Assouplissements à l’hôpital avant le vaccin obligatoire

Fort d’un taux de vaccination élevé chez les travailleurs de la santé, Québec a décidé d’alléger les mesures contre la COVID-19 dans les hôpitaux, pour ensuite imposer la vaccination obligatoire onze jours plus tard. Une incohérence soulignée à grands traits par la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) en commission parlementaire jeudi.
« Les professionnelles en soin ont écouté le premier ministre faire son annonce, mais ce qu’elles avaient de la semaine d’avant, c’était une directive assouplissant effectivement toutes ces mesures », a indiqué sa présidente, Nancy Bédard.
Selon une directive donnée le 6 août, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) permet la mobilité entre les zones froides, tièdes et chaudes durant un même quart de travail. Il autorise également deux, trois ou quatre patients par chambre à condition qu’ils soient asymptomatiques et qu’ils ne soient pas des cas soupçonnés de COVID-19.
Le MSSS invoque entre autres « la situation épidémiologique actuelle », « des taux élevés de vaccination de la population et des travailleurs de la santé », l’efficacité des vaccins contre les variants et « l’utilisation efficiente des ressources » pour justifier ces allègements. Cette directive permet d’augmenter le nombre de lits aux étages et d’éviter l’encombrement des civières à l’urgence.
La FIQ a fait valoir que ce genre de directives contradictoires effrite la confiance des professionnels de la santé. Elle a déploré « l’approche autoritaire » du gouvernement Legault et a souligné que la vaccination ne doit pas être le seul moyen pour freiner la COVID-19 dans les établissements de santé. Elle a noté, entre autres, que plusieurs centres d’hébergement de soins de longue durée ne disposent pas de système de ventilation mécanique.
91 % de premières doses
Une vaste majorité des employés du réseau public, soit 91 %, ont reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19, selon le ministre de la Santé, Christian Dubé. Les 9 % restants représentent tout de même quelques dizaines de milliers de travailleurs. « C’est 30 000 personnes qui sont en contact avec des personnes vulnérables et qui ne sont pas vaccinées », a-t-il fait valoir. Ce nombre doublerait en incluant les ressources privées. En date du 25 août, 86 % des travailleurs de la santé du réseau public avaient reçu leurs deux doses.
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D’autres syndicats ont mis le gouvernement en garde contre d’éventuelles poursuites judiciaires s’il impose la vaccination. « Si vous la rendez obligatoire et que des gens subissent des conséquences par rapport à leurs conditions de travail, il va y avoir contestation juridique, a signalé la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Caroline Senneville.
« Ceux qui refusent le vaccin, ce ne sont pas tous des “antivax”, a-t-elle rappelé. Je pense qu’il faut continuer notre travail de [persuasion] parce qu’est-ce que le remède va être pire que le mal ? »
Lors de son témoignage, le ministre Dubé a d’ailleurs reconnu que la vaccination obligatoire pourrait entraîner des interruptions de service. « La réponse, c’est oui, a-t-il dit. Je pense que c’est pour ça qu’on a retardé cette décision-là le plus possible. »
« Vous admettez qu’il peut y avoir [interruption] de service, ce qui n’est quand même pas rien dans des hôpitaux qui sont déjà à l’extrême limite de ce qu’ils peuvent faire », a déclaré le député de Québec solidaire Vincent Marissal. Il a ensuite demandé au ministre s’il avait un plan de contingence. « On se donne jusqu’au 15 octobre pour donner aux gens le temps de [se faire vacciner] », a répondu M. Dubé.
La Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) et la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ) se sont dites favorables à la vaccination obligatoire. « Je ne pense pas qu’un médecin qui n’est pas vacciné devrait pratiquer, tout simplement », a affirmé le président de la FMSQ, Vincent Oliva. À l’exception de ceux qui ont une contre-indication médicale, a-t-il ajouté.
« On n’a pas d’autre choix que de mettre de côté un peu notre liberté individuelle, parce que là, c’est le bien-être collectif qui va être touché, a affirmé le président-directeur général de la FMOQ, Louis Godin. […] Ce n’est pas de gaieté de cœur. On sait que ce sont des principes fondamentaux qu’on va bousculer, mais la COVID, là, c’est quelque chose de très inhabituel et qui nous amène hors de ce qu’on ferait normalement. »
La commission parlementaire se poursuivra vendredi avec les témoignages des syndicats du milieu de l’éducation. Il n’en sortira toutefois ni rapport ni recommandation. Une situation imposée par les caquistes et dénoncée par les partis d’opposition.
Pas d’obligation en éducation, pour l’instant
Sans complètement fermer la porte à la mesure, le Dr Horacio Arruda a exprimé plusieurs réserves sur la vaccination dans le réseau de l’éducation. « Les discussions qu’on a eues, c’est que c’est l’endroit où on trouve actuellement le plus grand gain, bénéfice et impact », a affirmé le directeur national de santé publique en commission parlementaire. Il s’attend à ce que les enfants de 5 à 12 ans puissent être vaccinés en novembre ou décembre prochain. Pour les tout-petits, ce serait en janvier 2022, une fois qu’un vaccin sera approuvé par Santé Canada pour ces catégories d’âge.