Horacio Arruda démissionne

Citant les remises en question des «avis» et de la «rigueur scientifique» de la Santé publique, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a remis sa démission au premier ministre François Legault, qui l’a acceptée.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Citant les remises en question des «avis» et de la «rigueur scientifique» de la Santé publique, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a remis sa démission au premier ministre François Legault, qui l’a acceptée.

Le directeur national de santé publique du Québec, Horacio Arruda, aux commandes depuis les débuts de la pandémie il y a près de deux ans, a remis sa démission au premier ministre François Legault, qui l’a acceptée.

Le premier ministre fera le point mardi, a indiqué au Devoir son cabinet lundi en soirée, sans offrir d’autres détails. Il rencontrera les journalistes à 13 h.

Dans sa lettre de démission, que Le Devoir a obtenue, Horacio Arruda écrit que « les propos récents tenus sur la crédibilité de nos avis et sur notre rigueur scientifique causent sans doute une certaine érosion de l’adhésion de la population ». « Dans un tel contexte, j’estime approprié de vous offrir la possibilité de me remplacer avant l’échéance de mon mandat, du moins à titre de DNSP », ajoute celui qui était en poste depuis 2012 et dont le mandat avait été reconduit pour trois ans en 2020. François Legault a ainsi accepté sa démission, a indiqué son cabinet au Devoir.



Son départ survient alors que le Québec, comme d’autres régions du monde, fait face à une hausse marquée des hospitalisations et à un nombre élevé de cas de COVID-19 à cause du variant Omicron. Dans sa lettre, Horacio Arruda invite le premier ministre à ne pas voir « en ce geste un abandon de ma part, mais plutôt l’offre d’une opportunité de réévaluer la situation, après plusieurs vagues et dans un contexte en constante évolution ». Il se dit prêt à « continuer de servir », mais « dans un rôle différent ».

Le travail du Dr Arruda était de plus en plus contesté depuis quelques semaines. Le premier ministre l’avait défendu lors d’une conférence de presse le 30 décembre dernier, alors qu’il annonçait le retour d’un couvre-feu au Québec. Il avait répondu « oui » sans hésiter lorsqu’une journaliste lui avait demandé si le directeur national de santé publique était toujours l’homme de la situation.

François Legault avait insisté en disant qu’il fournissait de « bons avis » et que la cellule de crise avait de « bonnes discussions ». « On a toute l’expertise nécessaire pour prendre les meilleures décisions », avait-il assuré. Horacio Arruda a été critiqué pour ses propos sur les masques, notamment les N95, ainsi que sur la ventilation et la troisième dose de vaccin.


Avec comme rôle de conseiller et d’assister le ministre de la Santé, et vu son poste de sous-ministre adjoint, il apparaissait régulièrement aux côtés du premier ministre et des différents ministres de la Santé lors de conférences de presse importantes. Il a fait réagir plus d’une fois sur les réseaux sociaux.

Le Dr Luc Boileau, président-directeur général de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, qui effectue régulièrement des projections sur la capacité hospitalière du Québec lors des vagues de COVID-19, est considéré par le gouvernement pour remplacer M. Arruda, selon ce qu’une source bien au fait des discussions a confirmé au Devoir.

Le médecin formé à l’Université de Sherbrooke et spécialiste en santé publique a notamment été président-directeur général de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) d’octobre 2008 à janvier 2015. Il a également dirigé l’Agence régionale de la santé de la Montérégie de 2001 à 2008.

Plusieurs réactions

 

L’opposition n’a pas tardé à réagir à l’annonce du départ d’Horacio Arruda. Le « Dr Arruda s’est sacrifié pour les mauvaises décisions du gouvernement, mais le problème structurel demeure », a écrit sur Twitter le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

« Le Dr Arruda a été placé devant une crise sanitaire inédite et dans une cellule de crise où son indépendance et sa marge de manœuvre étaient loin d’être évidentes. Dans des circonstances très difficiles, il a donné le meilleur de lui-même, et il faut l’en remercier », a-t-il ajouté.

La cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, a commenté la nouvelle quelques minutes plus tard sur le réseau social. « François Legault cherchera fort probablement à lui faire porter l’odieux de la situation actuelle. Or, le départ du Dr Arruda ne réglera rien. Les décisions sont prises par le PM et doivent être fondées sur la science, et non [sur] les sondages et son intuition. »

Elle l’a également remercié pour son travail. « Les deux dernières années de pandémie ont été charnières. Elles l’auront forcé à mettre de côté sa vie ainsi que sa famille pour nous tous.tes », a-t-elle indiqué.

Le chef parlementaire et porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a quant à lui remercié le Dr Arruda pour « ses longues années de dévouement envers notre appareil de santé publique, trop longtemps négligé et sous-financé ». « Tout au long de cette pandémie, il a servi le Québec avec sincérité. C’est le gouvernement de la CAQ qui a pris les décisions », a-t-il écrit sur Twitter.

Le maire de Québec, Bruno Marchand, a lui aussi tenu à souligner le départ du Dr Arruda. « La détermination du docteur Horacio Arruda pour vaincre ce virus a fait de lui un allié indéniable pour tous les Québécoises et les Québécois durant cette période difficile. Nous lui devons énormément. Merci d’avoir mis le bien commun au cœur de vos priorités », a-t-il gazouillé.

Avec Alexandre Robillard et Marie-Michèle Sioui



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