranda ne pouvaient pas clairement être attribuées aux émissions d’arsenic de la Fonderie Horne, établie dans la ville.

« Ça se peut qu’il y ait une partie associée au tabac, parce qu’il y a plus de tabagisme dans cette région », a-t-il dit.

Un rapport plus détaillé de l’Institut national de santé publique du Québec avait été demandé par la suite, a expliqué M. Arruda.

« Il va sortir très prochainement, a-t-il dit. Il est en processus de relecture et de correction, justement pour bien nommer les choses parce que ces données sont délicates, et il faut être capable de bien les interpréter. »

Un plan de réduction des émissions d’arsenic, qui atteignaient 100 nanogrammes par m³, a été mis en place. M. Arruda a déclaré qu’un objectif « réaliste » était visé, qui demeure tout de même au-dessus de la norme de 3 nanogrammes.

« Il fallait aussi faire des changements technologiques au niveau de l’entreprise », a-t-il dit.

Indépendance en question

 

M. Arruda a reconnu que la fonction de sous-ministre adjoint qui accompagne celle de directeur national de santé publique contribue à créer l’apparence d’un manque d’indépendance.

« Le fait de porter un chapeau de sous-ministre adjoint, qui n’est pas politique, mais administratif, peut donner l’impression qu’on est sous influence politique continuelle », a-t-il dit.

M. Arruda a d’abord affirmé qu’il a disposé d’une « certaine indépendance » dans le cadre de ses fonctions. Relancé, il s’est ensuite ravisé en précisant qu’il s’est déjà opposé à un ministre.

« Je n’ai pas dit que j’ai une certaine indépendance, je pense que j’ai une indépendance », a-t-il soutenu.

Selon lui, ce cumul de fonctions a l’avantage de permettre une influence de l’intérieur.

Plus tôt mercredi, le premier ministre François Legault a déclaré que M. Arruda a décidé de son propre chef de reporter la publication des résultats.

« Ils sont complètement autonomes, alors ce n’est pas une intervention de personne d’autre que de la Santé publique, a dit le premier ministre depuis Saguenay, où il était en déplacement. Ce que je comprends avec les questions qu’on a posées au D^r Arruda, c’est qu’il attendait des résultats plus sûrs avant de les publier. C’est complètement sous la responsabilité de la Santé publique. »

Ces informations ont finalement été publiées en mai par la Direction régionale de la santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue. Les données indiquent notamment que l’espérance de vie des habitants de Rouyn-Noranda était de 81,4 ans, pour la période 2014-2018, contre 82,5 ans pour l’ensemble du Québec.

Le taux de naissance de faible poids était de 7,5 % à Rouyn-Noranda, entre 2015 et 2019, soit plus que le résultat de 6 % pour la population québécoise en général. Quant au cancer du poumon, le taux était de 140 par 100 000 personnes, contre 107,7 pour l’ensemble du Québec, durant la période de 2013 à 2017.

La députée de Québec solidaire Émilise Lessard-Therrien, qui représente la circonscription de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, a souligné qu’une perte de confiance subsiste après les explications de M. Arruda.

« Est-ce que la Coalition avenir Québec va enfin exiger que la Fonderie Horne réduise ses émissions d’arsenic dans l’air ? Maintenant que c’est un scandale national révélé au grand jour, est-ce que la CAQ va agir ? Le Québec n’est pas une république de bananes, où les industries font ce qu’elles veulent », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Avec Florence Morin-Martel