Legault veut rapatrier «tous les pouvoirs» en immigration
Le succès du français au Québec passe par un rapatriement de « tous les pouvoirs » en immigration, a affirmé mercredi le premier ministre François Legault.
S’il s’est toujours dit favorable à récupérer davantage de pouvoirs en la matière, l’élu caquiste est allé plus loin, mercredi soir, lors de l’étude des crédits budgétaires du Conseil exécutif. Interrogé par le député péquiste Pascal Bérubé au sujet de la protection de la langue française, M. Legault a indiqué avoir une autre stratégie que le troisième groupe d’opposition.
« Un nouvel arrivant est obligé d’envoyer ses enfants tout le primaire, tout le secondaire en français. Puis là, le Parti québécois dit : “s’il y avait un, deux, trois ans de plus au cégep, ça changerait la réalité du français au Québec”. Nous, ce n’est pas ce qu’on pense », a soutenu le premier ministre. Il faisait référence aux intentions du Parti québécois d’appliquer la loi 101 aux études collégiales.
« Nous, on pense que c’est l’immigration qui fait la différence, a enchaîné M. Legault mercredi soir. Et ce qui est important, c’est de récupérer tous les pouvoirs […], incluant le regroupement familial, puis d’être plus exigeant sur la reconnaissance du français. C’est là qu’il y a du travail à faire. »
Compétence partagée
Au Canada, l’immigration est une compétence partagée. Ottawa établit combien de nouveaux arrivants peuvent annuellement franchir les frontières du pays. Il gère également les programmes de réunification familiale et de travailleurs étrangers temporaires. Le Québec détient pour sa part les compétences en matière d’immigration économique.
Le premier ministre Legault a déjà fait part de son intérêt à rapatrier la portion « regroupement familial » des pouvoirs en immigration. Cette catégorie représente environ 20 % du nombre d’immigrants prévus dans les seuils du Québec pour 2022. À la mi-avril, le ministre québécois de l’Immigration, Jean Boulet, affirmait aussi en entrevue avec Le Journal de Québec qu’il souhaitait réviser l’Accord Canada-Québec, qui fixe les pouvoirs confiés à chacun des ordres de gouvernement.
Québec a eu maille à partir avec Ottawa au cours des derniers mois. L’an dernier, Le Devoir relevait que le gouvernement de Justin Trudeau refusait un nombre de plus en plus important d’étudiants africains francophones. En parallèle, le ministre Boulet veut attirer plus d’étudiants francophones que jamais, afin d’« assurer la vitalité du français ».
Le rapatriement des compétences en immigration est un débat de longue date au Québec, mais le dossier est reparu dans l’actualité au cours des derniers mois. En août dernier, le Bloc québécois se disait expressément en faveur de cette mesure. Le Parti québécois, par l’entremise d’une lettre cosignée par Pascal Bérubé et adressée à M. Boulet, a répété l’exercice le mois dernier.
« Récemment a été mise au jour publiquement une inquiétante iniquité dont sont victimes les candidats étrangers francophones souhaitant fréquenter un établissement d’enseignement supérieur québécois, peut-on lire dans la missive. Le Canada refuse ces étudiants dans une proportion beaucoup plus importante que leurs équivalents anglophones. Cette discrimination néfaste prouve une fois de plus qu’il est urgent pour le Québec de rapatrier l’ensemble des pouvoirs en immigration. »
Loi 101 au cégep
En étude des crédits budgétaires, mercredi, M. Bérubé a aussi exhorté le gouvernement de la Coalition avenir Québec à imposer la Charte de la langue française jusqu’aux études collégiales.
« Il y a 41,6 % des étudiants du collège Dawson qui sont des allophones. Alors, on accepte de financer la socialisation en anglais d’élèves qui sont passés par notre primaire et notre secondaire. C’est un choix qu’on peut faire. Nous, on trouve que ça n’a pas de sens », a-t-il lancé.
L’élu n’a pas voulu dire mercredi si son parti voterait en faveur du projet de loi nº 96 réformant la Charte de la langue française. Il avait échoué en février dans sa tentative de le modifier pour étendre la « loi 101 » au cégep.
Selon François Legault, la solution réside plutôt dans un gel des places offertes dans les cégeps anglophones. C’est la proposition qui apparaît dans le projet de loi et qui, selon toute vraisemblance, sera adoptée d’ici la fin du mois de mai.