Les délais de placement en DPJ, une «autre claque au visage» des Autochtones

En rejetant l’argumentaire de la CSSSPNQL jeudi, le ministre Lionel Carmant est devenu le troisième ministre du gouvernement Legault en dix jours à dire non à une recommandation du rapport Viens.
Jacques Boissinot La Presse canadienne En rejetant l’argumentaire de la CSSSPNQL jeudi, le ministre Lionel Carmant est devenu le troisième ministre du gouvernement Legault en dix jours à dire non à une recommandation du rapport Viens.

La décision de Québec de balayer du revers de la main une recommandation de la commission Viens sur les délais de placement des jeunes Autochtones s’inscrit dans un historique de « colonisation » et d’« assimilation », affirme la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL).

« La loi est supposée refléter que la protection de la jeunesse est gérée par les Premières Nations, pour les Premières Nations. Je ne crois pas que la décision prise par [le ministre Lionel] Carmant le fait. C’est trompeur », a lancé vendredi matin le gestionnaire des services sociaux de l’organisme autochtone, Richard Gray.

Jeudi, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux a de nouveau refusé de rouvrir un article de son projet de loi de réforme de la protection de la jeunesse qui doit permettre aux Premières Nations et aux Inuits de contourner les délais de placement maximaux, à condition de mettre sur pied un « conseil de famille ». Selon divers groupes autochtones, la mesure rate la cible, entre autres parce qu’elle propose une condition inapplicable à l’ensemble des nations autochtones.

Le conseil de famille mis de l’avant par Québec « ne constitue pas une pratique répandue dans l’ensemble des nations et communautés au Québec », a soutenu M. Gray dans une lettre au ministre Carmant cette semaine. À l’intérieur de la missive, il invite l’élu à se plier mot pour mot à l’appel à l’action nº 108 de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (commission Viens), qui propose l’abolition des délais de placement dans les communautés, et ce, sans condition.

« On n’est pas surpris, a convenu M. Gray en entrevue avec Le Devoir, vendredi. On est toujours réticents à participer à ce genre de processus [législatif] parce que nos arguments ne font jamais effet. »

Trois rejets en dix jours

 

En rejetant l’argumentaire de la CSSSPNQL jeudi, le ministre Carmant est devenu le troisième ministre du gouvernement de François Legault en dix jours à dire non à une recommandation du rapport Viens. « C’est trois claques en une semaine », s’est insurgée la députée péquiste Véronique Hivon au sortir de l’étude du projet de loi nº 15, jeudi.

« On voudrait effriter encore davantage la confiance des nations autochtones qu’on n’agirait pas autrement », a-t-elle ajouté.

Jeudi, le député de Québec solidaire Sol Zanetti a maintes fois exhorté le ministre à rouvrir ce volet du texte législatif, sans succès. « Il y a vraiment un écart entre ce que recommandait [la commission] Viens et ce qui se retrouve dans le projet de loi par rapport à la souveraineté autochtone », a-t-il souligné.

Le cabinet du ministre Carmant n’a pas répondu à nos questions sur les délais maximaux de placement. « Je ne consens pas à rouvrir le chapitre », s’est-il contenté de dire en séance de commission jeudi après-midi. Lundi, il avait soutenu que « c’est une note qui ne dépend pas que de moi ».

« Assimilation »

Richard Gray déplore l’attitude du gouvernement en matière de protection de la jeunesse autochtone. En faisant appel à la Cour suprême pour contester la loi fédérale C-92, censée permettre aux communautés autochtones de se détacher de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), Québec affiche ses couleurs, a-t-il dit.

« Ils ont l’impression que la protection de la jeunesse est de leur juridiction. Ils n’acceptent pas que les Premières Nations aient ces droits inhérents, a lancé M. Gray. C’est de la colonisation, c’est de l’assimilation. Et ç’a toujours été ardu. »

Le projet de loi 15 de réforme de la DPJ sera de nouveau analysé la semaine prochaine. Québec solidaire et le Parti québécois espèrent pouvoir convaincre le ministre de changer son fusil d’épaule.

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