Québec propose d’élargir l’aide médicale à mourir

Québec entend élargir les frontières de l’aide médicale à mourir pour y inclure les personnes atteintes d’une maladie incurable ou d’un handicap neuromoteur grave. Le ministre Christian Dubé a déposé un projet de loi en ce sens mercredi.
S’il est adopté, il permettra à un patient qui souffre d’une affection comme l’Alzheimer d’effectuer une demande anticipée. Il supprimera également le critère de « fin de vie » prévu dans la première loi québécoise sur l’aide médicale à mourir et invalidé dans la fameuse cause Gladu-Truchon en 2019.
Le projet de loi 38 « modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives » découle des recommandations d’un rapport transpartisan déposé l’automne dernier par les quatre groupes parlementaires, dans lequel Québec était appelé à faire évoluer sa loi pour y inclure les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Il va toutefois plus loin.
Dans ses 11 recommandations, la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie n’allait pas jusqu’à proposer d’admettre les gens touchés par des handicaps neuromoteurs « graves et incurables ». Le texte législatif de Christian Dubé le fait.
Dans ce cadre législatif, une personne affectée à vie par un traumatisme crânien grave pourrait donc faire une demande d’aide médicale à mourir. Tout comme une personne paraplégique ou quadriplégique, tant qu’elle éprouve « des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées ».
« Un trouble mental n’est pas considéré comme étant une maladie grave et incurable », précise le texte de loi. Selon le ministre de la Santé, Christian Dubé, l’Assemblée nationale s’évite ainsi une situation « beaucoup plus délicat[e] ». Le cadre législatif fédéral prévoit un élargissement possible aux troubles mentaux, mais le gouvernement de Justin Trudeau n’a pas encore statué sur la question. « Nous, on a pris une décision très claire […] de ne pas aller là du tout en santé mentale. Est-ce qu’on y retournera plus tard, lorsqu’il y aura peut-être une autre mise à jour ? En ce moment, ce n’était vraiment pas à propos de le faire », a précisé l’élu caquiste.
« Lapin sorti du chapeau »
Satisfaite du dépôt d’un texte législatif, la députée péquiste Véronique Hivon — qui avait signé la première mouture de la Loi sur les soins de fin de vie, en 2013 — reproche cependant au gouvernement d’avoir « sorti un lapin de son chapeau » en y inscrivant la notion de trouble neuromoteur. « [Le projet de loi] ouvre tout un autre chantier. Or, le handicap, c’est un enjeu dont on n’a jamais débattu au Québec », a-t-elle dit mercredi après-midi.
« Ça complexifie énormément » l’adoption, a ajouté l’ex-ministre du gouvernement de Pauline Marois.
Trois semaines avant la fin de la session, le député libéral David Birnbaum voit un « obstacle » se dresser devant les parlementaires. « La chose paradoxale, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de temps et qu’il faut faire les choses de façon rigoureuse », a-t-il indiqué au Devoir.
Le Code criminel permet déjà aux personnes atteintes d’un « handicap grave et incurable » de faire une requête anticipée d’aide médicale à mourir. Adapter le cadre législatif québécois permettra de « répondre à la loi fédérale », a affirmé le ministre de la Santé, Christian Dubé. « On s’est retrouvés souvent, pour les médecins, dans une position en porte-à-faux. Ils disaient : “bien, on a à choisir entre le fédéral et le Québec” », a-t-il observé lors d’une mêlée de presse.
« Pour le moment », l’ajout de dernière minute du gouvernement « ne remet pas en question notre volonté d’étudier et surtout d’adopter ce projet de loi », a dit le député de Québec solidaire Vincent Marissal. « Quitte à peut-être mettre cette surprise de côté. »
Avec Florence Morin-Martel