Québec doit être plus transparent, dit l’opposition

Le premier ministre s’est engagé à accélérer la cadence de ses sorties médiatiques.
Photo: Getty Images Le premier ministre s’est engagé à accélérer la cadence de ses sorties médiatiques.

Le manque de transparence du gouvernement contribue à nourrir la méfiance à l’égard des mesures visant à freiner la progression de la COVID-19, croient les partis d’opposition à l’Assemblée nationale.

Ils ont réclamé d’une seule voix la publication, « dans les 24 prochaines heures », des dernières projections épidémiologiques, le guide d’instructions du système d’alerte et d’intervention régionale ainsi qu’une série d’indicateurs permettant d’évaluer la capacité du réseau de la santé à faire face à un afflux massif de personnes souffrant de la COVID-19.

« La transparence des autorités publiques est l’un des remèdes contre la méfiance envers les institutions », a fait valoir la co-porte-parole de Québec solidaire Manon Massé jeudi.

Même s’il était appuyé par le Parti libéral, le Parti québécois et les élus indépendants, son projet de motion exigeant plus de transparence de la part du gouvernement n’a pas passé la rampe de l’Assemblée nationale.

Cependant, le ministère de la Santé a discrètement publié l’un des documents réclamés par l’opposition, qui est coiffé du titre Le système d’alertes et d’intervention graduelle : un plan pour la suite de la pandémie, sur son site Web.

La confiance à l’égard du gouvernement québécois s’est effritée au cours de l’été, souligne l’Institut de la confiance dans les organisations (ICO). L’appui aux règles dictées par la Santé publique est en « légère baisse », bien qu’une large majorité des Québécois demeurent favorables aux mesures sanitaires : distanciation (78 % d’accord et 14 % en désaccord) ; port du masque dans les lieux publics (75 % d’accord et 17 % en désaccord) ; interdiction de rassemblement de plus de 10 personnes (61 % d’accord et 25 % en désaccord).

Le « mouvement de défiance » à l’égard des autorités est noyauté par une « minorité bruyante » qui conteste les règles — et la « science » sur laquelle elles s’appuient, souligne l’ICO.

Plus de menaces contre les élus

 

Les députés en savent quelque chose. Certains sont la cible de messages haineux. Certains reçoivent des menaces de mort. La Sûreté du Québec a reçu quelque 300 signalements pour des menaces proférées en ligne contre des élus québécois entre le 15 mars et le 15 septembre, contre 53 pour la même période en 2019. C’est presque six fois plus. « Les gens qui tiennent ces propos-là, ce sont souvent des gens sans histoire, sans antécédents, qui ont une vie bien rangée, mais derrière leur clavier [ils ont] un sentiment de sécurité et il n’y a plus d’inhibitions », a fait remarquer le porte-parole du corps de police, Guy Lapointe.

Des internautes s’en tiennent à accuser les élus d’attiser la peur dans la population en demandant au gouvernement de redoubler d’efforts pour parer à une seconde vague de COVID-19. « Allez-vous défendre les honnêtes citoyens au lieu de les mépriser comme le fait Legault ? » a demandé l’un d’eux à la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade.

« L’OSM a ressuscité Hitler et vous êtes tous sous ses ordres… », a écrit un autre.

Le député péquiste Harold LeBel dit côtoyer de plus en plus de citoyens « agressifs » dans les mondes réel et virtuel. « Ça nous atteint, dans les médias sociaux, dans les rencontres qu’on fait, et on sent le stress, là, dans nos communautés », a-t-il dit.

300
C’est le nombre de signalements reçus par la Sûreté du Québec pour des menaces proférées en ligne contre des élus québécois entre le 15 mars et le 15 septembre, contre 53 pour la même période en 2019.

Le « système politique et sanitaire » subit le « désaveu » de certains Québécois, constate à regret son confrère Joël Arseneau. « Ça traduit un certain bris de confiance. Cette libération, si on veut, de la critique pourrait être saine si elle reposait sur des données scientifiques. Mais visiblement, là, tout ça repose sur un certain discours, une certaine mouvance complotiste qui est effectivement inquiétante et qui, maintenant, se sent habilitée à pouvoir s’exprimer sans contrainte », a-t-il affirmé.

Persuasion

 

Le premier ministre François Legault a convenu d’ajuster sa stratégie de communication afin de rallier les sceptiques à la lutte contre la COVID-19. « La grande majorité des Québécois suivent les consignes, mais il y a un petit groupe qui fait très mal », a-t-il déploré.

Le chef du gouvernement a commandé une campagne publicitaire « un peu plus percutante » faisant état de témoignages de personnes ayant perdu un proche ou ayant souffert de la COVID-19. « Dès que les citoyens ont dans leur entourage quelqu’un qui a vécu les conséquences de la COVID, […] les gens qui étaient sceptiques ne sont plus sceptiques », a-t-il fait valoir lors d’un point de presse. « Donc, c’est plate, on ne souhaite pas, évidemment, que les gens soient obligés d’avoir dans leur entourage quelqu’un qui a vécu l’enfer pour comprendre que l’enfer existe. Mais, si on est capables, à la télévision, avec des victimes ou des proches de victimes, d’avoir des cas réels qui expliquent comment ça peut être dur de vivre les conséquences de la COVID, bien, ça va peut-être réussir à sensibiliser les personnes qui pensent encore qu’il n’y a pas de risque », a-t-il ajouté.

Le gouvernement fera aussi appel à des « vedettes » afin de « convaincre les jeunes » de la nécessité de respecter les consignes de la Santé publique, a annoncé M. Legault.

Enfin, le premier ministre s’est également engagé à accélérer la cadence de ses sorties médiatiques. « Je vais continuer à faire plus de points de presse », a-t-il promis.

Avec Mylène Crête et Marie-Michèle Sioui

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