Violence conjugale: les victimes pourront compter sur le même procureur, du début à la fin

L’annonce a été faite jeudi matin en conférence de presse par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette.
Photo: Jacques Boissinot Archives La Presse canadienne L’annonce a été faite jeudi matin en conférence de presse par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette.

Une étape de plus a été franchie jeudi vers la création d’un tribunal spécialisé en violence conjugale.

Les femmes victimes de violence conjugale qui entreprennent un processus judiciaire pourront compter sur l’appui d’un seul procureur du début à la fin de leurs démêlés avec la justice.

C’était là une des recommandations du rapport Rebâtir la confiance, produit par le comité d’experts portant sur l’accompagnement en cour des victimes de violence conjugale, et le gouvernement a choisi d’y donner suite.

L’annonce a été faite jeudi matin en conférence de presse par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, qui ont rendu public le volet judiciaire de leur plan d’action contre la violence faite aux femmes et les féminicides.

Le ministre Jolin-Barrette a indiqué son intention d’appliquer les 190 recommandations contenues dans le rapport du groupe de travail transpartisan déposé en décembre, incluant la création d’un tribunal spécialisé.

« Ça constitue la plus importante recommandation du rapport, je crois, c’est la colonne vertébrale du rapport. Alors, oui, nous allons donner suite aux recommandations du rapport », a-t-il assuré.

Dans un premier temps, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) aura droit à 44 millions de dollars supplémentaires pour appliquer le principe de « poursuite verticale » dans les dossiers de violence conjugale ou sexuelle, et ainsi donner l’assurance aux plaignantes qu’elles seront accompagnées du début à la fin du processus judiciaire par un seul et même procureur, une façon de faire susceptible de les rassurer et de créer un lien de confiance avec leur avocat.

De plus, les procureurs devront s’assurer de bien préparer les plaignantes à ce qui les attend, en les informant des étapes à venir et du fonctionnement de la cour. Elles devront également être mieux informées de leurs droits.

Il est connu et documenté que, dans la grande majorité des cas, les femmes hésitent à porter plainte à la police quand elles ont été victimes de violences, persuadées que leur agresseur s’en tirera aisément. Elles critiquent aussi le fait de devoir encore et encore raconter leur histoire, forcées de ressasser des souvenirs pénibles et traumatisants.

L’initiative du gouvernement vise à briser cette réalité, en cherchant à redonner aux femmes confiance dans le système de justice, en leur offrant un accompagnement à chaque étape.

Par ailleurs, Québec injectera 27 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour embaucher davantage de policiers spécialisés dans les causes de violence conjugale au sein des corps de police et des services correctionnels.

Québec veut aussi resserrer l’étape de l’évaluation des hommes accusés de violence conjugale au stade de la mise en liberté provisoire, un service qui sera étendu à tout le territoire.

Les initiatives annoncées jeudi font partie du plan d’action global de 222 millions de dollars sur cinq ans annoncé en avril et visant à contrer le fléau des féminicides et de la violence conjugale. Il s’agissait de la troisième annonce sur le sujet en quelques semaines. Les deux premières avaient trait au financement accru des maisons d’hébergement et au soutien à apporter aux organismes venant en aide aux hommes violents. D’autres sont à venir.

Le Québec a recensé 10 féminicides depuis le début de l’année.

L’annonce de jeudi a été bien reçue par les groupes qui accueillent quotidiennement des femmes aux prises avec la violence.

La directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, Manon Monastesse, a estimé que ces mesures étaient « un bon premier pas, mais elles doivent s’accompagner d’un ensemble de mesures » pour répondre véritablement aux besoins. Car, dit-elle, « les besoins sont énormes, les attentes sont grandes ».

La porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Louise Riendeau, a dit pour sa part qu’elle souhaiterait que des projets pilotes précèdent la création d’un tribunal spécialisé, pour s’assurer que ce véhicule « réponde vraiment bien aux besoins des victimes ».

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