Appel à freiner le développement autoroutier

L’autoroute métropolitaine, à Montréal. Un groupe d’experts conseille à Québec de stopper la construction d’autoroutes afin de limiter l’étalement urbain.
Photo: Hubert Hayaud Archives Le Devoir L’autoroute métropolitaine, à Montréal. Un groupe d’experts conseille à Québec de stopper la construction d’autoroutes afin de limiter l’étalement urbain.

Le gouvernement Legault se voit difficilement freiner l’étalement urbain ; le principal groupe chargé de le conseiller en matière d’environnement, lui, croit qu’il n’a pas le choix de le faire. Dans une note rendue publique lundi, le Comité consultatif sur les changements climatiques (CCCC) recommande même de stopper temporairement le développement autoroutier au Québec.

Dans son court avis intitulé L’aménagement du territoire du Québec : fondamental pour la lutte contre les changements climatiques, le groupe d’experts formule un avertissement clair contre les impacts de l’étalement urbain. « Dans le contexte actuel, la réponse du Québec n’est […] pas à la hauteur de l’urgence climatique. Des changements doivent être apportés aux politiques publiques pour que nos pratiques d’aménagement cessent d’exacerber nos émissions de GES. »

Dans les deux villes les plus peuplées du Québec, la tendance à l’étalement est déjà observable, soulève le CCCC. Les périmètres urbains de Québec et de Montréal n’ont pas cessé de grossir — de 19 % et de 11 %, respectivement — entre 2006 et 2016, et « l’étalement urbain n’est pas un trait particulier à [ces deux villes] : il est à l’échelle du Québec neuf fois plus important qu’il y a 50 ans », peut-on lire dans le document publié en matinée.

Pour éviter de contribuer davantage à la dégradation du territoire, le gouvernement québécois doit arrêter d’« autoriser de nouveaux projets qui augmentent la capacité autoroutière », avance le groupe d’experts. Du moins, tant et aussi longtemps qu’il n’existe pas de mécanisme d’évaluation public pour surveiller l’aménagement du territoire.

À l’étalement, le comité préfère la densification du tissu urbain, qui « présente un potentiel de réduction des déplacements [d’]entre 20 % et 40 % ».

En présentant son projet mis à jour de troisième lien entre Québec et Lévis le mois dernier, le ministre des Transports, François Bonnardel, avait refusé de dire s’il était ou pas un partisan de la densification des villes. « Je suis qui, moi, pour dire à une jeune famille : “Vu que la mode est à la densification, tu vas aller vivre dans une tour de 12 étages” ? » s’était-il interrogé.

Lundi, en marge d’une allocution à Montréal, il a réitéré que la densification des villes ne convenait pas à tous. « C’est un équilibre à trouver », a réitéré le ministre caquiste. « L’augmentation ou non des périmètres urbains, […] certaines municipalités pourraient [la] souhaiter. »

Protection des écosystèmes

 

En plus de demander un moratoire sur le développement routier, le CCCC, qui est présidé par le professeur Alain Webster, en appelle aussi à des actions immédiates pour sauvegarder la faune et la flore du Québec.

Pour le moment, le groupe d’experts recommande d’« appliquer un moratoire sur tout changement de zonage induisant une perte de milieux naturels ». « Les milieux naturels rendent des services écosystémiques majeurs dans la régulation du climat et la préservation de la biodiversité. Leur préservation et leur valorisation sont essentielles pour atteindre la carboneutralité », peut-on lire dans l’avis émis lundi matin.

Le CCCC encourage par ailleurs le développement de la « mobilité durable », dans un contexte où le secteur routier émet plus de gaz à effet de serre que tout autre secteur au Québec. « Les investissements dans les transports collectifs et les politiques d’électrification des transports prévus par le gouvernement d’ici 2030 visent à réduire ces émissions, mais ces approches ne seront pas suffisantes pour atteindre les objectifs climatiques du Québec », affirme-t-il.

Contacté lundi par Le Devoir, le cabinet du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques s’est dit « dans l’action pour plusieurs des aspects soulevés dans ce rapport ». « Nous avons déjà mentionné que le Québec allait respecter les nouvelles cibles d’aires protégées qui seront bientôt établies à l’international. […] Notre collègue ministre des Affaires municipales et de l’Habitation travaille actuellement sur une stratégie d’aménagement du territoire qui sera bientôt présentée », a indiqué le bureau du ministre Benoit Charette.

Après avoir mené des consultations l’an dernier, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, s’est engagée à produire cette politique d’ici la fin du printemps.

Avec Jeanne Corriveau

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