Dominique Anglade, de l’opposition à la proposition

Dominique Anglade n’a pas perdu une seconde pour ôter son tailleur-pantalon de cheffe de l’opposition et revêtir celui d’aspirante première ministre. Retour sur sa métamorphose.
L’opposition d’Anglade
Le rôle de chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale est ingrat, qui plus est lorsque le gouvernement en place bénéficie d’un taux de satisfaction frôlant la barre des 60 %. « Est-ce qu’il y a quelqu’un qui veut ma place parmi les 8 millions de Québécois ? » demandait Dominique Anglade derrière son bureau du deuxième étage de l’hôtel du Parlement, jeudi dernier.
La lumière rouge du téléphone posé sur sa table de travail clignote. Les aiguilles de l’horloge accrochée au mur pointent (en tout temps) 9 h.
Elle peaufine, avec quelques-uns de ses conseillers, les dernières questions qu’elle posera au premier ministre François Legault avant la dissolution du Parlement. Elle cherche à mettre en lumière, une dernière fois, les principales lignes de fracture entre la Coalition avenir Québec et le Parti libéral du Québec, entre François Legault et elle, avec des formules du genre : « On n’aura pas peur de dire que l’immigration est une richesse, pas une menace ! »
« C’est très personnel. J’ai été élue avec 38 % [des voix dans la circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne en 2018], mais il y a une affaire que j’ai comprise : ma responsabilité, c’est de représenter toutes les personnes de mon comté : ceux qui ont voté pour moi, ceux qui n’ont pas voté pour moi. Chaque fois que j’ai entendu, dans les quatre dernières années, le premier ministre nous parler de la majorité des Québécois, j’aimerais lui rappeler que la majorité des Québécois n’a pas voté pour lui. Par contre, il doit être le premier ministre de tous les Québécois, ce qu’il a refusé de faire. Moi, comme première ministre du Québec, je me lèverai toujours pour représenter l’ensemble des Québécois. Ça, c’est ce que je sens au fond de moi-même », déclare la cheffe du PLQ tout en balayant la pièce du regard .
« Dis-le ! » mentionne un conseiller installé au bout de sa table de travail, à côté d’une tasse où Charlie Brown et les autres membres de son équipe apparaissent en rang d’oignons.
Sur l’accès à un médecin de famille, « le premier ministre est amnésique » ; sur la pénurie de main-d’œuvre, « le premier ministre est déconnecté », poursuit Dominique Anglade avant de monter dans l’arène du Salon bleu de l’Assemblée nationale.
« Pèse sur le piton à répétition. Un moment donné, ça va sauter », lance un autre conseiller habillé d’un complet « brun Mad Men ».
La proposition d’Anglade
Une fois les travaux parlementaires suspendus, Dominique Anglade file vers sa circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne, dans le sud-ouest de l’île de Montréal, pour y être officiellement investie comme candidate, puis le lendemain dans un hôtel du centre-ville de la métropole, où 250 membres du PLQ l’attendent.
La cheffe libérale n’arrive pas les mains vides : elle remet un petit livret rouge orné du nouveau logo de la formation politique.
[François Legault] doit être le premier ministre de tous les Québécois, ce qu’il a refusé de faire
Le « Livre libéral 2022 » renferme l’ensemble de ses promesses en vue des prochaines élections générales, prévues le 3 octobre prochain. « Un gouvernement libéral augmentera jusqu’à 6 fois les redevances sur l’eau », « baisser[a] les impôts de la classe moyenne », mais tirera vers le haut ceux des « très riches », « gèler[a] les tarifs d’électricité » temporairement, « élimin[era] la taxe de bienvenue [les droits de mutation immobilière] pour l’achat d’une première propriété », « offrir[a] à tous les Québécoises et Québécois qui le souhaitent un médecin de famille », « remettr[a] sur les rails le projet d’agrandissement » du cégep Dawson…
Dominique Anglade compte sur sa plateforme électorale, qu’elle a décidé de dévoiler moins de quatre mois avant le scrutin, plutôt que d’égrener son contenu durant la campagne électorale, pour convaincre les électeurs des quatre coins du Québec de lui accorder leur confiance lors du rendez-vous électoral. Le PLQ n’a plus de député à l’est de Montréal depuis 2019.
Accueillie à coup de « Dominique, Dominique, Dominique ! » samedi, la prétendante au poste de premier ministre a profité de son discours pour saluer ses membres des 17 régions administratives du Québec. Elle a dû s’y prendre à deux reprises pour que ses militants de la Gaspésie et des îles de la Madeleine lui donnent un signe de vie satisfaisant. « Je veux vous entendre ! » lance-t-elle depuis la scène, générant une faible clameur à l’arrière de la salle de conférences. Les militants montréalais étaient bien audibles, eux, le PLQ représentant 18 des 27 circonscriptions montréalaises.
« Le Parti libéral du Québec est capable de rassembler », fait valoir Dominique Anglade devant la foule, avant d’ajouter : « Pour François Legault, il y a juste les caquistes qui sont Québécois. Il réduit la nation à un “nous” qui exclut. Un “nous” qui fait des nouveaux arrivants un problème. […] On appelle ça de la vieille politique du bouc émissaire. »
La femme politique de 48 ans promet de « mettre toute [son] énergie pour faire en sorte de remplacer ce gouvernement qui est dépassé ».