Exit la rubrique «identité de genre» dans la réforme de l'état civil

Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette 
Photo: Renaud Philippe Archives Le Devoir Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette 

Qualifié de « transphobe » par plusieurs organismes de la communauté LGBTQ+, le projet de loi 2 du ministre Simon Jolin-Barrette sera amendé dès mardi afin de regrouper « sous un même chapeau » les mentions de sexe et d’identité de genre, a appris Le Devoir.

« Ça sera uniquement la rubrique “sexe”, il n’y aura pas de rubrique “identité de genre”, a souligné le ministre de la Justice en entrevue. Les gens vont pouvoir s’identifier par “M”, “F” ou “X”. »

Cette modification vient répondre directement aux inquiétudes émises par la communauté. Les articles du projet de loi qui visaient à exiger une opération des organes génitaux pour que le sexe soit changé sur les documents de l’état civil seront quant à eux supprimés.

Le ministre Jolin-Barrette concrétisera ces changements en déposant une série d’amendements au début de l’étude détaillée du texte législatif, mardi, à l’Assemblée nationale. « On n’a jamais voulu compliquer la vie de qui que ce soit, a-t-il lancé au Devoir. Je vais venir apporter des solutions qui sont très concrètes. »

Craintes d’un recul

Déposé en octobre dernier, le projet de loi 2 a notamment pour objectif de poser une première pierre dans la réforme du droit familial désirée par le gouvernement de François Legault. Or, il modifie aussi les exigences administratives entourant l’identité sexuelle et de genre.

Dans sa forme originale, le texte législatif prévoyait imposer des conditions supplémentaires aux personnes désirant changer la mention de sexe sur leurs documents de l’état civil, comme leur certificat de naissance. Une telle requête aurait dû être accompagnée « d’un certificat du médecin traitant confirmant que les traitements médicaux et les interventions chirurgicales subis par le demandeur permettent de conclure à une modification structurale des organes sexuels ».

Au Québec, l’exigence d’une intervention chirurgicale pour un changement de la mention de sexe n’est plus en vigueur depuis 2015. Dans les jours qui ont suivi le dépôt du projet de loi, plusieurs groupes ont dénoncé un recul historique en matière de droit civil.

Le projet de loi 2 tel que déposé faisait aussi naître la notion distincte d’« identité de genre », laquelle aurait permis à une personne trans ou non binaire d’inscrire le sigle « M », « F » ou « X » sur ses documents officiels. Or, en conservant la « mention de sexe », le projet de loi menaçait de créer des « coming out forcés », ont observé certains groupes de défense LGBTQ+.

En réponse à ces critiques, « la mention d’identité de genre va être assimilée à la mention de sexe dans la loi ». « On va faire comme dans les autres [provinces et territoires], a précisé M. Jolin-Barrette. Comme sur le passeport canadien, à titre d’exemple. »

Vers un sprint parlementaire

 

Ce faisant, le ministre de la Justice croit réussir à « créer une troisième voie pour les personnes non binaires », tout en répondant au jugement de la Cour supérieure du Québec rendu l’an dernier dans Centre de lutte contre l’oppression des genres c. Procureur général du Québec.

Rendue en février 2021 par le juge Gregory Moore, cette décision invalidait certains articles du Code civil relatifs à l’identité de sexe et de genre. « Le présent dossier fait ressortir la différence entre le sexe et l’identité de genre et la discrimination qui peut se produire lorsque la loi les traite comme des synonymes », écrivait alors le magistrat.

Simon Jolin-Barrette estime avoir écouté les doléances de la communauté et veut faire amende honorable : « L’objectif est vraiment de faire en sorte de rassurer la communauté, de [lui] indiquer qu’on a compris [ses] préoccupations et qu’on donne suite à [ses] commentaires. »

Avec quatre semaines de travaux parlementaires restantes et 360 articles à étudier, les parlementaires entament un sprint vers l’adoption du projet de loi 2. Le ministre Jolin-Barrette assure qu’« il n’y aura pas de bâillon » et invite les groupes d’opposition à travailler avec lui. « Je les implore de collaborer. »

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