Purge au Parti vert du Québec

Le chef du Parti vert du Québec, Alex Tyrrell
Photo: Guillaume Levasseur Archives Le Devoir Le chef du Parti vert du Québec, Alex Tyrrell

À peine réélu à la tête du Parti vert du Québec, le chef Alex Tyrrell fait le ménage. Il a de lui-même expulsé du parti sept personnes qui contestaient son leadership et prenaient publiquement la parole contre lui.

« Afin de rétablir un environnement de travail sain, collaboratif et propice à l’avancement du parti en politique provinciale, et compte tenu de l’impasse que vous avez indiquée dans votre communiqué et dans vos interventions sur les réseaux sociaux, et que ces déclarations sont émises malgré ma volonté de travailler avec vous, il est devenu plus qu’évident que vous ne souhaitez pas travailler à l’avancement du parti en amont de l’élection provinciale de 2022 », écrit M. Tyrrell dans un courriel envoyé à cinq militants le 30 décembre dernier et dont Le Devoir a obtenu copie. « Dans ses circonstances, je suis dans l’obligation de vous expulser du parti. »

Ces cinq militants — Laeticia Poiré-Hill, Patricia Pilon, Chafika Hebib, Vincent J. Carbonneau et Robin Dick — étaient tous membres de l’exécutif du Parti vert du Québec (PVQ). Ils ont démissionné en bloc le 14 décembre dernier juste après que M. Tyrrell eut été reconduit dans ses fonctions de chef à la suite d’un vote de confiance. Une sixième membre a démissionné — Estelle Obeo —, mais n’a pas été expulsée par le chef parce qu’elle ne l’a pas critiqué publiquement.

Deux autres militants critiques de M. Tyrrell, les ex-candidats Chad Walcott et Catherine Polson, ont aussi été expulsés du PVQ par M. Tyrrell. « Depuis plus d’un an, vous êtes l’auteur d’une page Facebook anonyme qui a diffusé des propos diffamatoires envers le Parti vert du Québec, écrit le chef à M. Walcott.  Dans les circonstances, et afin de préserver un environnement de travail sain, je suis dans l’obligation de vous expulser du parti. » Mme Polson et M. Walcott sont les deux candidats du PVQ qui avaient obtenu le plus de voix à l’élection provinciale de 2018.

Alex Tyrrell, qui dirige le Parti vert du Québec depuis 2013, s’est finalement soumis à un vote de confiance en décembre auquel 752 personnes ont participé, soit 65,5 % du membrariat de la formation. À la question « Avez-vous confiance en la chefferie d’Alex Tyrrell », 470 (62,5 %) ont répondu « oui », 257 (34,2 %) ont répondu « non » et 25 (3,3 %) se sont abstenus. Les pourcentages publiés par le parti diffèrent un peu, car les abstentions n’ont pas été prises en compte.

En entrevue avec Le Devoir, M. Tyrrell nie que ces expulsions relèvent d’un réflexe totalitaire. Un chef ne doit-il pas être capable d’encaisser la critique, même publiquement ? « C’est un privilège de faire partie du Parti vert du Québec », répond-il. Il ajoute que « si les gens veulent être dans le parti et utiliser leur statut de membres pour empêcher le parti d’avancer sur la scène politique, alors ils ne sont pas les bienvenus dans le parti ». Il dit avoir posé ce geste « pour le bien » du PVQ.

Chad Walcott pense au contraire que cette purge constitue le « modus operandi » d’Alex Tyrrell. En 2013, lors de son arrivée au PVQ, M. Tyrrell avait de la même façon dissous unilatéralement l’exécutif du parti, qui ne l’appuyait pas. Les sept membres éconduits avaient dénoncé dans une lettre ouverte les « décrets dictatoriaux » du nouveau chef.

Un prêt à lui-même à 22 %

M. Tyrrell ne fait pas l’unanimité au sein de ses troupes, comme l’a déjà rapporté Le Devoir. Des membres ont critiqué sa lenteur à se soumettre à un vote de confiance, le salaire de 47 000 $ qu’il s’est voté et qui accapare le quart du budget annuel du parti, et le fait que le vérificateur comptable ait été incapable d’attester de l’exactitude des données financières du parti en 2018.

Le Devoir a pu constater dans les états financiers de 2019 que le Parti vert a emprunté à Alex Tyrrell une somme de 14 000 $ à un taux d’intérêt de 22 %. La somme a été remboursée et des intérêts de 96 $ ont été payés. Tous les autres prêts contractés par le parti l’ont été à des taux variant entre 5 % et 9 %. M. Tyrrell explique qu’il s’agit seulement d’un prêt qu’il a accordé à même sa carte de crédit, d’où le taux d’intérêt élevé. « Je n’ai tiré aucun profit de cela », assure-t-il.

Cela fait dire à M. Walcott que le Parti vert du Québec est devenu une « façade » et que M. Tyrrell l’utilise comme un véhicule personnel pour se donner un salaire payé par les contribuables. Depuis l’élection de 2018, à laquelle il a obtenu 1,68 % des votes exprimés, le PVQ a droit à une allocation annuelle de 172 117 $ versée par le Directeur général des élections du Québec. Cette allocation publique représente 96 % de tout le financement du parti. Le PVQ a en effet reçu moins de 1000 $ en dons de militants en 2019.

« La base d’un vrai parti politique qui se dit de la gauche, progressiste et éco-socialiste, c’est la démocratie directe, plaide le militant Chad Walcott. Le Parti vert se dit éco-socialiste, mais il est plutôt éco-totalitaire et éco-fasciste. C’est la vision du chef et rien d’autre. » Selon M. Walcott, M. Tyrrell présente des candidats à l’élection pour obtenir la subvention gouvernementale, mais ne fait rien entre les scrutins pour faire avancer le parti. Il dit trouver la situation dommage, car « il y a des gens qui croient à la cause » et se la font, à son avis, usurper.

Le PVQ n’a jamais fait élire de député à l’Assemblée nationale.

Le rapport financier du parti pour 2019, effectué par une firme comptable différente, écrit que les problèmes rencontrés en 2018 n’ont pas été constatés en 2019. « Les états financiers pour l’exercice clos le 31 décembre 2018 ont été audités par un autre auditeur qui a exprimé sur ces états financiers une opinion avec réserve en date du 30 avril 2019, parce que des lacunes jugées significatives dans le système de contrôle interne pour les charges n’ont pas permis de s’assurer de la réalité et de l’exactitude des charges, ce qui constitue une limitation au travail de l’auditeur, écrit l’auditeur Ghattas et Associés. Dans le cadre de notre audit pour l’exercice clos le 31 décembre 2019, nous avons pu obtenir suffisamment d’informations probantes pour nous assurer de la réalité et de l’exactitude des charges et nous avons été en mesure d’effectuer notre travail sans limitation. »

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