Bloc québécois - La controverse suscitée par Ghislain Lebel s'amplifie
La controverse qu'a allumée le député bloquiste Ghislain Lebel par ses attaques contre le gouvernement Landry, qu'il accuse de négocier une «dangereuse» entente avec quatre communautés innues, s'envenime et divise maintenant les troupes bloquistes.
N'acceptant pas d'avoir été relevé de ses fonctions de critique en matière de travaux publics et de services gouvernementaux, le député de Chambly s'en est pris ce week-end à son chef, Gilles Duceppe, auquel il reproche d'avoir contribué au recul du parti au cours des dernières élections fédérales. Le député contestataire remet carrément en question le leadership de son chef.Gilles Duceppe n'a pas répliqué à ces flèches décochées en sa direction, préférant régler le différend en famille. Le député bloquiste Yvan Loubier s'est pour sa part fait le porte-parole de la position de son parti et a dénoncé vertement les propos de M. Lebel. Il a réitéré le plein appui du BQ à l'entente que négocie actuellement le gouvernement du Québec. «Le droit international nous presse de négocier des ententes qui ont de l'allure, a déclaré M. Loubier à La Presse. L'intégrité territoriale du Québec est maintenue, mais nous donnons la capacité aux nations autochtones de se développer par elles-mêmes.»
Pour sa part, Ghislain Lebel est resté sourd pendant quelques jours aux multiples convocations que lui ont lancées les instances du parti afin de débattre de son avenir. Mais, en fin de journée hier, le whip en chef du Bloc, Pierre Brien, a finalement pu renouer le contact avec le principal intéressé et discuter des modalités d'une rencontre avec M. Duceppe au cours de la semaine.
Des appuis
Les sorties fracassantes de M. Lebel continuent par ailleurs à diviser le parti puisque deux autres députés ont manifesté dans la presse leur soutien au député de Chambly en affirmant qu'ils partageaient les inquiétudes et les critiques soulevées par Ghislain Lebel à l'égard de l'entente négociée avec les Innus.
Dans une entrevue accordée au Journal de Montréal, la députée de Saint-Bruno—Saint-Hubert, Pierrette Venne, se demande, à l'instar de M. Lebel, si les communauté blanches ne seront pas lésées par cet accord. «Il faut absolument un débat sur cette question, a-t-elle lancé tout en dénonçant les sanctions imposées par son parti à M. Lebel.
Même son de cloche de la part du député de Sherbrooke, Serge Cardin, qui a confié à La Presse que plusieurs députés veulent débattre de l'entente. «Notre responsabilité est de nous questionner sur la pertinence des craintes de M. Lebel et nous n'avons pas à le crucifier sur la place publique pour la tenue de tels propos.»
Ces propos controversés étaient en fait ceux d'une lettre dans laquelle M. Lebel accuse avec virulence le gouvernement Landry d'avoir trahi les souverainistes pour avoir négocié aux côtés d'Ottawa une entente de principe qui reconnaît des droits ancestraux à quatre communautés innues de la Côte-Nord et du Lac-Saint-Jean. Cette entente prévoit notamment la création d'un gouvernement, d'un régime fiscal innu et l'octroi de la propriété exclusive et partagée de territoires totalisant 300 000 kilomètres carrés.
Selon M. Lebel, cette entente risque de provoquer de nouvelles revendications chez d'autres groupes autochtones et pourrait de ce fait réduire considérablement le territoire sous la compétence complète des Québécois.
Le négociateur en chef des Innus, Rémy Kurtness, se dit surpris de toute cette controverse compte tenu que les Blancs ne perdent rien dans ces ententes, qui ne portent que sur la cohabitation et sur la gestion du territoire. Selon lui, les éléments de l'entente sont tout à fait conformes au jugement de la Cour suprême du Canada.