Des millions pour le transport collectif dorment dans les coffres de Québec

Nouveau frein au développement du transport collectif en région. Des millions de dollars de subventions promises par Québec l’an dernier restent pris dans l’engrenage, au grand dam des municipalités et des organismes situés à l’extérieur des grands centres.
Selon les informations colligées par Le Devoir, le ministère des Transports du Québec (MTQ) retient toujours une part des sommes qu’il se devait de verser dans le cadre du Programme d’aide au développement du transport collectif (PADTC), déposé en novembre dernier. Celui-ci prenait fin à la fin du mois de mars.
Sans pouvoir chiffrer avec exactitude les besoins de ses membres, l’Union des transports adaptés et collectifs du Québec (UTACQ) évalue que plusieurs d’entre eux sont dans le rouge d’en moyenne 200 000 $ ou 300 000 $. Dans Lanaudière, par exemple, la MRC de Montcalm n’a toujours pas reçu le montant de 285 000 $ qu’elle attend de Québec.
« Ce n’est pas nécessairement nouveau, mais là, [ne rien recevoir] jusqu’à la fin avril, c’est du jamais vu », constate le président du conseil d’administration de l’UTACQ, Marc-André Avoine.
Le MTQ s’est mis « en retard » en déposant les modalités de ses subventions en novembre, convient-il. Mais en région, là où les revenus sont plus limités, les retards frappent fort. « Nous sommes à bout de ressources, lance M. Avoine. On s’interroge maintenant sur la capacité à maintenir les services pour la suite. »
Dans Charlevoix, on craint les réductions de service. La Corporation de mobilité collective de Charlevoix, qui assure des services en transport en commun et adapté de Petite-Rivière-Saint-François à Baie-Sainte-Catherine, ne pourra assumer qu’un mois et demi de plus avec ses « propres liquidités », observe sa directrice générale, Nancy Tremblay.
« Nos demandes financières ont été faites dans les délais, mais aucune somme n’est descendue encore », avance-t-elle. La Corporation, poursuit-elle, a dû assumer des coûts de « plus d’un million de dollars » par elle-même en 2021.
Le transport adapté aussi
Les problèmes ne s’arrêtent pas là, selon Marc-André Avoine. Plusieurs MRC rapportent qu’en service adapté aussi, l’argent dort dans les coffres. « La majorité » des membres de l’UTACQ attendent encore qu’« entre 100 000 $ et 200 000 $» arrivent à bon port en provenance du Programme de subvention au transport adapté (PSTA), lancé en avril 2021 par le MTQ.
« On s’est un peu fait niaiser », constate Nancy Tremblay.
Dans les plus petites organisations, affirme M. Avoine, « on est rendus au bout de l’élastique ». « Ce qui est arrivé dans les derniers mois, c’est que le milieu municipal a avancé la subvention du ministère. Puis ça ne s’est pas fait partout. Alors, on a des choix à faire : je paie mon essence ? Je paie mes chauffeurs ? Je paie mes fournisseurs ? » souligne-t-il.
La Corporation de mobilité collective de Charlevoix s’en est sortie jusqu’ici, rapporte Nancy Tremblay. Or, chaque jour de plus sans voir la couleur des subventions rapproche l’organisme d’une demande d’aide d’urgence à la MRC. « Est-ce que les maires vont être d’accord pour me verser 500 000 $ ? s’interroge-t-elle à voix haute. Il pourrait y avoir des risques de rupture de service. »
« Gouvernement des régions »
Québec a lancé pendant la pandémie un programme spécial — le Programme d’aide d’urgence au transport collectif des personnes — censé compenser les pertes des organismes et des municipalités. L’Autorité régionale de transport métropolitain, qui couvre le Grand Montréal, affirme d’ailleurs avoir été justement indemnisée en 2021.
Pour le reste, environ la moitié des demandes d’aide adressées dans le cadre du PADTC et du PSTA ont reçu une lettre d’octroi, a indiqué le MTQ au Devoir lundi soir. « Le versement des aides sera fait lorsque le ministère aura reçu l’ensemble des documents exigés en vertu du programme. Les sommes seront ensuite déposées aux comptes bancaires », a précisé le porte-parole Gilles Payer dans un courriel.
La semaine dernière, le ministre des Transports, François Bonnardel, procédait à une annonce en direct de Mont-Joli, dans le Bas-Saint-Laurent, pour confirmer ses intentions d’offrir des billets d’avion aller-retour à 500 $ aux Québécois souhaitant voyager en région. À plusieurs reprises depuis son arrivée au pouvoir, le premier ministre François Legault s’est targué de diriger un « gouvernement des régions ».
« Clairement, on poursuit une dichotomie entre les souhaits et les réalités, dit Marc-André Avoine. En langage plus coloré, on dirait que les bottines ne suivent pas les babines. »