La Commission des droits de la personne ne s’oppose pas au passeport vaccinal

Le gouvernement du Québec peut aller de l’avant avec le passeport vaccinal : la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) lui donne son feu vert, à condition qu’il soit encadré par la loi.

« D’emblée, la Commission ne s’oppose pas à la création d’un passeport d’immunité », écrit-elle dans un avis ambigu rendu public vendredi. Tout dépend du contexte dans lequel il est utilisé, la forme qu’il prend et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.

Le gouvernement fournit un code QR aux gens vaccinés comme preuve numérique, mais il est toujours en réflexion sur la façon dont il pourrait être utilisé. De la preuve de vaccination pour voyager à l’étranger à celle qui donnerait accès à un emploi ou à un logement, il y a une marge.

Le Dr Horacio Arruda évoquait d’ailleurs en conférence de presse mardi le danger qu’il pourrait poser. « Si on utilise la vaccination dans un contexte où on discrimine, ça pourrait être problématique », a répondu le directeur national de santé publique au Devoir qui lui demandait si, par exemple, un restaurateur pourrait empêcher l’entrée d’un client non vacciné dans son établissement.

La CDPDJ estime toutefois que « certaines atteintes appréhendées aux droits et libertés garantis par la Charte pourraient être justifiées » en vertu de l’article 9.1, qui donne une certaine latitude au gouvernement. Or, en entrevue, l’avocate qui a rédigé le mémoire apporte des nuances.

« L’idée, c’est de donner des balises, mais dans l’état actuel des connaissances, il y a peu de chances que [les] objectifs [de l’article 9.1] soient satisfaits, indique Me Marie Carpentier, conseillère juridique à la CDPDJ. On ne se prononce pas définitivement contre, comme on ne se prononce pas non plus définitivement pour. »

« Pression » à la vaccination

Sans contredit, le passeport vaccinal pourrait contrevenir au droit à l’intégrité, au droit au respect de sa vie privée et au droit à l’égalité, en plus de porter atteinte à la liberté de sa personne, la liberté de religion ou la liberté de réunion pacifique. Ceux-ci sont garantis par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Par exemple, exiger une preuve de vaccination contre la COVID-19 pour « accéder à un lieu, à un service, à un commerce ou à son travail » porterait atteinte au droit à l’intégrité parce qu’il reviendrait à faire « pression sur cette personne pour qu’elle se fasse vacciner », selon la CDPJD. Il s’agirait d’une « façon indirecte d’obliger les gens » à obtenir leurs injections puisqu’ils n’auraient pas un véritable choix de refuser le vaccin.

Le passeport vaccinal pourrait également être discriminatoire à l’endroit de certains groupes de personnes. Celles ayant un handicap, par exemple, pourraient ne pas pouvoir obtenir leurs doses parce qu’elles sont plus à risque de complications ou parce qu’elles ne peuvent pas se rendre dans un centre de vaccination. Leur refuser l’accès à un lieu sur le fait qu’elles ne sont pas protégées contre la COVID-19 porterait atteinte à leur droit à l’égalité.

Tout comme pour l’application Alerte COVID, un passeport vaccinal numérique pourrait également porter atteinte au droit au respect de sa vie privée puisqu’il contiendrait des informations médicales.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement pourrait éventuellement justifier le recours au passeport vaccinal en vertu de l’article 9.1 parce qu’il permet aux citoyens de se livrer à leurs activités sans devenir un « fardeau supplémentaire pour le système de santé » et « sans être un vecteur de transmission » de la COVID-19, selon la CDPDJ.

« À l’heure actuelle, les connaissances scientifiques nous permettent de comprendre que le vaccin réduit les maladies graves, réduit la pression sur le système de santé, mais par contre, il n’empêche pas la transmission aux tiers », fait remarquer Me Carpentier, en s’appuyant notamment sur un avis de l’Organisation mondiale de la santé. « Donc, dans ces circonstances-là, ce serait plus difficile pour le gouvernement, à notre avis, de justifier le recours à un passeport d’immunité », poursuit-elle.

La connaissance entourant les vaccins contre la COVID-19 pourrait toutefois évoluer au gré des études scientifiques et c’est pourquoi la CDPDJ s’abstient de trancher. Cet avis s’ajoute à celui de l’Institut national de santé publique émis en avril, pour qui le passeport immunitaire peut être un outil complémentaire à condition qu’il soit temporaire et qu’il permette un retour plus rapide à la normale d’ici à ce que le Québec atteigne son immunité collective.

Avec Marco Bélair-Cirino

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