La méthode Legault séduit toujours après deux ans de gouvernement caquiste

Deux ans après avoir brisé l’alternance PLQ-PQ, la CAQ s’enorgueillit auprès de l’électorat d’avoir «fait ce qu’elle a dit qu’elle allait faire».
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Deux ans après avoir brisé l’alternance PLQ-PQ, la CAQ s’enorgueillit auprès de l’électorat d’avoir «fait ce qu’elle a dit qu’elle allait faire».

Rendu à mi-mandat, le premier ministre François Legault n’a pas fini de redonner de la « fierté » aux Québécois, notamment à l’égard de l’État, qui est actuellement engagé dans une lutte sans merci contre la COVID-19.

Le ministre Simon Jolin-Barrette remontera sur le front identitaire afin de dévoiler un plan « costaud » visant à protéger le français des assauts de l’anglais dès que la pandémie s’essoufflera. Les Québécois en seront fiers, tandis que les libéraux, les péquistes et les solidaires ne sauront quoi en faire, promet la Coalition avenir Québec.

Avant l’arrivée de la COVID-19, 85 % des Québécois étaient très fiers (33 %) ou assez fiers (52 %) du Québec, selon un sondage commandé par le ministère du Conseil exécutif. En revanche, 15 % étaient peu fiers (12 %) ou pas du tout fiers (3 %) du Québec, peut-on lire dans le document obtenu grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics. En tête des raisons d’être fier du Québec trônent les suivantes : « la culture québécoise », « son ouverture d’esprit » et « c’est une belle province ». Au sommet des raisons de ne pas être fier du Québec : « la mauvaise gouvernance », « la présence de racisme et de xénophobie » et « le manque de volonté des Québécois ». L’équipe du premier ministre François Legault en a pris bonne note.

Deux ans après avoir brisé l’alternance PLQ-PQ, la CAQ s’enorgueillit auprès de l’électorat d’avoir « fait ce qu’elle a dit qu’elle allait faire ». À ce jour, 71 % des 251 promesses de la CAQ sont réalisées, en tout ou en partie, ou sont en voie de réalisation, indique le « Polimètre François Legault » de l’Université Laval.

« Hyperactif », le gouvernement caquiste s’est empressé de « remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécois » en début de mandat. Il a réussi à faire adopter, non sans controverse, la Loi sur la laïcité de l’État québécois. « Juste cela, c’est “check in the box” pour bien des Québécois », lance un conseiller politique. 

Plusieurs membres de la CAQ sont soulagés que le gouvernement ait diminué les taxes scolaires, bonifié l’allocation familiale, renoué avec le tarif de garde universel et instauré les maternelles 4 ans pour tous avant que la COVID-19 fasse voler en éclats le plan de réduction de la dette du ministre des Finances, Eric Girard.

« Avec le recul, il a bien fait de réaliser le plus rapidement possible ses principaux engagements électoraux, car s’il avait tardé, la COVID lui aurait rendu la tâche extrêmement difficile », souligne le professeur de science politique à l’Université Laval Eric Montigny. « La deuxième partie de son mandat sera marquée par la gestion de la crise, mais aussi par le type d’efforts de relance économique qui seront déployés et la poursuite des négociations avec les employés du secteur public », poursuit-il.

Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le gouvernement caquiste a réussi à faire adopter, non sans controverse, la Loi sur la laïcité de l’État québécois.

Le gouvernement Legault vise un score (quasi) parfait au jeu politique du Polimètre en dépit de la pandémie.

 

Y parviendra-t-il ? Rappelons que la CAQ s’était engagée à réduire le temps d’attente dans les urgences à 90 minutes. « C’est un volet où je pense que les électeurs attendent des résultats », avance le député Youri Chassin, y voyant une occasion d’améliorer « l’efficacité de l’État ».

À mi-mandat, les membres de la CAQ font bloc derrière leur chef — bien que certains élus tapent du pied en attendant leur tour d’accéder au Conseil des ministres.

Cela dit, le chef du gouvernement a essuyé de premiers tirs amis de la part la Commission de la relève de la CAQ. L’aile jeunesse a publiquement défié François Legault en lui demandant de viser l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050.

« Votre gouvernement »

Ex-indépendantiste devenu nationaliste, François Legault a la cote dans les sondages d’opinion. La CAQ, le parti qu’il a fondé avec l’homme d’affaires Charles Sirois en 2011, est créditée de 40 % des intentions de vote, selon un récent coup de sonde de Léger.

« De le voir agir dans la crise, je pense que ça apporte beaucoup de fierté aux gens qui l’ont côtoyé au départ », note le député Donald Martel.  « Je pense que le leadership qu’il exerce va devenir une espèce d’unité de mesure », poursuit le militant de la première heure de la CAQ.

L’image d’un gouvernement pragmatique, « à l’écoute des Québécois », n’est pas étrangère à sa popularité. Même ses cafouillages, qui ont été suivis d’excuses et de reculs, ont semblé servir la CAQ, fait remarquer un conseiller. « Paradoxalement, ça a renforcé l’image qu’on voulait donner », dit-il, près d’un an après le fiasco de la première tentative de réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ).

Les partis d’opposition reprochent au gouvernement Legault son manque de transparence. Ils réclament davantage de projections épidémiologiques et d’informations sur la capacité du réseau de la santé à faire face à la deuxième vague. Surtout, ils déplorent le bilan peu enviable du Québec et le lourd tribut payé par les aînés en centres d’hébergement. « Il n’y a pas de quoi être fier », a résumé l’élue solidaire Manon Massé.

Nouveau contexte économique

 

À son arrivée au pouvoir, la CAQ s’appuyait sur un rapport préélectoral anticipant des surplus de quelque 950 millions de dollars par année, de 2018 à 2023. Puis, la pandémie de COVID-19 a frappé. Selon l’ultime rapport des opérations financières, le gouvernement québécois a cumulé un déficit de 4,9 milliards seulement entre le 1er avril et le 30 juin.

Les conservateurs fiscaux reviendront-ils au galop lorsque l’heure des choix difficiles sonnera ? Si tel est le cas, Youri Chassin ne fera pas partie du lot, promet-il. « On vit tellement une situation particulière — avec des mesures d’aide, oui, généreuses, mais aussi temporaires — que ce n’est pas une inquiétude majeure pour moi », fait-il valoir.

Aux yeux du professeur Montigny, le défi de la CAQ consiste désormais à élaborer un nouveau programme politique en vue du scrutin de 2022 « en tenant compte du nouveau contexte économique et de l’état des finances publiques ». « Il sera également intéressant de voir comment il poussera plus loin sa vision autonomiste alors que les relations ne sont pas au beau fixe avec Ottawa », ajoute-t-il.

Un gouvernement de crise

 

François Legault a « poussé la machine » étatique — dont les traits ressemblent à ceux du Léviathan, selon un proche conseiller. Il a remplacé la ministre et le sous-ministre à la Santé en pleine pandémie, illustre-t-il. La « méthode Legault » porte ses fruits, se réjouit-il à deux ans des prochaines élections générales.

Le premier ministre a été particulièrement outré par la rareté d’équipements de protection individuelle, l’absence de patrons dans chacun des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), ainsi que par la pénurie de préposées aux bénéficiaires.

Après une nuit durant laquelle il n’avait pratiquement pas dormi, M. Legault a demandé de recruter et de former quelque 10 000 préposés aux bénéficiaires supplémentaires en trois mois. « C’était une idée débile », dit sans détour un membre de la cellule de crise mise sur pied après la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. « Tu es obligé de tout court-circuiter pour faire une affaire de même ! » ajoute-t-il. À l’heure actuelle, 3424 personnes se sont ajoutées à des effectifs à bout de souffle. Près de 7000 autres leur emboîteront le pas prochainement.

« La pandémie, c’est tout un test pour un jeune gouvernement », souligne un membre de l’entourage du premier ministre. La nouvelle obsession de son patron, en ce début de deuxième vague, c’est le backlog dans les tests de dépistage, confie-t-il.

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