Québec créera un «ombudsman» des droits des enfants

Appelé à modifier le rôle du directeur national de protection de la jeunesse pour le rendre plus indépendant, le ministre Lionel Carmant reste inflexible. La création d’un commissaire aux droits des enfants dans un projet de loi subséquent apaisera plusieurs inquiétudes, assure-t-il.

« Je pense que les gens confondent les deux rôles », a indiqué M. Carmant en entrevue avec Le Devoir mardi matin, quelques minutes avant d’entamer l’étude détaillée de son projet de loi 15 visant à réformer la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

Dans son rapport publié en mai de l’année dernière, la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse — présidée par Régine Laurent — recommandait au gouvernement de procéder à la création de deux postes distincts dans le cadre de sa réforme de la DPJ : un poste de directeur national de protection de la jeunesse ainsi qu’un poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

Le premier a été encastré dans le projet de loi déposé en décembre par le ministre Carmant. Le deuxième n’avait pas encore fait l’objet d’une annonce concrète. Or, mardi, l’élu a confirmé que le poste de commissaire verrait le jour, et ce, par le truchement d’un projet de loi. « Il va falloir attendre un second mandat si on veut être réalistes », a-t-il dit au Devoir.

La semaine dernière, en commission parlementaire, plusieurs intervenants ont déploré que le poste de directeur national soit intrinsèquement lié à un siège de sous-ministre adjoint. Dans un mémoire, une quinzaine de directeurs régionaux de protection de la jeunesse ont évoqué des risques de dérive et d’influence politique. Les groupes d’opposition pressent Québec de procéder par vote à l’Assemblée nationale pour éviter toute « ingérence ».

D’après le ministre Carmant, il y a confusion des genres.

« Le rôle qu’on a donné à la directrice nationale, c’est un rôle d’harmonisation des pratiques. La commission [Laurent] a insisté pour qu’elle ait un rôle de sous-ministre adjoint, a dit l’élu de la Coalition avenir Québec. Éventuellement, on va regarder pour le commissaire. »

Des modifications

 

En entrevue, M. Carmant a reconnu qu’il désirait revoir certains aspects de son projet de loi. Comme il l’avait promis la semaine dernière, il modifiera le préambule du texte législatif afin de faire de l’intérêt du jeune la priorité dans l’analyse des dossiers.

Le député de Taillon souhaite également inscrire la violence conjugale comme « motif de compromission » de la sécurité de l’enfant. Les comportements violents d’un parent envers l’autre pourraient donc devenir un prétexte pour recourir à la DPJ. « Si on vient donner plus d’information sur l’impact de la violence conjugale sur le développement de l’enfant, ça devient vraiment un argument fort », a-t-il dit.

La semaine dernière, Régine Laurent a demandé à M. Carmant de réviser la loi pour permettre aux jeunes de rester en famille d’accueil jusqu’à l’âge de 21 ans. « En audience, des jeunes nous ont dit : arrêtez d’être une usine à itinérance. Rester en famille d’accueil, ça permet de ne pas se ramasser dans la rue », avait-elle raconté.

La voie législative n’est pas la bonne pour revoir le processus de transition à la vie adulte, selon M. Carmant, qui a tout de même pris acte des réserves qui ont été exprimées la semaine dernière. L’élu maintient qu’à terme, il sera possible pour un jeune de rester en famille d’accueil après ses 18 ans.

« Pour le moment, ça reste une loi qui s’applique aux enfants. Est-ce qu’on peut redéfinir le mot “enfant” ? Les juristes me disent que non », a-t-il indiqué.

La menace de la tablette

 

Lundi, un organisme indépendant s’occupant de la petite enfance a annoncé son intention de lancer un comité citoyen pour faire le suivi serré des recommandations de la commission Laurent. Six signataires du rapport définitif de la commission spéciale se sont joints à l’initiative, imaginée par le Collectif petite enfance. « Il y a un ensemble de recommandations qui ne peuvent pas attendre », a martelé un de ces ex-commissaires, Jean-Marc Potvin, en entrevue.

La semaine dernière, Lionel Carmant avait accueilli avec « incrédulité » la sortie de l’ex-vice-président de la commission Laurent, André Lebon, qui s’est dit « désespéré » devant le peu d’avancement de la réforme. Mardi, le ministre s’est de nouveau dit « surpris » de la réaction d’une poignée de ces ex-commissaires. « Je ne comprends pas comment ils pouvaient espérer que tout se fasse avant la fin du mandat », a-t-il lancé.

Le projet de loi 15 constitue le premier pas d’une démarche de plusieurs années vers la réforme de la DPJ, selon le ministre Carmant. Des sommes supplémentaires pour les services à l’enfance seront inscrites au budget du 22 mars prochain, assure-t-il.

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