Le passage de Bernard Drainville à la CAQ crée une onde de choc

L’annonce du retour en politique de l’ex-ministre péquiste Bernard Drainville, mais sous la bannière caquiste cette fois, a provoqué une onde de choc vendredi à l’Assemblée nationale. Et l’impact de cette candidature pourrait en faire pâtir le Parti québécois (PQ), estiment des experts.
Cette annonce est « dévastatrice » pour le PQ, estime Philippe J. Fournier, le créateur du site de projection électorale Qc125. « Les chiffres de l’an dernier nous indiquent qu’il y a encore un bloc de 32 % d’électeurs qui se disent souverainistes, mais ils sont maintenant éparpillés », explique-t-il. Le passage de Bernard Drainville à la Coalition avenir Québec (CAQ) « renforce le fait que l’option souverainiste ne mobilise plus » l’électorat et qu’il « ne reste pas mal plus rien qui est propre au PQ », note M. Fournier.
Bernard Drainville quitte donc son poste d’animateur au 98,5 FM. Selon nos informations, le père de la Charte des valeurs serait pressenti commecandidat dans la circonscription de Lévis, dont le député, François Paradis, a annoncé son départ vendredi. M. Drainville a été ministre responsable des Institutions démocratiques de septembre 2012 à avril 2014 et leader parlementaire de l’opposition officielle de septembre 2015 à juin 2016.
Le saut de M. Drainville dans le camp de la CAQ est une « mauvaise nouvelle » pour le PQ « en déclin », selon Réjean Pelletier, professeur retraité du Département de science politique de l’Université Laval. « Le parti a beaucoup de difficultés non seulement à se renouveler, mais même à se maintenir en place. »
Selon le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, sa formation politique a toujours sa place à l’Assemblée nationale afin de « donner l’heure juste quant à la nécessité et à l’urgence » de l’indépendance. « Si la CAQ devenait indépendantiste et faisait bien le travail en matière de français et d’environnement, peut-être que là, il y aurait des remises en question du côté de la pertinence du Parti québécois, a-t-il dit. Mais la CAQ est tellement loin des orientations du PQ. »
Pas de doute sur ses « orientations caquistes »
Le Parti québécois n’a pas effectué de démarches auprès de son ex-ministre pour le ramener dans son giron. « Les orientations caquistes de Bernard Drainville ne faisaient aucun doute dans ses chroniques [radiophoniques] », a souligné Paul St-Pierre Plamondon.
L’annonce de vendredi n’a d’ailleurs pas étonné les troupes péquistes : l’animateur de radio « n’était plus un ami de la famille », a confié au Devoir une source haut placée au sein de la formation souverainiste.
Bernard Drainville n’est pas le premier candidat à être repêché par la CAQ dans les rangs souverainistes. L'ex-élue bloquiste Caroline St-Hilaire portera les couleurs caquistes aux prochaines élections, dans la circonscription de Sherbrooke. L'annonce officielle se fera dimanche.
À propos des candidats ouvertement indépendantistes qui optent pour la CAQ, le chef péquiste a affirmé qu’ils abandonnaient leurs convictions. « Il y en a qui vont choisir le pouvoir », a fait valoir M. St-Pierre Plamondon.
Selon le professeur Pelletier, l’absence « d’idéologie forte » à la Coalition avenir Québec fait en sorte que le parti attire autant des candidats fédéralistes qu’indépendantistes. « On peut être d’un côté ou de l’autre : il y a de la place à la CAQ. »
L’opposition réagit
La candidature de Bernard Drainville confirme « la stratégie électorale de François Legault », a affirmé le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois. En recrutant le père de la Charte des valeurs, le premier ministre « veut que les questions de l’urne soient la laïcité et l’immigration », a-t-il soutenu en point de presse.
Selon le député libéral Marc Tanguay, le recrutement de M. Drainville, un « farouche indépendantiste », témoigne du fait que François Legault gouverne « comme un péquiste ». « L’“agenda” [souverainiste de M. Legault] est de moins en moins facile à cacher », a-t-il fait valoir.
S’affichant comme nationaliste et fédéraliste, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a rétorqué que « Marc Tanguay est dans la théorie du complot ». Le député libéral « brandit cet épouvantail-là référendaire depuis déjà quelques semaines, quelques mois, a-t-il dit. Ça me fait bien rire ».
Questionné sur la place qu’il y a ou non pour les fédéralistes au sein de la CAQ, M. Lacombe a répondu qu’il était « un nationaliste, d’abord et avant tout, qui veut travailler à l’intérieur de la fédération canadienne ».
Plus tôt cette semaine, Paul St-Pierre Plamondon avait exhorté le premier ministre à faire une profession de foi souverainiste.
Québec venait alors d’essuyer un refus d’Ottawa à sa demande d’avoir davantage de pouvoirs en immigration. Il n’y « a pas d’appétit pour la souveraineté », lui avait toutefois répondu François Legault.
Avec François Carabin, Alexandre Robillard et La Presse canadienne