Des personnes trans et non binaires craignent de voir leurs vies bouleversées par le projet de loi 2

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Photo: Andrej Isakovic Archives Agence France-Presse Le projet de loi 2, qui risque de créer des «"coming out" forcés», serait un recul pour les personnes trans, selon plusieurs organismes.

S’il se dit « prêt à trouver une solution » aux éléments de son projet de loi 2 jugés transphobes, le ministre Simon Jolin-Barrette a déjà créé une onde de choc chez les personnes trans et non binaires. Plusieurs membres de ces communautés craignent de voir leur vie bouleversée par la refonte des lois sur l’identité sexuelle.

En 2015, le gouvernement du Québec a abrogé une portion de la loi qui exigeait une opération chirurgicale des organes génitaux pour modifier la mention de sexe qui apparaît sur l’acte de naissance et sur les pièces d’identité gouvernementales. « On pensait qu’on avait gagné », lance Séré Beauchesne Lévesque, qui avait profité de cette modification au cadre législatif pour modifier ses documents officiels.

Or, voilà, le projet de loi 2 déposé jeudi dernier par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, prévoit de nouveau exiger une intervention chirurgicale avant un changement à la mention d’identité sexuelle. Plusieurs articles l’indiquent en toutes lettres.

Le texte législatif vise l’ajout d’une identité de genre distincte, se justifie l’élu caquiste, mais, pour plusieurs organismes, cela risque de créer des « coming out forcés » : Québec ne projette pas d’évacuer la mention de sexe.

Si le projet de loi 2 était adopté tel quel, Ky Fleming devrait à tout prix subir une opération pour que la mention de sexe inscrite à ses documents officiels corresponde à son identité de genre et à son apparence physique. « J’ai fait mon coming out en 2015, mais mes papiers ne sont pas encore changés. Le projet de loi 2, ça vient me toucher directement en tant que personne trans », indique ce coordonnateur de Jeunes identités créatives, un organisme montréalais de défense des jeunes trans et non binaires. « Ça vient m’outer automatiquement à mon employeur », ajoute le Montréalais de 22 ans.

Maël et Sasha Ste-Marie, 16 et 14 ans, ont difficilement encaissé le dépôt du projet de loi, la semaine dernière. « Je suis non binaire. Si le projet de loi passe, ça me coincerait probablement avec ça toute ma vie, et j’ai 14 ans. Je devrais subir ma mention de sexe toute ma vie », lance Sasha.

« C’est extrêmement difficile pour toute personne qui ne ressent pas le besoin d’aller se faire opérer », ajoute Maël.

Ouvert aux modifications

 

Coordonnateur à TransEstrie, Séré Beauchesne Lévesque demande à Simon Jolin-Barrette de modifier son projet de loi pour qu’une seule mention apparaisse sur les certificats officiels, sans prérequis chirurgical.

Lors d’un point de presse, jeudi dernier, le ministre avait pourtant confirmé que l’intention était d’offrir la possibilité d’y cocher deux cases distinctes. « La personne qui ne subit pas d’opération et qui maintient son sexe biologique attribué à la naissance, c’est F ou M, avait-il résumé. Mais, par contre, si la personne s’identifie à un autre genre que son sexe biologique, là, elle va pouvoir [modifier son identité de genre. Ça] va être indiqué sur son certificat de naissance F, M ou X, si elle s’identifie comme non binaire. »

Rien ne dit que la loi ne sera pas altérée. Le projet de loi 2 devra franchir plusieurs étapes législatives avant d’entrer en vigueur, ce qui pourrait permettre à Québec d’y apporter des modifications. Mardi, M. Jolin-Barrette a d’ailleurs ouvert la porte à l’amender. « Je suis très ouvert à trouver une voie de passage », a-t-il signifié.

Simon Jolin-Barrette réitère depuis la présentation du « PL 2 » que son texte de loi répond au jugement rendu en janvier par le juge Gregory Moore, de la Cour supérieure du Québec. Celui-ci enjoignait au gouvernement d’ouvrir la voie à l’inscription des identités de genre sur les certificats produits par le Directeur de l’état civil.

« My God ! » a lancé mardi la porte-parole du Parti libéral en matière de diversité et d’inclusion, Jennifer Maccarone, à la période de questions. « Le ministre est tout seul à interpréter son projet de loi de cette manière. Ce n’est pas une avancée, c’est un recul majeur. »

Depuis jeudi, Québec solidaire et le Parti québécois ont aussi exigé du gouvernement qu’il recule dans le dossier.

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