Hausse des dépenses et virage écolo

Le ministre des Finances, Eric Girard, a dit préférer se définir comme un pragmatique en réponse à ceux qui le définissaient comme un conservateur.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le ministre des Finances, Eric Girard, a dit préférer se définir comme un pragmatique en réponse à ceux qui le définissaient comme un conservateur.

Le second budget portant la signature de la Coalition avenir Québec prévoit des investissements record en environnement et en culture, mais aucun nouvel allègement fiscal pour les particuliers ni provision dans l’éventualité où la propagation du coronavirus plombe l’économie québécoise.

Le ministre des Finances, Eric Girard, accélère le financement des missions de l’État pour une deuxième année consécutive. Les dépenses de portefeuilles de l’État progresseront de 5,1 % en 2020-2021, et ce, après avoir crû de 7,4 % en 2019-2020.

118,6 milliards
C’est le montant total des dépenses en 2020-2021, en hausse de 5,1 %

À l’étiquette de « conservateur fiscal » qui lui a été accolée, M. Girard a dit préférer mardi celle de « pragmatique ». « Le gouvernement a un rôle de stimuler l’économie lorsque la demande privée ralentit », a-t-il fait valoir. Alors que la propagation du coronavirus assombrit les perspectives de croissance économique mondiale, « on a la capacité d’accélérer les dépenses si nécessaire », a-t-il ajouté.

L'analyse du budget Girard 2020 par Michel David
 

 

Pour l’heure, M. Girard prévoit une hausse des dépenses à hauteur de 5,3 % en santé et de 4,5 % en éducation. Il consacre aussi des investissements « sans précédent » de 6,7 milliards de dollars en environnement au cours des six prochaines années, et ce, même si ce domaine semblait loin d’être sa priorité lors de la campagne électorale de 2018.

6,2 milliards
C’est le montant prévu d’ici 2026 pour réduire les émissions de GES

Le gouvernement caquiste entend investir 6,2 milliards de dollars d’ici mars 2026 ― dont la totalité des revenus du marché du carbone (4,1 milliards) ― afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % par rapport à 1990 d’ici 2030.

« Sur une base annuelle, il s’agit d’un effort deux fois plus important que celui [consenti par le gouvernement Charest dans le] Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques », a fait remarquer M. Girard. « Voilà ce que j’appelle bâtir une économie verte ! » s’est-il enorgueilli.

Environ 70 % des sommes allouées au premier plan de mise en oeuvre de la Politique cadre d’électrification et de lutte contre les changements climatiques ― en cours d’élaboration par le ministre de l’Environnement, Benoit Charette ― seront investies pour diminuer l’empreinte carbone du secteur des transports, à l’origine de 43 % des émissions de GES au Québec.

Le gouvernement caquiste accordera notamment près de 1,4 milliard sur six ans au programme Roulez vert, qui vise à soutenir l’électrification des transports à coups de rabais pour l’acquisition de véhicules électriques et de bornes de recharge.

43,8 milliards
C’est le montant que Québec investira dans le transport collectif

Se disant aussi « résolument soucieux de la réduction des GES et de l’adaptation aux changements climatiques », le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, a donné son feu vert à l’inscription de projets totalisant 130,5 milliards au Plan québécois des infrastructures (PQI) 2020-2030, dont 43,8 milliards pour des « projets titanesques » de transport collectif. Il s’agit d’« un sommet historique », a souligné à gros traits M. Dubé, tout en se donnant pour tâche d’« équilibrer » les investissements consacrés durant les 10 prochaines années au transport collectif d’une part et au réseau routier d’autre part.

Le gouvernement caquiste étudiera trois nouveaux projets de transport collectif électrique dans la région métropolitaine : un premier visant à relier l’Est, le Nord-Est et le Sud-Ouest au centre-ville de Montréal, un second visant à prolonger le REM vers le centre de Laval en plus de développer une ligne est-ouest, et un troisième visant à relier le secteur de Chambly et de Saint-Jean-sur-Richelieu au réseau du REM (Réseau express métropolitain).

« Nous investirons aussi des sommes importantes pour l’acquisition d’autobus hybrides et électriques ainsi que pour la réalisation de projets structurants de transport collectif électrique, de services rapides par bus et d’implantation de voies réservées », a poursuivi M. Dubé.

Il n’en fallait pas plus pour que le ministre Benoit Charette salue « le plus beau budget en environnement que le Québec aura connu ».

La CAQ « rate son rendez-vous avec l’Histoire », s’est désolé l’ancien ministre libéral des Finances, Carlos Leitão.

La porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a dénoncé une opération d’« écoblanchiment comptable » menée par l’équipe de François Legault. Ces « quelques pas de souris dans la bonne direction » sont insuffisants pour résorber la crise climatique, a-t-elle affirmé. Mme Massé a réitéré sa menace de paralyser l’action du gouvernement au moyen d’un « barrage populaire et parlementaire », mais seulement à compter d’octobre prochain.

« Le gouvernement ne peut pas affirmer que son budget est vert », a dit le député péquiste Martin Ouellet, après avoir constaté que le gouvernement investira cette année deux fois plus d’argent dans les routes que dans le transport en commun.

Promouvoir l’héritage culturel québécois

2020-2021 sera aussi l’année de la culture, s’est réjouie la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy.

Le gouvernement caquiste prévoit 456,9 millions d’investissements additionnels sur six ans pour « promouvoir davantage la spécificité culturelle du Québec » ici et ailleurs, en « export[ant] » la culture québécoise ― oeuvres musicales, télévisuelles ou cinématographiques ainsi que des expositions muséales ― à l’étranger.

Le gouvernement caquiste donnera également « plus de moyens » ― 50 millions ― aux organismes responsables de l’application de la Charte de la langue française ainsi qu’au Secrétariat à la promotion et à la valorisation de la langue française afin qu’ils puissent bien « remplir leur mission, notamment auprès des entreprises ».

De son côté, le PQI prévoit des investissements de 394 millions sur 10 ans pour soutenir les bibliothèques publiques et aménager des lieux de « création, diffusion et de médiation culturelles » dans des immeubles patrimoniaux qui auront été « acquis, restaurés, reconvertis et aménagés » par l’État.
 

Ralentissement économique

Le gouvernement caquiste continue de miser sur une croissance économique de 2 % en 2020, comparativement à 2,8 % en 2019, ce qui le place en porte-à-faux avec les prévisionnistes du secteur privé. Des « risques » pourraient influencer les prévisions économiques et financières, prévient le gouvernement caquiste. Pour prévenir le « choc », la CAQ doit sur-le-champ mettre de côté des provisions pour éventualités totalisant un milliard de dollars, a répété M. Leitão.



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