Souvenirs de pandémie: des députés à la rescousse

Sortir de la violence
Durant les premières semaines du confinement au printemps dernier, Lucie Lecours reçoit un message à son bureau de circonscription. « C’est un cri d’alarme », raconte la députée caquiste des Plaines, sur la Rive-Nord de Montréal. Une septuagénaire est complètement désemparée. Son conjoint, avec qui elle a passé des décennies, ne veut plus d’elle. Elle doit quitter le domicile familial d’urgence. « La dame ne sait pas quoi faire, continue-t-elle. Moi, ça me fait peur parce qu’il y a possiblement de la violence. » Rapidement, la députée demande à ses employés de trouver des ressources pour lui venir en aide. La ligne d’aide destinée aux aînés est déjà surchargée à cause de la pandémie. Un appel à Info social permet finalement de lui trouver de l’hébergement d’urgence. Ils la mettent aussi en contact avec un organisme qui peut lui fournir des vêtements et des meubles, puis l’aident avec les formalités gouvernementales pour qu’elle puisse obtenir de quoi vivre. « Je pense qu’à tous les jours, on l’appelait pour s’assurer qu’elle avait fait ses démarches, se souvient-elle. […] On lui indiquait tous les numéros de téléphone, on faisait quasiment des appels au préalable pour s’assurer qu’elle parle à la bonne personne pour ne pas qu’elle lâche prise. » Ces efforts n’ont pas été vains. Quelques mois plus tard, la députée a reçu un appel de la dame dont la détresse initiale avait fait place à un sourire dans la voix.
Derniers adieux
« La pandémie a vraiment redonné toutes ses lettres de noblesse à ce travail-là de terrain, d’aide individuelle, cas par cas, constate la députée péquiste Véronique Hivon. Ce sont des centaines de personnes qu’on a aidées avec nos équipes de circonscription, sept jours par semaine au début. » Parmi tous ces gens, l’histoire d’une famille l’a touchée comme aucune autre. Au tout début de la pandémie, un homme de sa circonscription apprend qu’il est atteint d’un cancer foudroyant. Impossible pour sa conjointe et sa fille de l’accompagner dans ses derniers moments à cause des restrictions sanitaires. « Je trouvais ça absolument atroce comme situation et je sentais qu’il y avait une confusion dans l’application des mesures », raconte la députée de Joliette. Il a suffi d’un appel à la direction du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) pour que, dans les heures suivantes, la conjointe de cet homme et ensuite sa fille puissent tour à tour lui faire leurs adieux. L’homme est mort quelques jours plus tard. « Ça a vraiment permis d’apaiser cette personne-là dans sa détresse, d’apaiser ses proches et ç’a fait en sorte qu’ils ont pu vivre ces derniers moments avec un minimum d’humanité et de présence, explique-t-elle. Mais ce qui est beaucoup venu me chercher là-dedans, c’est que ce n’est pas tout le monde qui a le réflexe d’appeler le bureau de sa députée et de se battre jusque-là pour pouvoir trouver un accès. »
Naissance onéreuse
La venue d’un nouveau-né aurait pu laisser une famille avec de lourdes de dettes sans l’intervention de Manon Massé et de son équipe. Un homme de sa circonscription fait appel à son bureau au mois d’août. Il devra débourser 15 000 $ pour l’accouchement de sa conjointe prévu en octobre et l’hôpital lui demande un acompte. Il est citoyen canadien, mais elle ne l’est pas encore et n’a donc pas de carte d’assurance maladie. « Panique sur le Titanic parce que madame a une grossesse à risque », se souvient la députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques. La députée et ses employés interviennent auprès du ministre de la Santé, Christian Dubé. Une lettre lui est envoyée le 19 août. Ils sont en contact presque quotidiennement avec son cabinet, l’hôpital et le médecin traitant. Le temps presse, d’autant plus que la femme a des contractions hâtives. Retourner accoucher dans son pays d’origine, le Liban, n’est pas une option après les explosions survenues au port de Beyrouth. Le ministre est sensible à la situation de cette famille, mais les démarches administratives sont longues… Il signe finalement la lettre le 9 octobre, quelques heures avant le congé de l’Action de grâces. « C’est la longue fin de semaine — on n’avait rien pour nous autres », raconte Manon Massé, qui a vraiment cru que cette lettre arriverait trop tard. Le bébé a finalement vu le jour avec un peu de retard, le 27 octobre, sans que ses parents aient à assumer cette facture salée.
Briser la solitude en pleine détresse
C’est au détour de conversations avec des préposées aux bénéficiaires que Paule Robitaille a découvert l’histoire tragique d’une demandeuse d’asile dont le mari, lui aussi préposé aux bénéficiaires, est mort de la COVID-19.L’histoire de Marcelin François et de sa conjointe, d’abord racontée dans La Presse deux mois après le début de la pandémie, est émouvante. « Je garde toujours un œil sur elle parce que je sais qu’elle est fragile et je sais qu’elle est isolée », raconte la députée libérale de Bourassa-Sauvé. Elle lui rend visite régulièrement, l’a aidée à déménager, est allée faire l’épicerie avec elle et s’est organisée pour que son réfrigérateur soit bien garni pour la période des Fêtes. « La consigne à mon bureau, c’était on ne l’oublie pas et on fait le suivi régulièrement avec elle parce qu’elle est seule », a-t-elle confié. Seule avec ses trois enfants, dont un en bas âge. Incapable de retourner travailler parce qu’elle n’a pas accès aux garderies subventionnées du Québec faute de statut. Son mari et elle avaient emprunté le chemin Roxham en 2017 dans l’espoir de trouver une vie meilleure ici. Elle espère maintenant une réponse favorable à sa demande de résidence permanente pour des fins humanitaires.