Les partis d’opposition lancent un ultimatum au gouvernement Legault

Le député solidaire Vincent Marissal, ainsi que le député libéral Gaétan Barrette, le député péquiste Martin Ouellet et le député indépendant Guy Ouellette, ont invité le ministre Christian Dubé, mercredi, à refaire ses devoirs à l’issue des consultations en commission parlementaire.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le député solidaire Vincent Marissal, ainsi que le député libéral Gaétan Barrette, le député péquiste Martin Ouellet et le député indépendant Guy Ouellette, ont invité le ministre Christian Dubé, mercredi, à refaire ses devoirs à l’issue des consultations en commission parlementaire.

Le gouvernement Legault doit abandonner les pouvoirs extraordinaires qu’il veut se donner, la prolongation indéfinie de l’urgence sanitaire et l’élargissement de son immunité face à des poursuites judiciaires s’il veut que son projet de loi omnibus sur la relance économique aille de l’avant. Les trois partis d’opposition et le député indépendant Guy Ouellette ont invité le ministre Christian Dubé à refaire ses devoirs à l’issue des consultations en commission parlementaire.

« Tous les groupes, incluant ceux qui sont en faveur du projet de loi 61, s’accordent peu importe leur champ d’intérêt pour dire qu’on n’a pas besoin du projet de loi 61 pour accélérer les projets d’infrastructure », a affirmé le député libéral Gaétan Barrette.

« Ça me fait conclure que ce projet de loi est d’abord et avant tout un prétexte pour de nouveaux pouvoirs exorbitants, selon certains, et permanents », a-t-il ajouté en accusant le gouvernement d’« instrumentaliser l’état d’urgence sanitaire ».

M. Barrette était entouré du député solidaire Vincent Marissal, du député péquiste Martin Ouellet et du député indépendant Guy Ouellette. Les quatre élus exigent que le gouvernement profite de ce projet de loi pour donner des pouvoirs accrus à l’Autorité des marchés publics et assurer un suivi serré de la vérificatrice générale « pour chaque projet accéléré ».

Les consultations, qui devaient durer deux jours, ont été prolongées d’une journée mercredi pour que les élus puissent finalement entendre le Barreau du Québec et la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc. Ces derniers n’avaient pas pu se libérer pour les deux premières journées de consultation tellement l’échéancier est serré. Le gouvernement Legault était pressé d’adopter ce projet de loi avant la fin des travaux parlementaires vendredi, mais il a ouvert la porte à les prolonger au besoin.

Mme Leclerc s’est dite « grandement inquiète » de la reddition de comptes des ministères et des municipalités avec ce projet de loi. « Il est de mon devoir cependant de mettre en garde le gouvernement et les parlementaires contre les risques liés à un assouplissement des façons de faire qui s’éloigneraient trop des critères de saine gestion des fonds publics, surtout pour une durée aussi longue que deux ans », a-t-elle déclaré en précisant qu’elle ne remettait pas en question le désir du gouvernement de relancer l’économie.

Le projet de loi 61, qui vise à accélérer 202 projets d’infrastructure pour stimuler l’économie durement touchée par la pandémie, est critiqué de toutes parts depuis son dépôt il y a une semaine. Le gouvernement plaide l’urgence d’agir. Les pouvoirs extraordinaires du gouvernement auraient une durée de deux ans, mais le ministre Christian Dubé n’a pas caché que certaines mesures d’accélération pourraient être conservées.

Durée limitée pour l’état d’urgence

Le Barreau du Québec, lui, voit mal pourquoi le gouvernement aurait besoin de prolonger l’état d’urgence sanitaire indéfiniment comme il souhaite le faire dans son projet de loi sur la relance économique. Ses représentants témoignaient en commission parlementaire mercredi.

« L’inconvénient pour le gouvernement de devoir renouveler l’état d’urgence aux dix jours est relativement faible et je dirais même insignifiant », a affirmé le bâtonnier, Paul-Mathieu Grondin.

La Loi sur la santé publique prévoit le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire tous les dix jours ou pour une période maximale de 30 jours avec l’accord de l’Assemblée nationale. Ce délai agit comme « rempart » aux larges pouvoirs dont le gouvernement dispose durant cette période.

« La Loi sur la santé publique et la déclaration de l’état d’urgence sanitaire sont supposées être inconfortables pour le gouvernement », a-t-il souligné.

« Le compromis et l’ajustement que je suis prêt à faire, c’est d’être spécifique dans l’article 50 que ça va être pour améliorer les liquidités des entreprises », a indiqué le président du Conseil du Trésor en point de presse.

Cet article permettrait au gouvernement de déroger à la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP) pour conclure des contrats de gré à gré. Il n’aurait plus à se plier à la règle du plus bas soumissionnaire.

« Nous sommes préoccupés par le fait que la pandémie de la COVID-19 puisse être invoquée pour repenser ses règles qui constituent maintenant l’un des piliers de la lutte contre la corruption », a déclaré Me Grondin.

Ses préoccupations se sont ajoutées à une série de groupes, dont le Comité public de suivi des recommandations de la Commission Charbonneau, qui avaient mis le gouvernement en garde la veille contre un retour de la corruption et de la collusion si cet article n’était pas modifié. Des représentants du milieu de la construction avaient souligné lundi la réputation de mauvais payeur du gouvernement lorsqu’il concluait des contrats avec des entreprises.

Le président du Conseil du Trésor, Christian Dubé, s’est dit prêt à circonscrire le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire à une période de six mois, comme l’a suggéré la protectrice du citoyen dans son témoignage mardi soir. Le projet de loi prévoit d’étendre l’état d’urgence sanitaire jusqu’à ce que le gouvernement décide d’y mettre fin.

« On comprend qu’on avait besoin de prévisibilité, c’est-à-dire de ne pas toujours être aux petits 10 jours, a affirmé M. Dubé. […] On va écouter ce que la Protectrice du citoyen nous a suggéré hier. »

Le Barreau n’a pas voulu se prononcer un délai qui serait acceptable, mais a noté que seuls l’Alberta et le Yukon peuvent invoquer l’état d’urgence sanitaire durant un maximum de 90 jours lors d’une pandémie. Il a toutefois invité les parlementaires « à ne pas aller trop loin ».

M. Dubé a également offert de circonscrire la portée de son projet de loi pour éviter la corruption.

Destruction des milieux humides

 

Le commissaire au développement durable a ajouté sa voix mercredi au concert de critiques à l’égard du projet de loi sur la relance économique du gouvernement Legault. Paul Lanoie a rappelé qu’une compensation financière pour la destruction de milieux humides dans le cadre d’un projet de construction est « une mesure de dernier recours », en marge du dévoilement de son rapport.

« Si on regarde la loi sur les milieux humides présentement, elle prévoit donc une séquence qui est assez intuitive, a-t-il rappelé. Il faut d’abord éviter de toucher aux milieux humides. Sinon, on doit minimiser l’impact qu’on va avoir sur les milieux humides et, en dernier lieu, compenser financièrement. »

Le projet de loi permettrait au ministre de l’Environnement d’autoriser directement le versement d’une somme compensatoire pour accélérer la construction d’un projet d’infrastructure. M. Lanoie a également appelé le gouvernement à « trouver un juste équilibre entre les dimensions sociales, économiques et environnementales » en vertu du principe de développement durable. Il estime que le gouvernement pourrait profiter de l’accélération des dépenses en infrastructures pour les assortir de « contraintes environnementales ».

« Pourquoi ne pas construire des bâtiments écoresponsables », a-t-il demandé.

Le ministre Dubé n’a pas précisé mercredi quels amendements il serait prêt à apporter sur les articles qui touchent l’environnement.

À voir en vidéo