Legault suggère le port du masque sans l’imposer

Le gouvernement recommande que les gens se couvrent le nez et la bouche hors de chez eux, particulièrement lorsqu’ils seront à moins de 2 mètres de distance les uns des autres, comme dans les transports en commun.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne Le gouvernement recommande que les gens se couvrent le nez et la bouche hors de chez eux, particulièrement lorsqu’ils seront à moins de 2 mètres de distance les uns des autres, comme dans les transports en commun.

Le premier ministre François Legault recommande « fortement » aux Québécois de porter un masque lorsqu’ils ne pourront respecter les mesures de distanciation sociale, sans toutefois le rendre obligatoire dans les transports en commun.

« Je demande à tous les Québécois, à Montréal puis dans le reste du Québec, quand vous sortez de chez vous, mettez-vous un masque, a-t-il réclamé en conférence de presse. Donc, si vous allez voir votre mère, si vous allez dans un magasin, sûrement si vous allez prendre l’autobus, portez un masque. Je souhaite voir le plus de Québécois possible, partout au Québec, porter le masque. »

M. Legault, la ministre de la Santé, Danielle McCann, et le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, ont fait une entrée spectaculaire mardi dans la salle où se déroule leur conférence de presse quotidienne. Les trois étaient affublés de masques artisanaux qu’ils ont retirés avant de s’adresser aux journalistes. Le trio veut s’assurer que les gens se couvrent le nez et la bouche lorsqu’ils seront à moins de 2 mètres de distance les uns des autres. Cette troisième consigne s’ajoute aux deux autres martelées par la Santé publique depuis le début de la pandémie, soit celle de garder ses distances et de se laver les mains après avoir touché à des objets.

« Quand on met un masque, c’est pour protéger les autres », a rappelé le premier ministre. Cette nouvelle habitude permettra, selon lui, « de revenir à une vie un peu plus normale ». Pourquoi alors ne pas rendre le port du masque obligatoire, particulièrement dans les transports en commun où il est difficile de respecter les mesures de distanciation sociale ?

En données


 

Le Québec compte 756 nouveaux cas de COVID-19 pour un total de 39 225, dont au moins 10 000 sont guéris. À ce jour, 118 nouveaux décès presque entièrement survenus dans le Grand Montréal se sont ajoutés au bilan, ce qui porte le bilan à 3131 personnes qui sont mortes de la maladie. Pas moins de 1841 étaient hospitalisées mardi.

Le Dr Arruda a d’abord avancé qu’il y avait « des enjeux avec la charte des droits et libertés ». « Quand on brime les droits individuels, sur la perspective d’un droit collectif, il faut avoir des bons argumentaires pour le faire », a-t-il expliqué lorsque Le Devoir lui a demandé à quel article de la Charte canadienne des droits et libertés le port du masque obligatoire contreviendrait. « Vous allez avoir un expert de la contrepartie qui va venir vous dire que l’efficacité du masque dans la communauté n’a jamais été démontrée dans un contexte de pandémie tel qu’on l’a vu. À ce moment-là, vous pouvez vous faire renverser. Juste pour vous dire quand on a décidé d’arrêter certaines activités, on a déjà été amené en cour, c’est en processus actuellement. »

Le constitutionnaliste et ancien ministre libéral Benoît Pelletier doute de la validité de cet argument puisque l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés stipule qu’ils peuvent être restreints dans des limites raisonnables et justifiables « dans le cadre d’une société libre et démocratique ». « Est-ce que c’est raisonnable compte tenu de la situation d’urgence actuelle ? Je crois que le tribunal conclurait que oui », a-t-il affirmé en entrevue.

Le Dr Arruda a ensuite expliqué que le gouvernement ne voulait pas être accusé « par des groupes, bien légitimes qui défendent les droits des plus démunis, qu’on ne les protège pas parce qu’eux n’ont pas nécessairement le même accès ». Il a toutefois indiqué que « s’il faut le rendre obligatoire, je vais le rendre obligatoire » si des données prouvent que les gens ne respectent plus les mesures de distanciation sociale.

« J’aime bien l’idée qu’on n’oblige pas les gens, mais qu’on le recommande fortement et que les gens adhèrent, a réagi l’épidémiologiste, Nimâ Machouf. Cependant, sachant qu’il y a une partie des gens qui ne vont pas vouloir le faire et sachant que le virus est quand même très transmissible, je pense qui si on voit que les gens ne l’utilisent pas, il faudrait le rendre obligatoire. »

Elle note que les personnes moins nanties, qui utilisent davantage le métro et l’autobus, contrairement aux personnes qui peuvent se payer une voiture, sont plus vulnérables à une infection au coronavirus. « Donc, il faut porter une attention particulière au transport en commun », a-t-elle signalé.

Le libéral André Fortin estime, lui aussi, qu’il faut obliger les Québécois à porter le masque dans les transports en commun dans toutes les régions du Québec « pour protéger les usagers ». Le masque devrait être fourni, à son avis, « par la société de transport qui devrait être remboursée par le gouvernement. »

Pas de ruée

L’appel du premier ministre à porter un masque n’a pas créé de ruée vers les pharmacies mardi. Ces dernières se préparent toutefois à répondre à la demande, la disponibilité des masques étant encore variable d’une succursale à l’autre. Si certaines reçoivent régulièrement des commandes, d’autres peinent à remplir leurs rayons. « Ça part vite ces temps-ci. Parfois, on est plusieurs jours sans rien, à attendre une commande », indique une employée d’un Pharmaprix de l’est de l’île. Loblaws, qui possède Pharmaprix, assure faire son possible pour s’adapter à la demande qui pourrait augmenter dans les prochains jours. De son côté, le Groupe Jean Coutu dit avoir suffisamment de masques en inventaire dans ses centres de distribution pour approvisionner ses pharmacies.

Annabelle Caillou


À voir en vidéo

Les faits saillants du jour

  • 118 nouveaux décès, dont 113 dans la région de Montréal, pour un total de 3131;
  • 756 nouveaux cas confirmés, pour un total de 39 225;
  • 1841 personnes hospitalisées, dont 186 aux soins intensifs;
  • 10 056 personnes sont rétablies;
  • 1544 cas sont en investigation;
  • François Legault recommande « fortement » le port du masque aux Québécois à l'extérieur de leur domicile.
  • Québec prévoit un déficit entre 12 et 15 milliards de dollars en raison des dépenses additionnelles et des revenus manquants dus à la COVID-19.