Le déconfinement passe en deuxième vitesse au Québec

L’étau du confinement se desserre à nouveau. Le premier ministre François Legault fait le pari de rouvrir les commerces de la grande région de Montréal le 25 mai, comme il l’avait initialement prévu, malgré les craintes d’un déconfinement trop hâtif. Les services de garde suivront le 1er juin, tandis que les interventions chirurgicales non urgentes pourront également reprendre graduellement dans tous les hôpitaux du Québec.
« La tendance est bonne, puis nous permet effectivement de prendre un certain pari, a déclaré M. Legault en conférence de presse lundi. Pour gagner notre pari, j’ai besoin de la collaboration de tous les Québécois. »
La Santé publique a donné son feu vert puisqu’elle constate une diminution du nombre de décès et d’hospitalisations. Selon le dernier bilan publié lundi, 34 personnes ont succombé à la COVID-19, ce qui porte le total à 3596 depuis le début de la pandémie. Le premier ministre Legault a pris soin de souligner qu’il s’agissait du plus petit nombre de décès depuis le 12 avril. Le Québec compte cinq nouvelles hospitalisations dues à la maladie, pour un total de 1771. De ce nombre, 179 sont aux soins intensifs. Le nombre de cas d’infection au coronavirus a augmenté de 707, ce qui porte le total à 43 627. Au moins 12 000 personnes seraient aujourd’hui guéries.
« Il n’y a rien de gagné, mais c’est encourageant », a affirmé M. Legault.
« On a besoin que les Québécois respectent les consignes, restent à deux mètres, mettent un masque quand ils ne sont pas capables, si on veut que la propagation ne se relance pas », a-t-il ajouté. Le premier ministre a « très fortement » recommandé le port du masque non seulement dans les transports en commun, mais aussi dans les magasins.
Les commerces de la grande région de Montréal qui ont une devanture extérieure pourront donc rouvrir dès lundi prochain. La semaine suivante, ce seront les services de garde, mais le nombre de places sera restreint pour respecter les mesures de distanciation physique.
« C’est la meilleure nouvelle qu’on a depuis deux mois », s’est réjoui le président de l’Association des Sociétés de développement commercial de Montréal, qui représente 12 500 propriétaires de commerces sur l’île. « Ce qui nous préoccupe beaucoup, par contre, c’est toute la réouverture des bars et des restaurants parce qu’il n’y a aucun signe qui nous est donné de la part des gouvernements à savoir comment cette fonction commerciale là va pouvoir rouvrir et dans quels paramètres, surtout quand. »
Même s’il plaît au secteur commercial, le pari du gouvernement Legault est-il trop risqué ? « Tous les paris sont risqués, répond en entrevue le Dr Alain Vadeboncœur, urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal. Je manque d’éléments pour dire à quel point il y a un risque important ou non. » Il aimerait pouvoir consulter les données utilisées par l’Institut national de santé publique du Québec pour élaborer sa modélisation. Les dernières projections, dévoilées le 8 mai, prévoyaient 10 000 cas quotidiens en juin et une moyenne de 150 morts par jour en juillet avec un déconfinement dans les conditions qui prévalaient à ce moment. Le Dr Vadeboncoeur estimait alors qu’il faudrait reporter le déconfinement de la métropole. Il constate maintenant lui aussi « une certaine stabilisation ».
La cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, a enjoint encore une fois au premier ministre Legault de dévoiler les critères sur lesquels il appuie sa décision. « Le premier ministre disait récemment “je veux relancer l’économie, pas la pandémie”, a rappelé la députée libérale. Personne ne saurait être en désaccord avec le principe, mais je l’invite à nous assurer qu’on ne relance pas la pandémie au lieu de l’économie. »
Au moment où ces lignes étaient écrites, les deux autres partis d’opposition n’avaient pas réagi.
« Ce qu’on veut, c’est qu’il y ait une transmission qui soit contrôlée », a affirmé le directeur national de santé publique, Horacio Arruda. Donc, contenir les éclosions pour éviter de surcharger le système de santé.
Reprise des chirurgies
Le milieu hospitalier a toutefois les reins plus solides pour traiter les nouveaux cas d’infection au coronavirus. Le premier ministre s’est réjoui de voir que 608 employés qui étaient en quarantaine sont retournés au travail au cours de la fin de semaine. Il s’attend à ce que ce nombre augmente à environ 2000 cette semaine.
La ministre de la Santé, Danielle McCann, a annoncé lundi la reprise graduelle des activités en chirurgie au Québec. « Ce sera différent, probablement, d’une région à l’autre », a-t-elle précisé.
Les activités vont ainsi « tendre vers le 100 % » dans la grande majorité des régions. Elles reprendront par contre à 70 % dans trois régions mitoyennes, soit la Capitale-Nationale, l’Outaouais et la Mauricie–Centre-du-Québec. Pour ce qui est de la grande région de Montréal, plus touchée par la pandémie de coronavirus, « la reprise va se faire plus lentement, parce que ça demeure quand même assez difficile dans les hôpitaux du territoire ».
Pour accélérer la reprise dans la métropole, plusieurs solutions sont toutefois envisagées : l’allongement des heures des blocs opératoires, des ententes avec des cliniques privées ou encore le transfert de patients vers d’autres régions ayant la capacité d’effectuer les chirurgies. Un plan plus détaillé sera présenté dans les prochains jours.
Depuis le début de la pandémie, pas moins de 68 000 chirurgies — jugées non urgentes — ont dû être reportées dans le réseau de la santé.
« C’est vraiment une excellente nouvelle, beaucoup de patients étaient tombés entre deux chaises dans les deux derniers mois, attendant qu’on les prenne en charge sans savoir quand ça pourra se faire », a réagi Diego Mena, directeur de la défense de l’intérêt public à la Société canadienne du cancer (SCC).
Depuis le début de la pandémie, les services d’information de la SCC recevaient en moyenne entre 300 et 500 appels par semaine de patients préoccupés par leur sort et les risques d’une exposition à la COVID-19 dans leur condition.
La Fédération des médecins spécialistes du Québec s’est également réjouie de la nouvelle, précisant qu’elle veillera « à ce que les patients les plus à risque soient opérés en priorité, peu importe leur maladie ».
Immunité collective
Parmi les principales motivations de Québec pour préparer le déconfinement, l’atteinte d’une immunité collective semble encore bien loin. « Il ne faut pas penser qu’on a 60 % de gens qui ont été infectés au Québec. On est loin de là. […] Je pense qu’on va finir par avoir une immunité de la population, mais elle n’est probablement pas plus haute qu’entre 3 % et 5 % [présentement] », a indiqué le directeur de santé publique du Québec, Horacio Arruda, en conférence de presse lundi. Il y a moins d’un mois, il l’estimait plutôt entre 5 et 10 %. Avec un si faible pourcentage, il n’est pas exclu selon lui — comme le préviennent déjà plusieurs experts — qu’une seconde vague survienne au Québec. « Mais, qui sait, les virus peuvent des fois nous apporter des surprises », a laissé tomber M. Arruda.
Annabelle Caillou
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Les faits saillants du jour
- 34 nouveaux décès, pour un total de 3596;
- 707 nouveaux cas confirmés, pour un total de 43 627;
- 1771 personnes hospitalisées, donc 179 aux soins intensifs;
- 12 045 personnes rétablies et;
- 2683 cas en investigation;
- Les commerces avec devanture menant sur la rue pourront rouvrir le 25 mai dans la grande région de Montréal;
- Les services de garde, eux, rouvriront le 1er juin.