Québec recule: les données sur l’évolution de la pandémie seront publiées sur une base quotidienne

« Nous sommes à l’écoute. » C’est la justification donnée vendredi par Québec pour expliquer sa volte-face dans le dossier des statistiques sur la COVID-19, qui continueront finalement d’être publiées quotidiennement. Il a en fait suffi que le gouvernement tende une oreille : le concert de critiques était unanime.

« Depuis le début de la pandémie, notre gouvernement a toujours été transparent, a écrit le nouveau ministre de la Santé, Christian Dubé, dans un court message annonçant le changement de position. Nous allons continuer de l’être. »

Le manque de transparence était précisément ce que plusieurs reprochaient à la décision annoncée mercredi de ne plus faire qu’un seul bilan hebdomadaire de l’évolution de la COVID-19 (nombre de cas, de décès, d’hospitalisations, etc.).

Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, avait soutenu jeudi que ce n’était pas une « décision pour cacher quoi que ce soit », et qu’elle permettrait « d’avoir des données plus stables ». « Ce n’est pas parce qu’on ne les publie pas [les données] qu’on ne les regarde pas. »

Vendredi, il a affirmé ne pas avoir « de problème à revenir en arrière ». Selon lui, il s’agit d’une décision « conjointe » de « gouvernance » entre Québec et la santé publique. « Je ne m’entêterai pas […]. Les gens ont réagi, probablement plus que ce que je pensais, mais il n’y a pas de problème, les chiffres vont être là. »

Et tant mieux, ont réagi plusieurs chercheurs et intervenants. « Ils ont bien fait de rétropédaler, estime Louise Potvin, directrice de l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal. Quand vous êtes malade, vous voulez voir votre médecin tous les jours. »

Le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre au CHUM, a aussi salué le changement de cap du gouvernement. « Je pense que les données [quotidiennes], c’est utile, a-t-il dit. Cela peut aider à prendre de bonnes décisions, et pas juste au sein du gouvernement. »

L’épidémiologiste Benoît Masse (Université de Montréal) disait plus tôt en journée que publier les données une fois par semaine serait « à l’opposé du souci de transparence et d’intérêt public ».

« En tant que chercheur, je me [serais retrouvé] dans le noir pendant sept jours. Je [n’aurais] donc plus [été] en mesure d’ajuster les projections et tendances au quotidien. Nous approchons d’une période critique où les effets du déconfinement pourraient apparaître à partir de la mi-juillet : s’il y a une période où [il faut] avoir des données au quotidien, c’est bien celle-là. »

Caroline Quach-Thanh, microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, avait elle aussi dénoncé la décision initiale, « surtout dans un contexte où on est en train de déconfiner très largement ».

« Dans une ère de données ouvertes, on s’attend à ce que les données recueillies soient publiées en temps réel et publiquement, pense-t-elle. Refermer l’accès aux données entre deux vagues de COVID-19, [c’était] irresponsable. »

Elle disait avoir un besoin concret d’accès à ces données : elles lui servent notamment pour déterminer si les jeunes patients hospitalisés de façon prolongée peuvent bénéficier d’un congé temporaire à la maison avec leur famille.

Une erreur, dit Anglade

 

Sur le plan politique, la cheffe libérale, Dominique Anglade, a souligné à grands traits que le ministre Dubé avait fait « une erreur. Il la corrige. Il a reculé ». Elle a demandé au gouvernement caquiste de mettre « beaucoup d’emphase sur la transparence et la préparation » d’ici à ce que le coronavirus fasse une nouvelle offensive.

Mme Anglade jugeait « inacceptable » le fait de passer aux données hebdomadaires — d’autant que c’était la « première décision » d’importance prise sous la gouverne du ministre Dubé. « Les gens ont le droit de savoir ce qui se passe quotidiennement, voyons donc ! », faisait-elle valoir avant l’annonce du revirement.

Selon le péquiste Joël Arseneau, la publication « des chiffres au jour le jour contribuent à garder l’esprit de la pandémie présent ». « Le virus est toujours là », a-t-il rappelé. La décision « malavisée » de soustraire à la vue des Québec des données sur la situation de la COVID-19 au Québec, « une info à laquelle tous les Canadiens ont droit », contrevenait aux principes de transparence « les plus élémentaires ». « Et l’argumentaire n’était pas défendable », selon lui.

Pour sa part, Québec solidaire avait demandé vendredi midi que « la population [soit] avisée immédiatement si un changement épidémiologique démontrait que la situation se détériore et que la contamination et les décès repartent à la hausse ».

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