Les conservateurs d’Éric Duhaime n’en ont pas que pour Québec

Les troupes d’Éric Duhaime flottaient sur un nuage cette semaine après leur 5 à 7 très couru au Karina’s Club Lounge, tôt à Montréal. Mais c’est d’abord en Mauricie que le Parti conservateur du Québec (PCQ) croit pouvoir percer à l’extérieur de la grande région de Québec.
Des militants conservateurs de tout poil de la métropole s’étaient donné rendez-vous dans la boîte de nuit de la rue Crescent lundi dernier afin d’acclamer leur champion, Éric Duhaime, en vue des élections générales d’octobre. « Ce n’est pas un hasard si on est ici : on va vite et on va dans la bonne direction. Je ne sais pas si on va gagner le Grand Prix, mais je peux vous dire qu’on s’en va à la bonne place », a lancé le chef du PCQ après s’être faufilé jusqu’au micro à travers une foule compacte.
Je ne sais pas si on va gagner le Grand Prix, mais je peux vous dire qu’on s’en va à la bonne place
À quatre mois du scrutin, le PCQ n’a aucune chance (ou presque) de mettre la main sur l’une des circonscriptions de la région métropolitaine de Montréal, selon le site de projection électorale Qc125. Cela dit, le parti de droite y a vu ses appuis passer du simple au triple — de 4 % à 12 % — en un an. Et près d’un électeur non francophone sur cinq (19 %) pense voter pour lui, selon le dernier sondage Léger.
Joanne a mis une quinzaine d’années avant de trouver des conservateurs de sa trempe après son arrivée dans l’ouest de l’île de Montréal, il y a 18 ans. La Franco-Ontarienne d’origine était ravie de voir quelques centaines de personnes répondre à l’appel du PCQ. « Ça fait longtemps, longtemps, que je suis silencieuse parce que les conservateurs, je ne les trouvais pas. Puis là, je suis très contente », dit-elle en balayant du regard le troisième étage du complexe Sir Winston Churchill Pub. « Ce sont tous des conservateurs ! »
Selon elle, le premier ministre François Legault doit être chassé du pouvoir par les urnes le 3 octobre prochain, car il a laissé en plan le système de santé, préférant notamment parler de « fierté ». « La fierté, what the hell is that ? » demande-t-elle.
Plusieurs sympathisants conservateurs croisés par Le Devoir à l’intérieur du Karina’s Club Lounge ont fait la connaissance d’Éric Duhaime durant la pandémie de COVID-19. Ils disent avoir découvert un chef politique pour qui les droits et libertés fondamentaux ne sont « pas négociables », ni pour arrêter l’élan d’une pandémie ni pour renforcer la langue française au Québec.
« Ce n’est pas le temps de diviser », a affirmé l’ex-animateur de radio sous le feu des projecteurs. « Hell no ! » a ajouté un spectateur.
Nouvel élan
Le succès de ce 5 à 7 montréalais a ragaillardi la famille conservatrice québécoise. « Nos espoirs et notre optimisme grandissent au fil des mois et des activités qu’on cumule », confie la directrice de campagne du PCQ, Josée Verner. « On me dit qu’ils étaient près de 400 personnes, beaucoup de gens des communautés culturelles. Je ne pense pas que c’était quelque chose qui était envisagé dans les années passées », ajoute la sénatrice fédérale.
Le défi est toutefois immense pour le PCQ hors de la grande région de Québec, où il obtient actuellement l’appui du quart des électeurs, selon le dernier coup de sonde de Léger.
Malgré tout, les conservateurs d’Éric Duhaime entendent bien mettre le nez à l’extérieur de la capitale lors de la campagne électorale. À l’instar des caquistes, des libéraux, des solidaires et des péquistes, ils ont nolisé un autobus pour faire la tournée du Québec. Pourquoi ? Parce que le parti a les moyens de le faire, répond simplement Josée Verner. « On a eu un gros boom d’adhésions quand est arrivée l’histoire du couvre-feu à Noël, avec l’alerte. Ça a donné un boom », note l’ancienne ministre du gouvernement Harper. « Présentement, dans nos coffres, on a 3 millions de dollars. »
De Mario Dumont à Yves Lévesque
Pour le PCQ, une percée à l’extérieur de Québec passe d’abord par la Mauricie. « Si on veut que la tache d’huile commence à se promener, c’est certain que la première région où on devra performer […], c’est ici même, en Mauricie », avait lui-même indiqué Éric Duhaime le 3 mai dernier, en marge de l’annonce de la candidature de l’ancien maire de La Tuque Pierre-David Tremblay dans la circonscription de Laviolette.
MM. Duhaime et Tremblay se sont rencontrés à la suggestion de l’ancien maire de Trois-Rivières Yves Lévesque — un habitué de CHOI Radio x, comme M. Duhaime —, qui s’est présenté deux fois sous la bannière du Parti conservateur du Canada, en vain.
Selon Éric Duhaime, la Mauricie est un terreau fertile pour le PCQ, car elle a été labourée par l’Action démocratique du Québec. « Historiquement, [c’était un] bastion de l’ADQ, à l’époque de Mario Dumont, qui avait plusieurs idées qui sont quand même similaires à celles qu’on a aujourd’hui », a-t-il aussi déclaré au début du mois de mai.
Qui plus est, après Lévis et Québec, c’est à Trois-Rivières que l’on compte le plus de donateurs du PCQ, selon une compilation réalisée par Le Devoir.
Pour la santé ou le pétrole
C’est l’infirmière auxiliaire Karine Pépin qui défendra les couleurs du PCQ dans Trois-Rivières. L’ex-vice-présidente régionale de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) en a surpris plus d’un en s’affichant aux côtés d’un chef politique réputé pour son antisyndicalisme.
La candidate, qui se décrit comme une caquiste « déçue », raconte que son adhésion au PCQ s’est faite graduellement. Elle écoutait Éric Duhaime à Radio X « par l’intermédiaire de [son] chum ». Puis, le chef conservateur est venu à Trois-Rivières rencontrer des gens, et elle trouvait « qu’il avait de bonnes idées » — en matière de santé, entre autres choses — et que c’était « une personne près de la population ».
Les yeux du PCQ sont également tournés vers le Centre-du-Québec, sur la rive sud du fleuve. La ville centre de la région, Drummondville, suit Trois-Rivières de près dans le palmarès du nombre de donateurs du parti. Et là aussi, l’ADQ avait tout remporté en 2007.
« Éric » a eu un très bon accueil lors de son passage dans la région, fait remarquer Josée Verner. Le Saguenay est aussi une région où il est très populaire, ajoute-t-elle. Avec son discours prodéveloppement pétrolier, il fait mouche auprès de ceux qui ont été déçus par l’abandon du projet GNL Québec.
Le parti n’a toutefois pour l’instant qu’une seule candidate dans la région : Nathalie Bouchard, dans la circonscription de Chicoutimi. Cette travailleuse sociale se dit d’ailleurs résolue à « tout faire pour relancer le projet GNL [Québec] ».