Catherine Dorion veut brasser le système «de l’extérieur»

La députée solidaire Catherine Dorion entrait en politique il y a près de quatre ans pour ébranler les colonnes de l’Assemblée nationale. La même motivation la pousse aujourd’hui à la quitter : au terme de son unique mandat, l’élue solidaire veut prendre le large pour porter ses convictions par la plume, sur scène et dans la rue.
Le carcan de l’Assemblée nationale commençait à devenir trop étroit pour la députée aux Dr. Martens. L’institution, à son avis, est mûre pour un bon dépoussiérage : ses cadres sont « rigides, vieux, passés date » et son décorum parlementaire « rend difficiles les transformations sociales qui seraient bonnes pour le Québec d’aujourd’hui ».
« Il faut que ces contraintes-là soient brassées, croit la députée de Taschereau. [Il] faut que des antisystèmes, que des anticonformistes, que des gens qui veulent brasser le pommier y aillent à l’intérieur et le remettent en question, aussi, à l’extérieur. »
Catherine Dorion a rapidement remis en question les codes qui régissent la vie parlementaire. Récitant des poèmes devant les élus, se moquant de l’uniforme complet-tailleur qui habille les politiques, elle a plusieurs fois soulevé l’indignation par son habillement, au point qu’un coton ouaté lui a même fermé les portes du Salon bleu, fin 2019.
Une aventure « extraordinaire »
Émue devant la presse, qu’elle rencontrait trois jours après avoir annoncé son départ, Catherine Dorion a affirmé que les quatre dernières années ont constitué une « aventure extraordinaire », qu’elle conseille « à tout le monde ». Toutefois, elle déplore les carences de la mécanique électorale, qui relègue souvent les oppositions à jouer les seconds rôles.
« Où ça bloque, c’est que tu as un parti qui reçoit, quand on prend l’abstention en compte, 25 % des votes des Québécois, mais qui décide de 100 % des choses, regrette la députée solidaire. C’est quelques personnes qui, pendant quatre ans, font pas mal ce qu’elles veulent. »
Le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a salué l’engagement de la solidaire. « Elle a bousculé, elle a dérangé, elle a fait rêver, elle a aussi fait réfléchir », a-t-il dit à propos de la « députée-poète de Taschereau » qui a repris le flambeau « du militant-député-médecin » Amir Khadir.
Il a aussi rappelé les sacrifices personnels et familiaux auxquels Catherine Dorion, mère de trois enfants, dont une petite dernière qui a subi une opération à cœur ouvert peu après sa naissance, a dû consentir au nom de son engagement politique.
« Ç’a été quatre années mouvementées, a répété son chef. Prends soin de toi et de ta famille. »
Contre la « clique »
Fruit d’une « longue réflexion », l’annonce du départ de Catherine Dorion survient au moment où la réalisation du tramway de Québec fait du surplace et où les troupes conservatrices d’Éric Duhaime gagnent du terrain dans la capitale nationale — une montée que la députée de Taschereau attribue notamment à Radio X, où le chef du Parti conservateur du Québec conserve ses entrées.
« Ça va être une vraie bataille à mener, prévoit-elle. De 10 ans en 10 ans, on se fait détruire par une clique, à Québec, tous les projets de transport actif, de voies réservées sur l’autoroute, de SRB, de ci, de ça. »
Quant à la montée conservatrice dans la région de la capitale nationale, Sol Zanetti admet s’en préoccuper.
« Je trouve ça inquiétant en général, a indiqué le député solidaire de Jean-Lesage. En même temps, je pense que c’est très circonstanciel et que c’est vraiment lié à un ras-le-bol de la pandémie. Ce n’est pas juste ça, mais il y a beaucoup de ça. »
Il a bon espoir que les électeurs et les électrices de Québec renouvelleront leur confiance envers l’équipe solidaire. « Ils ont vu que nous nous sommes battus pour eux : ils vont se battre pour nous. »
Dans la rue
Une fois redevenue simple citoyenne, Catherine Dorion promet de continuer à faire entendre sa voix et celle de « la gauche de Québec » dans l’espace public.
Le troisième lien la trouvera encore sur son chemin, assure-t-elle, et elle défendra aussi la bannière solidaire pendant la prochaine campagne. Sol Zanetti et Manon Massé ont confirmé qu’ils brigueraient respectivement un deuxième et un troisième mandat.
« Personne ne perd Catherine, a rappelé le député de Jean-Lesage. Le pouvoir dépasse largement l’enceinte du Parlement, au Québec. »
C’est depuis la rue que Catherine Dorion veut maintenant ébranler le pouvoir. Fidèle, en ce sens, au souhait qu’elle énonçait à ses balbutiements en politique.
« La réponse la plus forte à faire au premier ministre, elle ne se fera peut-être pas seulement dans cette Chambre ; elle se fera peut-être aussi entendre dehors, de plus en plus et de plus en plus fort », affirmait-elle en 2018 à sa deuxième allocution à l’Assemblée nationale, tee-shirt en hommage au poète Patrice Desbiens sur le dos.
« Je ne vous cacherai pas que c’est l’un de mes souhaits les plus chers. »