Les procureurs de l’État québécois réclament un nouveau patron au plus vite

L’APPCP note entre autres que 45% des 575 répondants d'un sondage mené en ligne ont «des niveaux élevés d’épuisement professionnel».
Photo: iStock L’APPCP note entre autres que 45% des 575 répondants d'un sondage mené en ligne ont «des niveaux élevés d’épuisement professionnel».

L’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (APPCP) réclame la nomination « urgente » d’un nouveau directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin de s’attaquer aux problèmes de santé mentale qui affligent ses professionnels et de mieux répondre aux besoins des victimes.

Dans une lettre transmise aux 125 députés de l’Assemblée nationale lundi, l’APPCP mène une charge à fond de train contre celui qui assure l’intérim à la tête du DPCP à la suite du départ d’Annick Murphy.

Le directeur par intérim, Vincent Martinbeault, « se refuse à entendre parler de la détresse des procureurs et de leur état de santé mentale, qui s’effrite à vue d’œil », écrit le président de l’APPCP, Guillaume Michaud. « Au lendemain de sa nomination […], Me Martinbeault a annoncé à l’APPCP sa décision unilatérale de rompre toutes les discussions ayant cours entre la haute direction du DPCP et celle de l’APPCP », ajoute-t-il.

En entrevue au Devoir mardi, Me Michaud dit réclamer la nomination d’un directeur qui « va rassembler les troupes, qui ne va pas se défiler quand l’Association lui présente des problèmes et qui va prendre en charge ces problèmes-là ». Autant de qualités que Me Martinbeault ne possède pas, selon lui.

Surcharge

 

L’APPCP a mené un sondage en ligne auprès de 90 % de ses membres. Dans les résultats qu’elle a publiés en 2019, l’Association note entre autres que 45 % des 575 répondants ont « des niveaux élevés d’épuisement professionnel ».

Au total, 77 % des répondants ont aussi dit craindre d’être discriminés ou dévalués s’ils cherchaient de l’aide « à des fins de santé mentale ». Ils ont dénoncé « un manque d’ouverture de la direction », qui préconiserait l’approche « Don’t ask, don’t tell », selon l’APPCP.

Les « chiffres épouvantables » de son sondage, l’APPCP dit les avoir présentés au DPCP et au gouvernement. « On a fait témoigner des procureurs également, sur leur charge de travail, et ç’a été qualifié d’anecdotique par l’avocat du gouvernement, du DPCP », se désole son président.

À son avis, il ne fait aucun doute que les victimes font les frais de la surcharge de travail et de l’état d’épuisement des procureurs. « On peut comprendre certaines victimes de se sentir moins accompagnées, reconnaît Me Michaud. La solution, elle est assez simple : ça prend des ressources. La qualité du service offert aux victimes va être meilleure. »

Une nomination « urgente »

Jugeant que le temps presse, il somme l’Assemblée nationale de nommer le successeur de Me Murphy bien avant l’échéance de 18 mois prévue dans la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Interrogé à ce sujet, le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a déclaré que « le processus de nomination suit son cours ».

Dans une courte déclaration, son attachée de presse a fait savoir qu’il y a « des désaccords entre la direction par intérim et l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales sur des questions internes ». « Nous invitons les parties impliquées à poursuivre la discussion », a suggéré Élisabeth Gosselin.

Tous les partis d’opposition se sont montrés d’accord avec l’APPCP, faisant valoir que la nomination d’un nouveau DPCP est urgente. Il en va de la confiance des Québécois dans cette institution, selon le Parti québécois.

« Je pense que le temps des intérims doit cesser et on doit effectivement nommer des personnes à temps plein, avec compétences, a affirmé le député Martin Ouellet. D’autant plus que le gouvernement de la CAQ a fait voter un projet de loi pour des nominations aux deux tiers, donc on s’attend effectivement à avoir des propositions, incessamment. »

Quant au DPCP, sa porte-parole Audrey Roy-Cloutier a rappelé que le processus de nomination d’un nouveau directeur relève de l’Assemblée nationale. « Comme ce processus n’est pas géré par le DPCP, aucune communication publique n’est prévue actuellement suite à la publication du communiqué de l’APPCP », a-t-elle écrit dans un courriel.

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