François Legault prêt à payer pour sortir le Québec des hydrocarbures

François Legault se dit prêt à délier les cordons de la bourse pour concrétiser sa promesse d’interdire l’exploitation des hydrocarbures en territoire québécois. Mais le premier ministre ne sait pas combien cela coûtera.
M. Legault donnait mercredi matin une première mêlée de presse depuis son discours d’ouverture de session, prononcé la veille. Interrogé sur ses intentions de sortir le Québec de l’extraction du gaz et du pétrole, il a convenu que l’opération viendrait avec des conséquences.
« On est prêts à mettre les ressources financières et judiciaires », a-t-il affirmé en direct de l’Assemblée nationale.
L’élu de la Coalition avenir Québec ne s’avance pas sur les sommes qu’il compte débourser pour amorcer cette transition. « Il y a ce qui a été payé, c’est quoi la valeur du marché. C’est complexe », a convenu M. Legault mercredi.
Plusieurs industriels joints par Le Devoir dans les dernières semaines évaluent ces montants à plusieurs centaines de millions de dollars, voire des milliards. « On parle de beaucoup d’argent », a résumé le président de l’Association de l’énergie du Québec, Éric Tétrault, en entrevue.
Mercredi, Ressources Utica, une entreprise qui a les yeux sur des puits de pétrole au Québec, a vivement dénoncé la nouvelle approche du gouvernement Legault. « Nous nous attendons maintenant à ce que le gouvernement du Québec agisse de manière équitable et qu’il compense rapidement, et à la juste valeur marchande », a écrit l’entreprise dans un communiqué acheminé au Devoir.
Modifier la loi
Accosté à l’entrée de la salle où se tenait la séance du Conseil des ministres, mercredi, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a confirmé que Québec procéderait par projet de loi pour en arriver à ses fins. « Il y a des gens qui disent que ça va être énorme, les compensations. D’autres disent qu’on n’aura pas besoin [d’en verser] », a-t-il soulevé.
« On regarde ça », s’est-il contenté de dire.
Selon une analyse du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) produite plus tôt cette année, le gouvernement pourrait légiférer de manière à éviter de donner un seul sou aux entreprises pétrolières et gazières. Il suffit « d’exprimer clairement son intention » dans un projet de loi, conclut-elle.
La directrice générale du CQDE, Geneviève Paul, s’étonne que François Legault laisse la porte ouverte au versement de compensations.
« Pour moi, c’est difficilement explicable d’un point de vue juridique, économique et social. On est rendus sur le terrain politique, le terrain de ce qu’on décide de prioriser dans l’allocation de nos ressources publiques », a-t-elle analysé mercredi.
La Loi sur les hydrocarbures, adoptée en 2016 puis modifiée en 2018 par le gouvernement de Philippe Couillard, interdit pour le moment l’extraction d’hydrocarbures à proximité des villes et des cours d’eau. Elle a notamment eu pour effet de mettre un frein à l’exploitation du gaz de schiste au Québec.
Mais les entreprises pétrolières et gazières sont toujours bien implantées en territoire québécois. Selon le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, le nombre de permis d’exploration pétrolière et gazière toujours en vigueur dépasse les 180.
Ressources Utica poursuit d’ailleurs le gouvernement en cour pour mettre la main sur un permis d’exploitation dans l’est de la Gaspésie. Le mois dernier, le ministre Julien avait indiqué qu’il attendrait la fin du processus judiciaire avant de statuer sur l’interdiction des hydrocarbures. Le premier ministre l’a finalement devancé mardi, dans son discours inaugural.
Au plus vite
En entrevue avec Le Devoir, la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, insiste pour que Québec agisse au plus vite. « C’est très possible d’adopter une loi d’ici les prochaines élections », a-t-elle soutenu.
Elle plaide pour que le premier ministre « ne cède pas au chantage des compagnies pétrolières » en répondant à leurs exigences financières.
« On pourrait dire qu’on fait quand même le choix d’indemniser, mais il faudrait absolument mettre de côté toute notion de perte de profits potentiels », a-t-elle dit.
Avec Alexandre Robillard