La cheffe des urgences de l’hôpital de Joliette est partie après la mort de Joyce Echaquan
La cheffe des urgences de l’hôpital de Joliette a démissionné dans la foulée de la mort de Joyce Echaquan, a révélé jeudi matin la présidente-directrice générale par intérim du CISSS de Lanaudière, Caroline Barbir.
En marge d’une annonce sur la création de divers postes visant à accueillir davantage d’employés atikamekw dans les rangs du CISSS, Mme Barbir a aussi confirmé qu’une préposée aux bénéficiaires avait été impliquée dans les événements, puis congédiée. Le CISSS avait auparavant annoncé le renvoi d’une infirmière qui avait tenu des propos racistes à propos de Mme Echaquan.
« Il y avait la cheffe du service de l’urgence, qui n’est plus là, et il y avait l’infirmière et la préposée qui étaient directement présentes auprès de Mme Echaquan, qui ne sont plus là non plus », a affirmé Mme Barbir. « Les deux soignantes ont été congédiées et la cheffe est partie d’elle-même. »
Sa réponse a pris le chef du Conseil des Atikamekw de Manawan, Paul-Émile Ottawa, par surprise. « Je ne savais même pas que la dame aux urgences avait démissionné suite aux événements », a-t-il confié au Devoir. « On m’avait dit pour la préposée aux bénéficiaires. »
Cinq mois après la mort de Mme Echaquan, le CISSS de Lanaudière a créé une « table de réconciliation » pour rebâtir les ponts avec les membres des communautés atikamekw, nombreux à utiliser ses services. Caroline Barbir a annoncé l’embauche d’une seconde agente en sécurisation culturelle et d’un commissaire adjoint aux plaintes et à la qualité des services, de même que la création d’un poste d’adjoint au p.-d.g., qui aura pour mandat de s’occuper des relations avec les Autochtones. Tous les postes seront pourvus par des Atikamekw.
Une formation obligatoire, destinée à l’ensemble des employés du CISSS, sera aussi mise sur pied, de concert avec les membres de la nation atikamekw.
Un « modèle » pour le système de santé
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a également annoncé qu’une place au conseil d’administration du CISSS serait désormais réservée à un représentant de la nation atikamekw. « Vous avez souvent dit qu’il fallait rebâtir un pont sur lequel marcher ensuite, et j’aime beaucoup cette image-là », a-t-il dit au chef Ottawa. « Cette approche-là qu’on prend à Lanaudière va faire école selon moi, et c’est un modèle de partenariat qu’on peut répandre, le plus rapidement possible, à l’ensemble de la communauté », a-t-il ajouté.
Le Centre hospitalier régional de Lanaudière, couramment appelé l’hôpital de Joliette, a déjà à son emploi une agente de liaison en sécurisation culturelle. Barbara Flamand a d’ailleurs révélé au Devoir qu’elle était au travail lorsque Joyce Echaquan est morte. Elle a dit vivre des moments de détresse depuis la mort de Mme Echaquan. Elle a aussi raconté avoir vécu du racisme dès son arrivée en poste et s’être vu retirer l’accès à un bureau pendant une période de neuf mois.
Avec la création d’un second poste comme celui qu’occupe Mme Flamand, le CISSS souhaite donner accès à un agent en sécurisation culturelle « sept jours sur sept », a attesté la p.-d.g. Barbir. Ces deux employés, qui peuvent être appelés à jouer les rôles d’interprètes ou de traductrices, notamment, seront « disponibles à distance le soir et la nuit, mais présentes [à l’hôpital] le jour », a-t-elle assuré. Quant à l’adjoint du p.-d.g, il aura pour mission première « d’identifier les différentes actions prioritaires […] pour mener à terme un réel changement de culture au sein de notre CISSS », a expliqué Mme Barbir.
Les postes seront financés à même l’enveloppe de 15 millions de dollars que Québec a dégagée pour assurer la sécurisation culturelle des soins de santé. « J’ai vraiment espoir avec des mesures comme celles-ci, on va faire changer les choses », a déclaré le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière.
Appelé à réagir au refus de Québec d’adopter le principe de Joyce, le chef Ottawa a dit souhaiter adopter une « démarche de collaboration ». « On continue de déplorer la non-reconnaissance du principe de Joyce et de l’existence du racisme systémique [par le gouvernement Legault]. Mais au lieu de faire de la politique sur le dos de notre population, nous avons opté — et la sagesse nous le conseillant — de travailler et de collaborer aux mesures qui peuvent permettre d’améliorer de beaucoup [la relation] et l’accès à des services [pour] la communauté », a-t-il affirmé.
Il s’est ensuite dit surpris de la nomination, la veille, de Benoit Charette au poste de ministre responsable de la Lutte contre le racisme. « Je me serais attendu à ce que ce soit un des membres du comité des sept [du Groupe d’action contre le racisme, dont Benoit Charette ne faisait pas partie]. Mais ceci relevant de la prérogative du premier ministre, je vais tout de même lui tendre la main », a-t-il ajouté.
L’enquête publique s’ouvrira en mai
L’enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan aura lieu du 13 mai au 2 juin au palais de justice de Joliette, a annoncé jeudi le Bureau du coroner. La coroner et avocate Géhane Kamel présidera l’enquête, qui doit servir à « déterminer les causes et les circonstances du décès » de Mme Echaquan et « de formuler, s’il y a lieu, des recommandations ». La cause de la mort de cette jeune mère de famille est toujours inconnue, du grand public à tout le moins. L’enquête devrait permettre d’en savoir davantage sur son décès survenu le 28 septembre 2020 au Centre hospitalier régional de Lanaudière.